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27/03/2006 | FRANCE | N°02MA01018

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 27 mars 2006, 02MA01018


Vu 1°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 30 mai 2002, sous le 02MA01018, présentée pour la SOCIETE JACQUES ROUGERIE, dont le siège est Péniche Saint Paul, Port des Champs Elysées, Paris (75008), par la SCP Delmas-Rigaud-Levy-Balzarini, avocats ;

La SOCIETE JACQUES ROUGERIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 90703 943287 du 1er mars 2002 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à payer à la commune de Fleury d'Aude de la somme de 1.039.015,80 euros, avec intérêts au taux léga

l à compter du 4 octobre 1994 et capitalisation des intérêts aux 30 septembr...

Vu 1°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 30 mai 2002, sous le 02MA01018, présentée pour la SOCIETE JACQUES ROUGERIE, dont le siège est Péniche Saint Paul, Port des Champs Elysées, Paris (75008), par la SCP Delmas-Rigaud-Levy-Balzarini, avocats ;

La SOCIETE JACQUES ROUGERIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 90703 943287 du 1er mars 2002 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à payer à la commune de Fleury d'Aude de la somme de 1.039.015,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 1994 et capitalisation des intérêts aux 30 septembre 1996, 24 novembre 1998, 14 décembre 1999 et 19 septembre 2001 ;

2°) de rejeter la demande de la commune de Fleury d'Aude tendant à sa condamnation ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés SEMAA, SMBVA, le bureau Véritas et MM A... et D..., conjointement et solidairement, à la garantir des condamnations qui pourront être prononcées en son encontre ;

4°) de condamner la commune de Fleury d'Aude à lui verser la somme de 381.122,45 € à titre de dommages et intérêts ;

5°) de condamner ladite commune à lui verser une somme de 30.489,80 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête de première instance de la commune est irrecevable pour défaut d'habilitation du maire à ester en justice ;

- la réception ayant eu lieu tacitement, sa responsabilité ne peut être recherchée sur le fondement contractuel ;

- les dépassements du coût qui lui est imputé résultent de l'insuffisance de l'étude du sol produite par le maître d'ouvrage ; ces dépassements ont tous fait l'objet d'avenants qui ont été soumis à la commune ;

- le permis de construire a été délivré par la commune ;

- la capacité d'accueil de l'observatoire n'était pas clairement définie dans les actes du marché, d'ailleurs, la commune a accepté les plans qu'elle lui avait soumis ;

- les chiffres de fréquentation projetés ne correspondent pas à une capacité d'accueil de 50 personnes ;

- la non-conformité aux règles de sécurité n'a jamais été avérée ;

- la commune aurait pu faire fonctionner le jardin aquatique moyennant quelques aménagements ;

- en outre, les montants d'indemnisation des premiers juges n'ont fait l'objet d'aucune communication ou discussion contradictoire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la requête, enregistrée le 3 juin 2002, par laquelle la SOCIETE ROUGERIE demande que la Cour ordonne le sursis à l'exécution du jugement attaqué du 1er mars 2002 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 août 2003, présenté pour M. A... par la SCP H..., avocats ; il conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SOCIETE ROUGERIE à lui verser une somme de 15.000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- ……………………………

Vu le mémoire, enregistré le 3 décembre 2003, présenté pour la société Aude X... par la SCP Trias-Verine et Vidal, avocats ;

La société Aude X... conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande que la SOCIETE ROUGERIE soit déclarée entièrement responsable des dommages subis par la commune, à moins que la responsabilité de celle-ci ne soit partiellement reconnue ;

……………………………….

Vu la mise en demeure adressée le 17 décembre 2003 à la SCP Delmas-Rigaud-Levy-Balzarini, avocats, en application de l'article R. 612-2 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu la mise en demeure adressée le 14 février 2005, en application de l'article R. 612-2 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mars 2005, présenté pour M. A..., qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SOCIETE ROUGERIE à lui verser une somme de 5.000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………..

Vu le mémoire, enregistré le 15 mars 2005, présenté pour M. E..., qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SOCIETE ROUGERIE à lui verser une somme de 2.000 € en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

…………………………….

Vu le mémoire, enregistré le 17 mars 2005, présenté pour le bureau Véritas, par la SCP Guy-Vienot, avocats ;

Le Bureau Véritas conclut au rejet de la requête et à la condamnation de tous succombants à lui verser une somme de 2.500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………….

Vu le mémoire, enregistré le 3 juin 2005, présenté pour le syndicat mixte d'aménagement de la basse vallée de l'Aude, par Me G..., avocat ;

Le SMABVA conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SOCIETE ROUGERIE à lui verser une somme de 2.000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………

Vu l'ordonnance en date du 30 juin 2005 fixant la clôture d'instruction au 30 septembre 2005, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 août 2005, présenté pour la société Aude X... (anciennement SEMAA), par la SCP Trias-Verine-Vidal-Gardier-Leonil ; elle conclut au rejet de la requête et au rejet des conclusions de la SOCIETE ROUGERIE dirigées à son encontre ; elle conclut également à la condamnation de la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE à lui verser une somme de 2.441.938,72 € en remboursement des sommes avancées par elle, et les sommes de 489.747,50 € et 50.437,45 € correspondant à des intérêts non présentés du préfinancement et au solde non présenté de rémunération ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 septembre 2005, présenté pour M. A... qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

…………………………..

Vu le mémoire, enregistré le 14 septembre 2005, présenté pour M. A... qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

…………………………….

Vu le mémoire, enregistré le 30 septembre 2005, présenté pour la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE par la SCP Charrel, avocats, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande la condamnation de la SOCIETE ROUGERIE à lui verser une somme de 1.406.822,24 €, assortie des intérêts au taux légal et des intérêts des intérêts ; elle conclut également à la condamnation de la SOCIETE ROUGERIE à lui verser une somme de 5000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………

Vu le mémoire, enregistré le 30 septembre 2005, présenté pour la société Amec Spei Sud ouest, venant aux droits de la société Spie Trindel, par la SCP Salesse-Destrem, avocats, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société SEMAA à lui verser une somme de 1.572,84 € en réparation du préjudice subi à la suite du refus fautif de la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE de réceptionner l'ouvrage, et à la condamnation de la société SEMAA à lui verser une somme de 1.524,39 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………………

Vu le mémoire, non communiqué, enregistré le 13 février 2006, présenté pour la SOCIETE ROUGERIE qui conclut aux mêmes fins que la requête ;

…………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu 2°) la requête, enregistrée le 3 juin 2002, sous le n° 02MA1034, présentée pour la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE représentée par son maire, par la SCP Charrel-Nicolas-Charrel, avocats ;

La COMMUNE DE FLEURY D'AUDE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9000703 du 1er mars 2002 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la condamnation de la société Rougerie à lui verser une somme de 8.092.253,29 € et l'a condamnée à verser à cette société une somme de 58.707,77 € ;

2°) de condamner la société Rougerie à lui verser une somme de 7.229.247,30 € et de rejeter la demande de cette société ;

3°) de condamner ladite société à lui verser une somme de 10.000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- seule la responsabilité de la société Rougerie peut être engagée, dès lors que la commune n'a commis aucune faute qui lui soit imputable ;

- les premiers juges ont fait une estimation insuffisante du préjudice qu'elle a subi ;

- les attributions du fonds de compensation de la TVA sont des subventions qui ne doivent pas être défalquées du préjudice subi par la commune ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 août 2003, présenté pour M. A... par la SCP H..., avocats ; il conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SOCIETE ROUGERIE à lui verser une somme de 15.000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………

Vu le mémoire, enregistré le 3 décembre 2003, présenté pour la société Aude X... par la SCP Trias-Verine et Vidal, avocats ;

La société Aude X... conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande que la SOCIETE ROUGERIE soit déclarée entièrement responsable des dommages subis par la commune, à moins que la responsabilité de celle-ci ne soit partiellement reconnue ;

…………………………..

Vu la mise en demeure adressée le 14 janvier 2004 à la SCP Melmoux-Prouzat-Guers, avocats, en application de l'article R.612-2 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 février 2004, présenté pour la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE par la SCP Melmoux-Prouzat-Guers, avocats, qui conclut aux mêmes fins que la requête et à la capitalisation des intérêts ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 mars 2005, présenté pour l'association «Rassembler pour agir» par Me Y..., avocat ;

L'association conclut à l'annulation du jugement en tant qu'il a condamné la commune de Fleury d'Aude à verser une somme de 58.707.77 € à la SOCIETE ROUGERIE et qu'il a reconnu une part de responsabilité à cette commune ; elle demande également la condamnation de la SOCIETE ROUGERIE à lui verser une somme de 2.000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………….

Vu la mise en demeure adressée le 30 juin 2005 à la SCP Delmas-Rigaud-Levy, avocats, en application de l'article R.612-2 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2005, présenté pour la SOCIETE ROUGERIE, par la SCP Delmas-Rigaud-Levy, avocats, qui conclut au rejet de la requête ;

……………………………

Vu le mémoire, enregistré le 17 août 2005, présenté pour la société Aude X... (anciennement SEMAA), par la SCP Trias-Verine-Vidal-Gardier-Leonil, avocats ; elle conclut au rejet de la requête et au rejet des conclusions de la société Rougerie dirigées à son encontre ; elle conclut également à la condamnation de la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE à lui verser une somme de 2.441.938,72 € en remboursement des sommes avancées par elle, et les sommes de 489.747,50 € et 50.437,45 € correspondant à des intérêts non présentés du préfinancement et au solde non présenté de rémunération ;

- …………………………….

Vu le mémoire, enregistré le 30 septembre 2005, présenté pour la société Amec Spei Sud-ouest, venant aux droits de la société Spie Trindel, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société SEMAA à lui verser une somme de 1.572,84 € en réparation du préjudice subi à la suite du refus fautif de la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE de réceptionner l'ouvrage, ainsi qu'à la condamnation de la société SEMAA à lui verser une somme de 1.524,39 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………

Vu le mémoire, enregistré le 30 septembre 2005, présenté pour la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE, qui conclut à la condamnation de la SOCIETE ROUGERIE à lui verser une somme ramenée à 1.406.822,24 €, assortie des intérêts au taux légal et des intérêts des intérêts ; elle conclut également à la condamnation de ladite société à lui verser une somme de 5000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………….

Vu le mémoire non communiqué, enregistré le 16 février 2006, présenté pour la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE qui conclut aux mêmes fins que la requête ;

…………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 février 2006 :

- le rapport de Mlle Josset, premier conseiller,

- les observations de Me I... de la SCP Charrel pour la commune de Fleury d'Aude,

- les observations de Me Y... pour l'association « Rassembler pour agir »,

- les observations de Me F... pour la SARL Jacques Rougerie,

- les observations de Me H... pour M.Gascieu,

- les observations de Me B... de la SCP Guy-Vienot pour le bureau Véritas,

- les observations de Me G... pour le syndicat d'aménagement

- et les conclusions de M. Firmin, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 02MA01018 et n° 02MA1034, présentées pour la SOCIETE JACQUES ROUGERIE et pour la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE, sont relatives à un même marché et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;

Considérant que par convention du 9 février 1988, reconduite le 13 mai 1988, la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE a confié au syndicat mixte d'aménagement et de développement de la Basse Vallée de l'Aude (SMBVA) une mission de conseil pour la création d'un jardin aquatique à Saint Pierre-de-la-mer, près du rocher de la Batterie, destiné à favoriser l'animation de la commune ; que la maîtrise d'oeuvre de cet ouvrage a été attribuée à la SOCIETE ROUGERIE, par marché en date du 31 mars 1988 avant que la maîtrise d'ouvrage ne soit déléguée à la société d'économie mixte d'équipement et d'aménagement de l'Aude, devenue Aude X..., par convention en date du 25 mai 1988 ;

Considérant que la SOCIETE ROUGERIE fait appel du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE une somme de 1.030.015,80 euros et a rejeté ses conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la commune à lui verser des dommages et intérêts, ainsi que ses appels en garantie dirigés contre la société Aude aménagement et les différents constructeurs ayant participé à l'opération ; que la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE, par voie d'appel principal et d'appel incident, demande la réformation de ce même jugement en tant qu il a retenu une part de responsabilité de la commune dans la survenance des dommages et l'a condamnée à payer une somme de 58.707,77 euros à la SOCIETE ROUGERIE à titre d'honoraires ;

Sur l'intervention de l'association « Rassembler pour agir » :

Considérant que, dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui se prévalent d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier ; qu'en l'espèce, la décision à rendre sur la requête de la commune de Fleury n'est pas susceptible de préjudicier aux droits de l'association «Rassembler pour agir » ; que dès lors, l'intervention de cette association n'est pas recevable ;

Sur la régularité du jugement attaqué et la recevabilité de la requête d'appel de la commune de Fleury d'Aude :

Considérant, d'une part, que par délibération en date du 11 mai 1994, le conseil municipal de la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE a autorisé le maire à entreprendre toutes les actions judiciaires se rapportant au jardin aquatique de Saint Pierre-de-la-Mer, devant quelque tribunal que se soit ; que, dès lors, la SOCIETE ROUGERIE n'est pas fondée à soutenir que le maire ne disposait d'aucune habilitation pour introduire la requête de première instance ;

Considérant, d'autre part, que contrairement à ce que soutient la SOCIETE ROUGERIE, la requête de la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE, qui conteste sa part de responsabilité et sa condamnation à verser des honoraires à la SOCIETE ROUGERIE, ainsi que les motifs de cette contestation, est suffisamment motivée ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

Considérant que conformément à la loi sur la délégation de maîtrise d'ouvrage du 12 juillet 1985, la réception de l'ouvrage par le maître d'ouvrage délégué doit recueillir l'autorisation au préalable du maître d'ouvrage ; qu'aux termes de l'article 26 de la convention de délégation de maîtrise d'ouvrage évoquée ci-dessus : « … La décision relative à la réception de l'ouvrage n'interviendra qu'après accord exprès de la collectivité notifié à la société dans le délai de 45 jours du procès-verbal de l'opération de réception . Cette réception vaudra quitus de sa mission donné par la collectivité à la société pour les travaux reçus… » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la SOCIETE ROUGERIE a établi le 22 décembre 1989 le procès-verbal des opérations préalables à la réception, il est constant que la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE a expressément refusé la réception de l'ouvrage en cause, en raison des désordres qui l'affectaient ; que, dès lors, la SOCIETE ROUGERIE n'est pas fondée à soutenir que, faute de réponse de la SEMAA dans le délai de 45 jours prévu par l'article 41-3 du CCAG , une réception tacite serait intervenue ; qu'elle ne saurait valablement prétendre que les stipulations susvisées de la convention ne lui seraient pas applicables, en sa qualité de tiers à ladite convention, dès lors qu'en tout état de cause ces dispositions résultent de la loi ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE était recevable à exercer une action contre la SOCIETE ROUGERIE sur un fondement contractuel ;

En ce qui concerne les responsabilités encourues :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise déposés dans cette affaire que, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal, le jardin aquatique de Fleury d'Aude était inexploitable dans l'état où il a été achevé, dès lors que certaines des règles d'accessibilité et de sécurité qui s'imposent à tout établissement recevant du public ont été méconnues, que l'observation de la vie sous ;marine n'était pas satisfaisante en l'absence de solution complète au problème de la turbidité de l'eau et que les charges financières excessives, imputables à la dérive du montant de l'investissement initial et à l'insuffisance des recettes de fonctionnement envisageables, compte tenu d'une capacité d'accueil inférieure aux prévisions, auraient entraîné un déficit qui n'était pas supportable par les finances communales ; que, par suite, la commune de Fleury d'Aude est fondée à soutenir qu'elle a subi un préjudice correspondant aux dépenses qu'elle a inutilement exposées, dès lors que le coût de remise en état de l'ouvrage était supérieur au coût d'une construction nouvelle ;

Considérant que la SOCIETE ROUGERIE a été chargée d'une mission complète de type M1 avec un coût d'objectif total s'élevant à 16.345.484,16 F et comprenant notamment l'établissement d'un avant-projet sommaire, d'un avant-projet détaillé et des spécifications techniques détaillées ; qu'une telle mission impliquait qu'elle appelât l'attention du maître d'ouvrage sur les graves erreurs que comportaient les études préalables qui lui avaient été soumises et qui ont nécessité de substituer des fondations lourdes du bassin à un projet prévoyant des structures légères ; qu'en acceptant néanmoins d'accomplir sa mission et en déposant dès le 14 mars 1988 un permis de construire élaboré par ses soins, la SOCIETE ROUGERIE a gravement manqué à ses obligations de conseil ; qu'elle a de même, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, laissé se développer un projet important alors que de sérieuses incertitudes existaient sur la capacité d'accueil de l'observatoire à la suite des modifications postérieures au dépôt du permis de construire et sur les règles d'accessibilité et de sécurité applicables à un prototype installé sous l'eau ; que si la SOCIETE ROUGERIE soutient que les dépassements de prix ont été validés par la commune, il ressort des pièces du dossier et notamment de la lettre adressée à la société le 3 août 1988, que la commune relevait, dans ce courrier, qu'«au fur et à mesure que le projet du jardin aquatique prends corps, se lèvent de nouvelles difficultés et se découvrent de nouveaux problèmes …», et soulignait «de nombreuses distorsions entre le projet, son coût estimatif et les résultats tant au niveau du montant de la dépense que des solutions techniques envisagées…» ; qu'en effet, alors que selon l'article 1-4 de l'acte d'engagement, la structure immergée devait comprendre « une zone d'attente, une salle d'exposition d'une capacité de 50 personnes et une zone technique.. », et que le descriptif sommaire établi le 10 mars 1998 par la SOCIETE ROUGERIE, en conformité avec ces prescriptions, prévoyait que la visite de l'observatoire devait se dérouler par groupe de 50 personnes, il n'est pas sérieusement contesté que seules 19 personnes pouvaient pénétrer dans la salle d'exposition en raison de sa conception et de ses accès ; que, dans ces conditions, la SOCIETE ROUGERIE a aussi manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas le descriptif sommaire dressé par elle le 10 mars 1988, en modifiant de façon substantielle le projet en raison d'erreurs de conception, et en ne maîtrisant pas les éléments de la dépense aboutissant à un ouvrage dont le coût a plus que triplé entre son lancement et sa livraison ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte également de l'instruction et notamment des énonciations du jugement correctionnel du Tribunal de grande instance de Montpellier en date du 14 mars 2002, devenu définitif, que la brièveté des délais de réalisation imposés par le maire, qui tenait à ce que l'inauguration de l'ouvrage ait lieu le 30 novembre 1988, dans la perspective d'une retransmission télévisée, a entraîné une précipitation dans la conception du projet et une imprécision plus grande encore en ce qui concerne le financement de l'opération et que, d'autre part, malgré l'évolution catastrophique et non maîtrisée du projet dont il avait connaissance, le maire n'en a pas tenu informé le conseil municipal, lequel n'a pu réagir à temps ; que ces fautes, qui sont opposables à la commune nonobstant la circonstance qu'elles ont fait l'objet de poursuites pénales personnelles à l'encontre du maire, sont de nature à rendre la commune partiellement responsable du préjudice qu'elle invoque ; qu'eu égard aux agissements fautifs respectifs de la commune et de la SOCIETE ROUGERIE, et compte tenu des responsabilités encourues par les autres constructeurs dont la condamnation n'est pas demandée solidairement par la commune, la part de responsabilité qui incombe à chacune d'elles dans la survenance des dommages doit être fixée à 25 % ; qu'ainsi la SOCIETE ROUGERIE est fondée à soutenir qu'en retenant des taux de 33 % pour elle-même et de 8 % pour la commune, les premiers juges ont fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce ; qu'il y a lieu pour la Cour de réformer le jugement attaqué sur ce point et, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'indemnisation du préjudice subi ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise rédigé par M. C... à la demande du président de la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Montpellier, et soumis au débat contradictoire, que le montant total des dépenses justifiées par la commune s'élève à 3.578.767,26 €, les intérêts des divers emprunts à 1.224.292 €, les dépenses de fonctionnement du site à 682.657 € (4.477.936,4 F) et les études complémentaires qui se sont révélées utiles à l'expert à 79.554 € ; qu'en revanche, la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE n'apporte aucun élément de nature à justifier qu'elle aurait suivi les préconisations de l'expert pour remettre les lieux en état ; que, par ailleurs, elle n'établit pas que la somme de 14.717,19 € qu'elle réclame au titre des honoraires d'un audit financier correspondrait à une dépense utile à la solution du présent litige ; qu'il en va de même, s'agissant d'une autre somme réclamée de 69.025,91 €, de la part correspondant à des frais dont l'objet n'est pas précisé, tandis que la part correspondant à des honoraires d'avocat dans présente instance doit être incluse dans les frais de procédure indemnisés au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi la commune ne saurait prétendre au remboursement desdites sommes ; qu'enfin, la créance de la commune doit être diminuée de la subvention versée par le conseil général de l'Aude pour un montant de 762.245,01 € et du remboursement par l'Etat de la TVA sur les travaux exécutés pour un montant de 443.729,54 €, dès lors qu'il n'est ni établi, ni même allégué que ces sommes auraient été restituées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice total subi par la commune doit être évalué à la somme de 4.359.295,71 € ; que compte tenu du partage de responsabilité décidé ci-dessus, la SOCIETE ROUGERIE doit être condamnée à verser à la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE une somme de 1.089.823,93 € ; qu'il y a lieu de réformer le jugement du tribunal en tant qu'il a condamné la première à ne verser qu'une somme de 1.039.015,80 € à la seconde ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 1.089.823,93 € à compter du 4 octobre 1994, date d'enregistrement de la requête au greffe du Tribunal administratif de Montpellier ;

Considérant que les intérêts échus les 30 septembre 1996, 24 novembre 1998, 14 décembre 1999, 19 septembre 2001, puis à chaque anniversaire de cette dernière date, seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts ;

Sur les honoraires de la SOCIETE ROUGERIE :

Considérant que les premiers juges ont fait droit à la demande de la SOCIETE ROUGERIE en condamnant la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE à lui verser la somme de 58.707,77 € qu'elle demandait en paiement de ses honoraires ; qu'il n'est pas contesté par la commune que ladite somme est due en exécution du marché passé avec la société requérante ; que, dès lors, la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli les conclusions de la SOCIETE ROUGERIE sur ce point ;

Considérant que la SOCIETE ROUGERIE demande la condamnation de la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE à lui verser une somme de 2.381.125,54 € en réparation du préjudice qu'aurait porté à sa réputation une campagne médiatique orchestrée par la commune ; que la SOCIETE ROUGERIE ne justifiant pas plus en appel qu'en premier instance de ses allégations, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les appels en garantie :

Considérant, d'une part, que l'appel en garantie formé par la société Rougerie contre son sous-traitant, M. A..., doit être rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître, dès lors qu'un tel litige est relatif à des obligations de droit privé entre deux personnes privées et qu'aucun contrat ne lie directement le maître de l'ouvrage et le sous-traitant ;

Considérant, d'autre part, qu'en l'absence de condamnation solidaire de la SOCIETE ROUGERIE avec d'autres constructeurs par le jugement attaqué, la demande présentée par la société en appel et tendant à ce qu'elle soit garantie de toute condamnation prononcée à son encontre doit être rejetée ;

Sur les autres appels :

Considérant que le jugement attaqué ne comporte aucune décision à l'égard de la société Aude X... et des intervenants à la construction de l'ouvrage autres que la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE et la SOCIETE ROUGERIE, qu'il ne prononce aucune condamnation à leur encontre ; qu'il s'ensuit que les personnes physiques ou morales non visées sont sans intérêt pour faire appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin de sursis à l'exécution du jugement attaqué :

Considérant que, par le présent arrêt, la Cour statue sur le fond de la requête dirigée par la SOCIETE ROUGERIE contre le jugement n° 90-703 et 94-3287 du Tribunal administratif de Montpellier en date du 1er mars 2002 ; que, par suite, les conclusions de la requête susvisée tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées respectivement par la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE, la SOCIETE ROUGERIE, le bureau Veritas et M. A... au titre de ces dispositions ;

DECIDE

Article 1er : L'intervention de l'association «Rassembler pour agir» n'est pas admise.

Article 2 : La SOCIETE ROUGERIE est condamnée à verser à la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE une somme de 1.089.823,93 € (un million quatre-vingt neuf mille huit cent vingt-trois euros et quatre-vingt-treize centimes d'euros), avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 1994 et capitalisation productive d'intérêts les 30 septembre 1996, 24 novembre 1998, 14 décembre 1999, 19 septembre 2001, puis à chaque anniversaire de cette dernière date jusqu'au paiement de la somme due.

Article 3 : Le jugement attaqué du Tribunal administratif de Montpellier en date du 1er mars 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la SOCIETE ROUGERIE tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement susvisé du 1er mars 2002.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE FLEURY D'AUDE, à l'association « Rassembler pour agir », à la SOCIETE ROUGERIE, à la société Aude X..., au syndicat d'aménagement de la basse vallée de l'Aude, à M. A..., au Bureau Véritas, à M. D..., à la SARL 38, à M. Z..., à la société française de construction navale, à la SARL Bec d'Aude, à la SA entreprise de travaux publics Mazza Ricardo, à la société Amec Spie Sud-ouest, aux pépinières La Mayrale, à l'entreprise Rouquette et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N° 02MA01018-02MA01034 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA01018
Date de la décision : 27/03/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GANDREAU
Rapporteur ?: Melle Muriel JOSSET
Rapporteur public ?: M. FIRMIN
Avocat(s) : SCP DELMAS RIGAUD LEVY BALZARINI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-03-27;02ma01018 ?
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