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31/03/2005 | FRANCE | N°00MA00685

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ere chambre - formation a 3, 31 mars 2005, 00MA00685


Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2000, présentée pour la Société X SA, dont le siège social est route de Bandol à Saint-Cyr sur Mer (83270), par Me Roland X... ; La société X SA demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 96-2240 / 97-3753 en date du 16 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nice a laissé à sa charge 50 % de responsabilité ;

2°) de prononcer un partage de responsabilité entre l'Etat et la commune de Bandol, seuls responsables du préjudice qu'elle a subi du fait de l'inconstructibilité de la partie de la zone d'amé

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Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2000, présentée pour la Société X SA, dont le siège social est route de Bandol à Saint-Cyr sur Mer (83270), par Me Roland X... ; La société X SA demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 96-2240 / 97-3753 en date du 16 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nice a laissé à sa charge 50 % de responsabilité ;

2°) de prononcer un partage de responsabilité entre l'Etat et la commune de Bandol, seuls responsables du préjudice qu'elle a subi du fait de l'inconstructibilité de la partie de la zone d'aménagement concerté située sur la commune de Bandol où elle possède des terrains, conséquence de l'annulation du plan d'occupation des sols de la commune de Bandol ayant entraîné l'impossibilité de réaliser la ZAC dite du Golf de Frégate ;

3°) de condamner la commune de Bandol et l'Etat à lui verser, chacun, la somme de 50.000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative, ensemble le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2005 ;

- le rapport de M. LAFFET, président assesseur ;

- les observations de Me Z... pour la société X SA ;

- les observations de Me Y... pour la commune de Bandol ;

- et les conclusions de M. Cherrier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par arrêtés en date du 5 mars 1990, le préfet du VAR a autorisé la création de la zone d'aménagement concerté intercommunale dite du Golf de Frégate sur le territoire de la commune de Bandol et sur le territoire de la commune de Saint-Cyr-sur-Mer et a approuvé le plan d'aménagement de ladite zone ainsi que le programme des équipements publics ; qu'une convention a été conclue le 19 mars 1990 entre la commune de Bandol et la SARL X en vue de l'aménagement et de l'équipement de cette zone ; que, toutefois, à la suite de l'annulation, par jugement en date du 21 novembre 1991 devenu définitif, de la révision du plan d'occupation des sols de Bandol, approuvée par délibération du conseil municipal en date du 14 avril 1988, l'aménageur, la SARL X, n'a pu mener à son terme l'opération et a recherché devant le Tribunal administratif de Nice la responsabilité de la commune de Bandol et de l'Etat ;

Considérant que, par jugement en date du 16 avril 1999, le Tribunal administratif de Nice a déclaré responsables à hauteur de 30 % et de 20 % respectivement la commune de Bandol et l'Etat à raison de la création illégale de la ZAC du Golf de Frégate et a laissé à la charge de la SARL X 50 % de son préjudice, tout en renvoyant l'évaluation du préjudice aux résultats d'une expertise ordonnée par voie de référé ; que la société X SA, qui vient aux droits de la SARL X, relève appel de ce jugement ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Bandol sollicite sa mise hors de cause et que, dans l'hypothèse où sa responsabilité serait engagée, l'Etat la garantisse des condamnations qui seraient mises à sa charge ;

Sur les fins de non-recevoir opposées à la requête :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'assemblée générale extraordinaire réunie le 10 décembre 1997, la SARL X a décidé sa transformation en société anonyme (SA) ; que, dès lors, la société X SA a qualité pour relever appel du jugement ayant laissé à la charge de la SARL X 50 % de son préjudice ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié aux parties par courrier posté à Nice le 3 février 2000 ; qu'ainsi, l'appel de la société X SA, enregistré au greffe de la cour le 4 avril 2000 a été formé, en tout état de cause, dans les délais impartis par l'article R.229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur et désormais repris sous l'article R.811-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ni la commune de Bandol, ni le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer ne sont fondés à soutenir que la requête serait irrecevable ;

Sur les responsabilités :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Bandol :

Considérant que, par délibération en date du 14 avril 1988, le conseil municipal de Bandol a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de la commune, qui classait des espaces proches du rivage, auparavant inclus dans une zone NC présentant un intérêt agricole et naturel, en zone NAb d'urbanisation future ; que, par un jugement en date du 21 novembre 1991, devenu définitif, faute d'appel interjeté régulièrement devant le Conseil d'Etat, le Tribunal administratif de Nice a annulé cette délibération en tant qu'elle créait la zone NAb au motif que cette zone s'inscrivait dans un espace sensible devant être protégé au regard des dispositions des articles L.146-2, L.146-4 II et L.146-6 du code de l'urbanisme, issus de la loi du 3 janvier 1986 ; que la commune de Bandol, à la faveur de la création de cette zone NAb, a pris l'initiative de mettre en oeuvre la ZAC dite du Golf de Frégate, comprenant la réalisation d'un golf de 27 trous et d'immeubles développant 10.000 m² de surface hors oeuvre nette ; qu'après la création de cette ZAC, par arrêté du préfet du VAR en date du 5 mars 1990, la commune de Bandol a signé un contrat d'aménagement avec la SARL X qui a acquis les terrains nécessaires à l'opération le 31 décembre 1991 ; qu'ainsi en décidant de réviser le plan d'occupation des sols de la commune afin de permettre la réalisation de la ZAC du Golf de Frégate, le conseil municipal de Bandol a commis une illégalité constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard de l'aménageur, la SARL X ;

Considérant que la commune de Bandol soutient, cependant, que l'Etat a commis des fautes de nature à dégager sa responsabilité ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R.123-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération ayant approuvé le plan d'occupation des sols : Dans un délai de trois mois à compter de la transmission de la délibération prescrivant l'établissement du plan d'occupation des sols, le commissaire de la République porte à la connaissance du maire, les prescriptions nationales ou particulières et les servitudes d'utilité publique applicables au territoire concerné ainsi que les projets d'intérêt général au sens de l'article L.121-12 et, éventuellement parmi les dispositions relatives au contenu du plan d'occupation des sols, prévues aux articles R.123-25 à R.123-24, celles qui sont nécessaires à la mise en oeuvre de ces projet (...) ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet du VAR a, à plusieurs reprises, les 15 mai 1986 et 6 août 1987 invité la commune de Bandol à respecter les dispositions de la loi Littoral en signalant que le site, qui devait faire l'objet d'un classement en zone NAb d'urbanisation future, était particulièrement sensible, et en rappelant que le rapport de présentation de la révision devait être complété par la justification de la compatibilité du plan d'occupation des sols révisé avec la loi Littoral ; qu'ainsi, la commune de Bandol n'est pas fondée à soutenir que les services de l'Etat l'auraient insuffisamment informée sur ce point ;

Considérant, d'autre part, que dès lors que des agents de l'Etat sont mis à la disposition d'une commune notamment pour l'élaboration d'un document d'urbanisme ou en vue de la préparation d'une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol, la collectivité ne peut rechercher la responsabilité de l'Etat que dans l'hypothèse où l'un de ses agents aurait commis une faute ou aurait négligé d'exécuter une instruction du maire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au cas d'espèce, cela aurait été le cas ;

Considérant, enfin, qu'aucune faute lourde ne peut être reprochée à l'Etat dans l'exercice du contrôle de légalité à l'occasion de la révision du plan d'occupation des sols ;

Considérant, dès lors, que sur tous ces points aucune faute de nature à dégager même partiellement la responsabilité de la commune de Bandol ne peut être relevée à l'encontre de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité imputable à la commune de Bandol vis-à-vis de la SARL X en la fixant à un tiers du préjudice subi par ladite société ; qu'en conséquence, le jugement du Tribunal administratif de Nice doit être réformé en ce qu'il a fixé à 30 % cette part de responsabilité ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article L.146-4 II du code de l'urbanisme : L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) doit être justifiée et motivée, dans le plan d'occupation des sols, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma directeur ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord du représentant de l'Etat dans le département. Cet accord est donné après que la commune a motivé sa demande et après avis de la commission départementale des sites appréciant l'impact de l'urbanisation sur la nature (...) ;

Considérant que par arrêté en date du 5 mars 1990, le préfet du VAR a décidé de créer la ZAC du Golf de Frégate, sur demande du conseil municipal de Bandol en date du 7 novembre 1988, et après avoir recueilli l'avis favorable de la commission départementale des sites réunie les 20 janvier et 17 février 1989 ; que, toutefois, le préfet du VAR ne pouvait légalement délivrer cette autorisation de création de ZAC sans vérifier que le projet ne portait pas atteinte à un site naturel proche du rivage et qui devait être protégé au regard des dispositions des articles L.146-4 II et L.146-6 du code de l'urbanisme ; qu'ainsi, en autorisant la création de la ZAC du Golf de Frégate, le préfet du VAR a commis une faute qui est de nature à engager la responsabilité de l'Etat, sans que le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer puisse utilement invoquer, pour dégager l'Etat de cette responsabilité, la circonstance que toutes les implications des dispositions de la loi Littoral n'étaient pas parfaitement connues à l'époque en présence d'une jurisprudence aussi incertaine que peu abondante ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité imputable à l'Etat vis-à-vis de la SARL X en la fixant également à un tiers du préjudice subi par ladite société ; qu'en conséquence, le jugement du Tribunal administratif de Nice doit être réformé en ce qu'il a fixé à 20 % cette part de responsabilité ;

En ce qui concerne la responsabilité de la SARL X :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL X, qui a la qualité d'aménageur professionnel, a été associée à la révision du plan d'occupation des sols de la commune de Bandol, préalable nécessaire à la création de la ZAC du Golf de Frégate, et à laquelle certains de ses urbanistes et architectes ont participé ; que cette société a engagé l'aménagement de cette opération dans un secteur particulièrement sensible du littoral varois sans s'assurer de la régularité du projet au regard des règles introduites par la loi du 3 janvier 1986 ; que ce faisant, elle a commis une imprudence fautive de nature à engager sa responsabilité ; que, toutefois, il y a lieu de limiter à un tiers la responsabilité qui lui est imputable ; qu'en conséquence, la société X SA, qui vient aux droits de la SARL X, est fondée à demander la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a retenu à son encontre une part de responsabilité de 50 % ;

Sur l'appel en garantie de la commune de Bandol :

Considérant que dès lors que le présent arrêt a déterminé les responsabilités respectives de la commune de Bandol et de l'Etat, les conclusions d'appel en garantie que la commune de Bandol a formées contre l'Etat doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées tant par la société X SA que par la commune de Bandol tendant au remboursement des frais engagés par elles et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1e : La commune de Bandol est déclarée responsable dans la proportion du tiers du préjudice subi par la SARL X à la suite de la création illégale de la ZAC du Golf de Frégate.

Article 2 : L'Etat (ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer) est déclaré responsable dans la proportion du tiers du même préjudice.

Article 3 : Il est laissé à la charge de la société X SA le tiers de son préjudice.

Article 4 : le jugement n° 96-2240 / 97-3753 en date du 16 décembre 1999 du Tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la commune de Bandol est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la société X SA tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à société X SA, à la commune de Bandol et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

N° 00MA00685

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00MA00685
Date de la décision : 31/03/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROUSTAN
Rapporteur ?: M. Bernard LAFFET
Rapporteur public ?: M. CHERRIER
Avocat(s) : BLUM

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-03-31;00ma00685 ?
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