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17/11/2005 | FRANCE | N°04MA02013

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 17 novembre 2005, 04MA02013


Vu I) la requête enregistrée le 9 septembre 2004 sous le numéro 0402013 présentée pour M. Michel X, élisant domicile ..., par Me Lebois, et le mémoire complémentaire en date du 30 novembre 2004 ; M. Michel X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0201763 du 4 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'assistance publique de Marseille à lui verser une somme de 5 000 euros et ordonné une expertise médicale avant de statuer sur sa demande d'indemnité ;

2°) de condamner l'assistance publique de Marseille à lui verser une som

me de 1 829 388, 21 euros en réparation du préjudice qu'il a subi à la suite d...

Vu I) la requête enregistrée le 9 septembre 2004 sous le numéro 0402013 présentée pour M. Michel X, élisant domicile ..., par Me Lebois, et le mémoire complémentaire en date du 30 novembre 2004 ; M. Michel X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0201763 du 4 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'assistance publique de Marseille à lui verser une somme de 5 000 euros et ordonné une expertise médicale avant de statuer sur sa demande d'indemnité ;

2°) de condamner l'assistance publique de Marseille à lui verser une somme de 1 829 388, 21 euros en réparation du préjudice qu'il a subi à la suite des opérations des mois de novembre et décembre 1996 ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer le taux d'incapacité permanente partielle correspondant aux séquelles qu'il conserve ;

4°) à titre encore subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer les responsabilités encourues, de dire si les actes médicaux ont été conformes aux données de la science et d'évaluer son préjudice corporel ;

5°) de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 3 000 euros par application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu II) la requête enregistrée le 12 septembre 2004 sous le numéro 0402044 présenté pour l'assistance publique de Marseille par Me Le Prado, et les mémoires complémentaires en date des 2 novembre 2004 et 26 mai 2005 ; l'assistance publique de Marseille demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0201763 du 4 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'assistance publique de Marseille à lui verser une somme de 5 000 euros et ordonné une expertise médicale avant de statuer sur sa demande d'indemnité ;

2°) de rejeter la demande formulée par M. X devant le Tribunal administratif de Marseille ;

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Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2005,

- le rapport de M. Marcovici, rapporteur ;

- les observations de Me Tetaz-Monthoux, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 04021013 et 0402044 sont relatives à un même dommage ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;

Considérant que M. X, qui est né en 1950, a été victime, en 1967 d'un accident de cyclomoteur qui lui a occasionné une fracture de la vertèbre D7 et une paraplégie dite « flasque » ; qu'il a retrouvé par la suite une motricité normale ; que son état a nécessité en 1989 une nouvelle intervention au cours de laquelle fut pratiqué une résection vertébrale antérieure, une réduction de la cyphose et une reconstruction vertébrale par greffon et plaque vissée ; qu'il a à nouveau subi trois interventions chirurgicales à l'hôpital de la Conception à Marseille les 25 novembre, 26 novembre et 9 décembre 1996 à la suite desquelles il est devenu paraplégique ;

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par les premiers juges, que «le mécanisme d'aggravation de M. X est parfaitement caractéristique d'un processus d'ischémie médullaire de type réflexe lié à une vasoconstriction pathologique sur le réseau artériel médullaire et dont le mécanisme en cause fait appel à un processus de vaso-spasme post opératoire secondaire. Il s'agit d'un mécanisme de défense de l'organisme face à l'agression chirurgicale qui dépasse son objectif» et que, en l'absence d'intervention chirurgicale, l'état du patient aurait inévitablement évolué vers la paraplégie ; qu'ainsi, l'affection dont souffre M. X qui a aggravé son état initial est en relation avec l'évolution prévisible de son état ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de l'assistance publique de Marseille serait engagée en l'absence de faute ;

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'aucune faute dans l'accomplissement de l'acte chirurgical, ni dans la surveillance ou le fonctionnement du service ne peut être imputée à l'assistance publique de Marseille ;

Considérant, toutefois, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant qu'il est constant que le praticien hospitalier n'a pas informé M. X du risque qui s'est réalisé au cours des opérations en cause ; que, par suite, en l'absence d'urgence rendant impossible l'information préalable du patient, ce défaut d'information a constitué une faute susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier à l'égard de M. X ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que l'état de M. X nécessitait impérativement un traitement et, d'autre part, qu'il n'y avait pas d'alternative thérapeutique moins risquée que l'opération envisagée et qui aurait permis d'éviter les troubles dont souffre aujourd'hui M. X ; qu'il convient toutefois d'examiner si M. X n'a pas été privé d'une chance de différer l'opération en cause ; que, compte tenu du caractère exceptionnel du dommage survenu, de son caractère imprévisible et des bénéfices que pouvaient procurer l'opération en cause, le rapprochement entre d'une part, les risques inhérents à l'opération et, d'autre part, les risques de paraplégie à brève échéance en cas de renoncement à ce traitement, la faute commise par l'assistance publique de Marseille n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour M. X de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; qu'aucune indemnisation n'est, par suite, due à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande d'annulation du jugement attaqué formulée par l'assistance publique de Marseille ne peut qu'être accueillie ; que la demande d'indemnisation formulée par M. X devant le Tribunal administratif de Marseille doit être rejetée ; que la demande de condamnation de l'assistance publique de Marseille formulée par la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse à lui rembourser ses débours ne peut également qu'être rejetée ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de maintenir les frais de l'expertise ordonnée en première instance à la charge de l'assistance publique de Marseille ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions combinées des articles L.761-1 et R.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'assistance publique de Marseille, en sa qualité de partie tenue aux dépens, à verser à M. X la somme de 1 000 euros au titre de ses frais d'instance non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1 : Les articles 1, 2, 3, 4, 5 et 7 du jugement susvisé du Tribunal administratif de Marseille sont annulés.

Article 2 : La demande formulée par M. X devant le Tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions des parties sont rejetés.

Article 3 : L'assistance publique de Marseille versera la somme de 1 000 euros à M. X, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'assistance publique de Marseille, à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse, à M. Michel X et au ministre de la santé et des solidarités.

Copie en sera adressée à Me Lebois, Me Le Prado, Me Despieds et au préfet de Vaucluse.

N° 0402013,0402044 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04MA02013
Date de la décision : 17/11/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : LEBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-11-17;04ma02013 ?
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