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04/07/2006 | FRANCE | N°06MA00877

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Juge des reconduites, 04 juillet 2006, 06MA00877


Vu la requête enregistrée le 24 mars 2006, présentée pour M. Huso X élisant domicile H.L.M. La Poucette boulevard des Amaris à Toulon (83000), par Me Vasserot ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0601063 en date du 20 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 février 2006 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoind

re audit préfet la délivrance d'un titre de séjour ;

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Vu l...

Vu la requête enregistrée le 24 mars 2006, présentée pour M. Huso X élisant domicile H.L.M. La Poucette boulevard des Amaris à Toulon (83000), par Me Vasserot ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0601063 en date du 20 février 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 février 2006 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre audit préfet la délivrance d'un titre de séjour ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 27 décembre 2004 par laquelle le président de la Cour a notamment délégué M. François Bourrachot, président, pour statuer sur l'appel des jugements rendus en matière de reconduite à la frontière ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 juin 2006 :

- le rapport de M. Bourrachot, président rapporteur ;

- les observations de Me Clerc, substituant Me Vasserot ;

- et les conclusions de Mme Fernandez, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, reprenant les dispositions du I de l'article 22 de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : … ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 16 février 2006 pris par le préfet des Bouches-du-Rhône à l'encontre de M. X se contente de relever que le requérant ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français muni du visa normalement requis conformément à l'article L.211-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut se prévaloir des dispositions conventionnelles passées entre son pays et la France portant dispense de visa consulaire, qu'il ne satisfait pas aux conditions requises pour prétendre à la régularisation de sa situation administrative, qu'il n'entre dans aucune des catégories de plein droit définies aux articles L.311-13 et L.314-11 du code précité, que, compte-tenu des circonstances propres au cas d'espèce il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie familiale et que le requérant n'allègue pas qu'il serait exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine sans comporter aucune précision relative à sa situation personnelle et familiale ; que la seule référence aux circonstances propres au cas d'espèce ne constitue pas l'énoncé de considérations de fait dès lors que ces circonstances ne sont ni analysées ni même rappelées ; que par suite, une telle formulation stéréotypée ne permet pas de regarder l'arrêté comme suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L.511-1 précité ; que dès lors, M. X est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et mérite, pour cela l'annulation ;

Considérant ensuite, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : 1/. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2/. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que si de tels éléments sont absents de la motivation de l'arrêté attaqué, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône, en prenant un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de M. X, eu égard au caractère des liens familiaux dont pouvait justifier le requérant, jeune majeur n'ayant pu bénéficier du regroupement familial et dont les parents, les frères et soeurs ainsi que d'autres membres de sa famille résident régulièrement en France, alors qu'il est lui-même père d'un jeune enfant né le 6 novembre 2004 et à l'intérêt de sa présence pour sa famille, a porté au respect de la vie privé et familiale de M. X une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure de reconduite à la frontière a été prise et a, par suite, méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a porté une atteinte au respect de sa vie privé et familiale disproportionnée aux motifs pour lesquels ce refus lui a été opposé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2006 du préfet des Bouches-du-Rhône ordonnant sa reconduite à la frontière ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler ledit jugement et ledit arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L.911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que l'article L.512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, ... l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant que la présente décision prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de et non pas d'une décision lui refusant un titre de séjour ; que, dès lors, le requérant n'est pas à invoquer l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait aux motifs de la présente décision pour soutenir que celle-ci implique nécessairement, au sens des dispositions précitées de l'article L.911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'un titre de séjour ;

Mais considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L.512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L.911-2 du code de justice administrative - lesquels peuvent être exercés tant par le juge unique de la reconduite à la frontière que par une formation collégiale - pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet

des Bouches-du-Rhône de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à M. X et de se prononcer sur sa situation dans le délai de quinze jour suivant la notification de la présente décision ; qu'en revanche il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Marseille en date du 20 février 2006 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 16 février 2006 sont annulés.

Article 2 : Le préfet des Bouches-du-Rhône délivrera sans délai une autorisation provisoire de séjour à M. X et statuera sur sa situation, dans le délai de quinze jours suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Huso X, au préfet des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie en sera adressée à Me Vasserot.

2

N° 06MA00877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Juge des reconduites
Numéro d'arrêt : 06MA00877
Date de la décision : 04/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: Mme FERNANDEZ
Avocat(s) : VASSEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-07-04;06ma00877 ?
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