La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2008 | FRANCE | N°06MA02167

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 06 octobre 2008, 06MA02167


Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2006, présentée pour la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES, dont le siège est Zone Industrielle de Bonnecombe à Mazamet (81200), par la SCPI Bugis Frères Ballin Renier Alran ; la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 9705451 du 2 mai 2006 du Tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a assorti des intérêts moratoires, à compter du 1er février 2005, la condamnation du département des Bouches-du-Rhône à payer la somme de 735.804,82 euros TTC à la SOCIETE DES ETABL

ISSEMENTS CABROL FRERES en paiement du solde définitif du marché ;

2°) ...

Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2006, présentée pour la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES, dont le siège est Zone Industrielle de Bonnecombe à Mazamet (81200), par la SCPI Bugis Frères Ballin Renier Alran ; la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 9705451 du 2 mai 2006 du Tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a assorti des intérêts moratoires, à compter du 1er février 2005, la condamnation du département des Bouches-du-Rhône à payer la somme de 735.804,82 euros TTC à la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES en paiement du solde définitif du marché ;

2°) d'assortir la somme de 735.804,82 euros des intérêts moratoires à compter du 1er juillet 1994 avec capitalisation ;

3°) de mettre à la charge du Département des Bouches du Rhône la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la décision du Tribunal repose sur l'interprétation du rapport de l'expert consistant à fixer le montant des intérêts moratoires à 89.439,79 euros HT au jour du dépôt du rapport d'expertise alors que l'expert faisait une estimation des frais financiers arrêtés à octobre 1994 ; l'expert s'est limité à la période retenue par la société dans son mémoire en réévaluation, laissant expressément l'actualisation et le calcul des intérêts à l'appréciation du Tribunal ; dès lors, le calcul de l'expert ne portait que sur la période de 1992 à 1994 et non de 1992 au 1er février 2005, date du dépôt de son rapport ;

- la date de départ à retenir pour le calcul des intérêts moratoires est celle de la réception de la demande de paiement par les services de la personne publique contractante, soit le 1er juillet 1994, dès lors que le décompte général n'a jamais été notifié ; le taux d'intérêt doit être de 12,4 % ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2008, présenté pour Département des Bouches du Rhône, par Me Faure ; le Département conclut :

1°) au rejet de la requête de la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES ;

2°) à ce que les frais d'expertise soient mis à la charge de ladite société ;

3°) à titre subsidiaire, au partage des frais d'expertise entre les deux parties ;

4°) à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il ne peut que demander la confirmation de la décision sur le point des intérêts moratoires ; c'est à juste droit que le Tribunal a prévu que les intérêts recommenceraient à courir à compter du dépôt du rapport jusqu'au parfait règlement et qu'ils ont retenu la somme telle que calculée par l'expert sur présentation de la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES ; le décompte général et définitif n'a jamais été notifié puisqu'il existait une contestation sur plusieurs points ; la société a demandé les intérêts à partir du 1er juillet 1994 puis à partir du 1er janvier 1995 ;

- la demande de capitalisation des intérêts n'était pas demandée en première instance et constitue une demande nouvelle en appel, elle devra donc être rejetée ;

- les frais d'expertise devront être mis à la charge de la société requérante ; l'expert judiciaire a confirmé le caractère exorbitant et sans commune mesure avec la réalité de cette affaire des réclamations financières présentées par la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES au titre des sujétions imprévues ; en outre, une mesure d'expertise ne saurait avoir pour objet ou pour effet de pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe ; à titre subsidiaire, ces frais devront être partagés par moitié entre les deux parties ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 7 juillet 2008, présenté pour la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES, qui conclut aux mêmes fins que la requête, et, en outre, au rejet de la demande reconventionnelle présentée par le Département, par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, que :

- le Département avait conclu devant le Tribunal à l'homologation du rapport de M. Giraud, y compris sur la question des intérêts moratoires, selon le calcul proposé par l'expert ;

- la collectivité est partie perdante, même si le rapport d'expertise retient un montant moindre que l'évaluation effectuée par l'entreprise ;

Vu les autres pièces du dossier, et notamment le rapport d'expertise déposé le 1er février 2005 au greffe du Tribunal administratif de Marseille ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 septembre 2008, présentée pour la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 29 septembre 2008, présentée pour le département de Bouches du Rhône ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 septembre 2008 :

- le rapport de Mme E. Felmy, conseiller,

- les observations de Me Peres représentant la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES,

- et les conclusions de M. Marcovici, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a fixé, au titre du règlement définitif du marché relatif au lot n° 5 portant sur la réalisation de la charpente métallique et de la couverture de l'hôtel du département des Bouches du Rhône, à la somme de 735.804,82 euros TTC le montant de l'indemnité correspondant au préjudice subi par la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES découlant des sujétions imprévues par le marché et l'a assortie des intérêts moratoires à compter du 1er février 2005, date du dépôt du rapport de l'expert au greffe du Tribunal administratif ; que la société requérante conteste le point de départ du délai du paiement des intérêts moratoires et demande l'application du taux retenu par l'expert sur la somme précitée ;

Sur les intérêts moratoires :

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles 13-42 et 13-43 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en cause, le mandatement du solde du marché doit intervenir dans un délai de quarante cinq jours à compter de la notification du décompte général, laquelle doit elle-même être faite quarante cinq jours au plus tard après la date de remise du décompte final ; que selon les dispositions de l'article 178 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors en vigueur, applicables aux marchés passés par les collectivités locales en vertu de l'article 352 du même code, le défaut de mandatement dans le délai prévu au marché fait courir de plein droit, au bénéfice du titulaire, des intérêts moratoires dont le taux est fixé conformément à l'article 182 du même code, à partir du jour suivant l'expiration dudit délai ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES a adressé au maître d'oeuvre le 12 octobre 1994 puis le 11 janvier 1995 un mémoire en réévaluation des travaux correspondant aux sujétions imprévues générées par le marché, en précisant qu'il s'agissait d'un document de travail ayant pour objet d'estimer le préjudice subi et invitant la maîtrise d'oeuvre à donner son appréciation et à le transmettre notamment à la personne responsable du marché ; qu'ensuite, la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES a adressé le 30 juin 1995 au maître d'ouvrage délégué un projet de décompte final, « sous réserve de la prise en compte de ce mémoire en réévaluation » ;

Considérant que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations des parties ; que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES, le « mémoire en réévaluation » daté du 1er juillet 1994 qu'elle a communiqué au maître d'oeuvre ne faisait apparaître qu'un chiffrage partiel des travaux exécutés, sans en demander le paiement, et ne pouvait donc pas être assimilé à une situation récapitulative générale au sens des dispositions précitées ; que la société a ainsi droit aux intérêts moratoires sur la somme de 735.804,82 euros, à compter du 29 septembre 1995, date à laquelle elle aurait dû être mandatée, incluant la somme, accordée en première instance, de 89.439,79 euros, due au titre des frais financiers générés par les travaux supplémentaires figurant dans le projet de décompte et non contesté en appel ; que le taux des intérêts moratoires à accorder sur la somme de 735.804,82 euros est celui de l'intérêt légal à la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir, majoré de deux points ; que le taux en vigueur à la date du 29 septembre 1995 était de 5,82 % ; que, dès lors, le taux applicable en l'espèce est de 7,82 % ;

Considérant, par suite, que la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a fixé à la date du 1er février 2005 le point de départ des intérêts moratoires dus au titre du marché ; qu'il y a lieu de fixer cette date au 29 septembre 1995 et de réformer en ce sens le jugement attaqué ; qu'en revanche, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant à voir fixer le taux desdits intérêts à 12,40 % ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts afférents à la somme de 735.804,82 euros a été demandée par la société par la présente requête ; qu'à cette dernière date, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu d'accueillir cette demande en application des dispositions de l'article 1154 du code civil à compter de la date d'introduction de la requête d'appel ;

Sur la charge des frais d'expertise :

Considérant que le département des Bouches-du-Rhône demande, par la voie de l'appel incident, que le jugement attaqué soit réformé en ce qu'il a mis les frais d'expertise liquidés à la somme de 15.280,67 euros TTC à sa charge ; que, toutefois, en se bornant à soutenir que la société avait présenté une demande excessive au titre des sujétions imprévues, eu égard notamment au chiffre finalement retenu par l'expert, et que la mesure d'expertise n'a pas pour effet de pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, le département ne critique pas utilement le jugement attaqué sur ce point ; qu'en tout état de cause, eu égard à sa qualité de partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter ses conclusions d'appel incident ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES, qui n'est ni la partie tenue aux dépens ni la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département des Bouches-du-Rhône demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 735.804,82 euros TTC (sept cent trente-cinq mille huit cent quatre euros et quatre-vingt-deux centimes) que le département des Bouches-du-Rhône a été condamné à payer à la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES est assortie des intérêts moratoires au taux de 7,82 % à compter du 29 septembre 1995. Ces intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter du 21 juillet 2006.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 2 mai 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident du département des Bouches du Rhône sont rejetées.

Article 4 : Le département des Bouches-du-Rhône versera à la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS CABROL FRERES, au département des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2008, où siégeaient :

- M. Guerrive, président,

- Mme Favier, présidente assesseur,

- Mme E. Felmy, conseiller ;

Lu en audience publique, le 6 octobre 2008.

Le rapporteur,

E. FELMY

Le président,

J.L. GUERRIVE

Le greffier,

J.P. LEFEVRE

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 06MA02167


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA02167
Date de la décision : 06/10/2008
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. MARCOVICI
Avocat(s) : SCPI BUGIS PERES BALLIN RENIER ALRAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-10-06;06ma02167 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award