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05/06/2008 | FRANCE | N°06MA02474

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 05 juin 2008, 06MA02474


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 11 août 2006 sous le n° 06MA02474, présentée par la SELARL d'avocats Jurisbelair pour la société H. REINIER, dont le siège social est au 20 traverse de Pomègues à Marseille (13414) ;

La société H. REINIER demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 024192, 024719, 030186 du 30 mai 2006 du Tribunal administratif de Marseille en tant, qu'il a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 1er août 2002 par laquelle le ministre de l'emploi,

du travail et de la cohésion sociale a refusé d'autoriser le licenciement de M...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 11 août 2006 sous le n° 06MA02474, présentée par la SELARL d'avocats Jurisbelair pour la société H. REINIER, dont le siège social est au 20 traverse de Pomègues à Marseille (13414) ;

La société H. REINIER demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement n° 024192, 024719, 030186 du 30 mai 2006 du Tribunal administratif de Marseille en tant, qu'il a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 1er août 2002 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a refusé d'autoriser le licenciement de M. , salarié protégé et, d'autre part, constaté le non lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 26 décembre 2002, par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 2 juillet 2002 autorisant le licenciement de M. ;

2°/ d'annuler lesdites décisions du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, en date du 1er août et 26 décembre 2002 ;

..............................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2008 ;

- le rapport de Mme Chenal Peter, rapporteur ;

- les observations de Me Sanchez, avocat, de la Selarl Jurisbelair pour la société H. REINIER ;

- et les conclusions de Mme Steck-Andrez, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société H. REINIER a engagé à partir de 2001 des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. Jean Luc , salarié protégé au titre de sa qualité de conseiller prud'homal qui occupait des fonctions de chef d'agence ; que, par une première décision en date du 1er août 2002, le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a refusé d'autoriser ladite société à licencier M. pour fautes graves ; qu'à la suite d'une nouvelle demande d'autorisation de licenciement présentée par la société, l'inspecteur du travail a accordé cette autorisation par une décision du 2 juillet 2002, laquelle a été annulée par une décision du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale du 26 décembre 2002 ; que, par jugement en date du 30 mai 2006, le Tribunal administratif de Marseille a, d'une part, rejeté la demande de la société H. REINIER tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale du 1er août 2002, d'autre part, constaté le non lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 26 décembre 2002 et enfin, constaté le non lieu à statuer sur la demande de M. tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 2 juillet 2002 ; que la société H. REINIER relève appel de ce jugement en tant qu'il ne fait pas droit à ses demandes ;

Sur la légalité de la décision ministérielle du 1er août 2002 :

Considérant qu'à l'appui de sa demande d'autorisation de licencier M. , la SOCIETE H. REINIER reproche à l'intéressé, d'une part, la facturation de frais de restauration et d'hébergement correspondant à une période de congés du 2 au 11 mars 1996 et, d'autre part, l'achat de tire-fond pour une utilisation personnelle aux frais de la société ;

Considérant , en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 122-14 du code du travail, alors en vigueur : «L'employeur, ou son représentant, qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation. En l'absence d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié a la faculté de se faire assister par un conseiller de son choix et l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation au salarié de la lettre recommandée de convocation ou sa remise en main propre. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. Lors de cette audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister par un conseiller de son choix, inscrit sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département après consultation des organisations représentatives visées à l'article L. 136-1 dans des conditions fixées par décret» ; qu'aux termes de l'article R. 122-2-1 du même code : «La lettre prévue à l'article L. 122-14 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur. Elle précise, en outre, la date, l'heure et le lieu de cet entretien et rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par une personne de son choix inscrite sur la liste dressée par le préfet conformément à l'article L. 122-14» ; qu'il résulte de ces dispositions que la mention, dans la lettre prévue à l'article L. 122-14, de la faculté qu'a le salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, constitue une formalité substantielle dont l'omission entache d'illégalité la décision administrative autorisant le licenciement de ce salarié ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. a été convoqué à un premier entretien préalable, le 26 septembre 2001, par un courrier du 18 septembre 2001, mentionnant expressément la possibilité de se faire assister par une personne de l'entreprise ; que ce premier entretien concernait les faits qui lui étaient reprochés d'imputation sur le compte de la société de frais de restauration et d'hébergement pendant ses congés payés ; que la société H. REINIER a convoqué l'intéressé à un second entretien préalable, le 17 octobre 2001, par une lettre du 10 octobre 2001, relatif au second grief ayant motivé la demande d'autorisation de licenciement et tenant à l'achat de tire-fond pour une utilisation personnelle aux frais de la société ; que ladite lettre de convocation ne mentionnait pas la faculté qu'avait M. de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ; que l'omission de cette formalité substantielle entache d'illégalité la décision administrative autorisant le licenciement de ce salarié, en ce qui concerne le grief qui faisait l'objet de l'entretien du 17 octobre 2001 , alors même que le salarié occupait des fonctions qui lui permettraient d'assurer seul sa défense ; que la circonstance que cette formalité ait été respectée dans la première lettre de convocation ne dispensait pas l'entreprise de convoquer régulièrement l'intéressé à un second entretien préalable ; que par suite, le ministre a pu légalement refuser d'examiner, lors du recours hiérarchique formé par la société, le second grief lié à cette procédure irrégulière ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 122-44 du code du travail, en vigueur à la date de la décision attaquée : «Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance (...)» ; que le second motif invoqué par la société H. REINIER pour fonder sa demande d'autorisation de licenciement est tiré de la facturation de frais de restauration et d'hébergement correspondant à la période du 2 au 11 mars 1996 , pendant laquelle M. était en congés ; que si la société requérante soutient n'avoir eu connaissance de tels faits qu'en septembre 2001, date à laquelle des salariés auraient communiqué ces informations à la directrice des ressources humaines, elle n'établit pas une telle allégation dès lors que les attestations des salariés de septembre et octobre 2001 produites à l'appui de sa demande ne suffisent pas à prouver que de tels agissements, qui se sont déroulés en 1996, et méconnaissent les règles de comptabilité de l'entreprise, n'aient pas été connus dès leur origine ; que, par suite, les dispositions précitées l'article L. 122-44 du code du travail faisaient obstacle à ce que la société H. REINIER les invoquât à l'appui de sa demande d'autorisation introduite le 14 novembre 2001 et que c'est à bon droit que le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a considéré que les faits reprochés à M. étaient prescrits et a en conséquence refusé, ainsi qu'il y était tenu, d'autoriser le licenciement de ce salarié ;

Sur la légalité de la décision ministérielle du 26 décembre 2002 :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 412-18 du code du travail : Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ou l'autorité qui en tient lieu...; que l'article L. 514-2 dispose : Le licenciement par l'employeur d'un salarié exerçant les fonctions de conseiller prud'homme... est soumis à la procédure prévue par l'article L. 412-18 du présent code... ; qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 6 août 2002 : «Sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles. / ... Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs» ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de conseiller prud'hommes, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exercice des fonctions dont il est investi ;

Considérant que le grief invoqué par la société H. REINIER à l'appui de sa nouvelle demande d'autorisation de licenciement était le refus de M. d'accepter la mutation d'office sur le site de Bischeim qui lui a été notifiée par lettre du 25 mars 2002 ; que cette mutation était motivée à titre principal par les faits déjà invoqués à l'occasion de la précédente procédure de licenciement, relatifs à l'imputation sur le compte de la société de frais de restauration et d'hébergement pendant ses congés payés ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette mutation d'office présente un caractère disciplinaire et ne pouvait constituer une application de la clause de mobilité figurant dans le contrat de travail de M. ; que cette sanction disciplinaire étant fondée sur des faits prescrits, le refus d'exécuter une telle sanction ne présente pas un caractère fautif, et par suite, c'est à bon droit que le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a refusé à la société requérante l'autorisation de licencier l'intéressé en considérant qu'il n'avait commis aucune faute ; que, dans ces conditions, les faits commis par M. ne présentant aucun caractère fautif, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a considéré que de tels agissements entraient dans le champ d'application de la loi d'amnistie du 6 août 2002 susvisée et constaté le non lieu à statuer sur la demande de la société H. REINIER tendant à l'annulation de la décision du 26 décembre 2002 ; qu'ainsi, le jugement du Tribunal administratif de Marseille doit être annulé en tant qu'il a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la société H. REINIER dirigées contre la décision ministérielle du 26 décembre 2002;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur lesdites conclusions présentées par la société H. REINIER devant le Tribunal administratif de Marseille ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été indiqué précédemment, le refus de M. d'exécuter la mutation disciplinaire qui lui a été notifiée ne revêtait, dans les circonstances de l'espèce, aucun caractère fautif ; que, par suite, le ministre ayant pu légalement refuser l'autorisation de licenciement sollicitée par cette société , la société H. REINIER n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision ministérielle du 26 décembre 2002 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : «Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.» ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société H. REINIER doivent dès lors être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société H. REINIER la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 024192, 024719, 030186 du Tribunal administratif de Marseille du 30 mai 2006 est annulé en tant qu'il a constaté qu'il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions de la société H. REINIER dirigées contre la décision ministérielle du 26 décembre 2002.

Article 2: La requête de la société H. REINIER ainsi que ses conclusions dirigées contre la décision ministérielle du 26 décembre 2002 sont rejetées.

Article 3: La société H. REINIER versera à M. une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société H. REINIER, au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et à M. .

N° 06MA02474 2

sar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA02474
Date de la décision : 05/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: Mme STECK-ANDREZ
Avocat(s) : SELARL JURISBELAIR

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-06-05;06ma02474 ?
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