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22/10/2009 | FRANCE | N°08MA04271

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 22 octobre 2009, 08MA04271


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 19 septembre 2008, sous le n°08MA04271, présentée par le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE ;

Le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0707900 du 8 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à verser à Mme X une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, ainsi qu'une indemnité équivalente au montant total de sommes qu'elle aurait dû percevoir au titre du re

venu minimum d'insertion pour la période allant du 28 janvier 2002 au 4 ju...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 19 septembre 2008, sous le n°08MA04271, présentée par le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE ;

Le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0707900 du 8 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à verser à Mme X une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, ainsi qu'une indemnité équivalente au montant total de sommes qu'elle aurait dû percevoir au titre du revenu minimum d'insertion pour la période allant du 28 janvier 2002 au 4 juillet 2005 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Marseille ;

................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'article 1er du décret du 27 janvier 2009 qui autorise la Cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret du 7 janvier 2009, situant l'intervention du rapporteur public avant les observations des parties ou de leurs mandataires ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2009 :

- le rapport de Mme Pena, conseiller ;

- et les conclusions de Mme Paix, rapporteur public ;

Considérant que, par un jugement du 8 juin 2005, le Tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du préfet des Alpes-Maritimes en date du 10 décembre 2001 opposant à Mme Marie X, de nationalité centrafricaine, un refus de titre de séjour, au motif qu'elle portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ; que le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE relève appel du jugement du 8 juillet 2008 par lequel le même tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme X une somme de 5 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence, ainsi qu'une indemnité représentative des sommes qu'elle aurait dû percevoir au titre du revenu minimum d'insertion pour la période du 28 janvier 2002 au 4 juillet 2005, en réparation des préjudices subis du fait du refus de titre de séjour illégalement opposé ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la décision de refus de titre de séjour en date du 10 décembre 2001, dont l'illégalité a été constatée par décision juridictionnelle, a constitué une faute engageant la responsabilité de l'Etat ; que la circonstance selon laquelle le motif d'annulation retenu par le tribunal dans son jugement du 8 juin 2005 est la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et non dans celle des dispositions de l'article 15 2° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, sur le fondement desquelles Mme X avait sollicité la délivrance d'un titre, n'est pas de nature à retirer à la décision litigieuse son caractère fautif et partant et à écarter la responsabilité de l'Etat à l'égard de l'intéressée ; que si le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE fait en outre valoir que, la requérante étant présente en France depuis moins d'un an à la date de la décision attaquée et ayant passé la majeure partie de sa vie en Centrafrique, les conditions pour la reconnaissance d'une atteinte à sa vie privée et familiale n'étaient manifestement pas réunies en l'espèce, il lui appartenait de faire appel, dans les délais, de cette décision devenue depuis définitive, ce qu'il n'a pas fait ;

Sur les préjudices :

Considérant en premier lieu que compte tenu du délai de trois ans et demi pendant lequel Mme X a été illégalement privée d'un titre de séjour vie privée et familiale , alors qu'elle a vécu en France de 1961 à 1970, que ses six enfants y vivent, cinq d'entre eux étant de nationalité française, qu'elle est âgée de plus de soixante ans, veuve et atteinte de pathologies endocriniennes, le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence dont la requérante demandait réparation en condamnant l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros ; que la circonstance qu'elle aurait bénéficié de la couverture maladie universelle durant quelques mois, nonobstant l'irrégularité de sa situation administrative, n'est pas de nature à modifier l'appréciation portée à bon droit par les premiers juges sur ce chef de préjudice ;

Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article L.262-1 du code de l'action sociale et des familles alors applicable : Toute personne résidant en France dont les ressources, au sens des articles L.262-10 et L.262-12, n'atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l'article L.262-2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans ou assume la charge d'un ou plusieurs enfants nés ou à naître et qui s'engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit, dans les conditions prévues par la présente section, à un revenu minimum d'insertion. ; et qu'aux termes de l'article L.262-9 du même code alors en vigueur : Les étrangers titulaires de la carte de résident ou du titre de séjour prévu au cinquième alinéa de l'article 12 de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, ou encore d'un titre de même durée que ce dernier et conférant des droits équivalents, sous réserve d'avoir satisfait sous ce régime aux conditions prévues au premier alinéa de l'article 14 de ladite ordonnance, ainsi que les étrangers titulaires d'un titre de séjour prévu par les traités ou accords internationaux et conférant des droits équivalents à ceux de la carte de résident, peuvent prétendre au revenu minimum d'insertion. Pour être pris en compte pour la détermination du montant du revenu minimum d'insertion, les enfants étrangers âgés de moins de seize ans doivent être nés en France ou être entrés en France avant le 3 décembre 1988 ou y séjourner dans des conditions régulières à compter de cette même date. ; que Mme X, qui a au demeurant sollicité un titre de séjour en qualité d' ascendant à charge , n'établit pas davantage en appel qu'en première instance qu'elle remplissait, à la date du dépôt de sa demande, les conditions pour se voir reconnaître le bénéfice du revenu minimum d'insertion ;

Considérant qu'il s'ensuit qu'en considérant que Mme X pouvait légalement prétendre au bénéfice de ladite allocation pour un montant total correspondant au versement de cette dernière pour la période allant du 28 janvier 2002 au 4 juillet 2005, les premiers juges ont fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles ; que le jugement attaqué doit être réformé en ce sens ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à Mme X une somme correspondant au versement du revenu minimum d'insertion sur une période allant du 28 janvier 2002 au 4 juillet 2005 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative qui reprend les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des fais exposés et non compris dans les dépens (...). ; que l'article 43 de la même loi autorise le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à demander au juge de condamner, dans les mêmes conditions, prévues à l'article 75 précité, la partie perdante au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés ; que l'article 37 de la même loi dispose que : (...) l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat mais que l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

Considérant que Mme X ne justifie pas avoir personnellement exposé des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée par une décision du 21 septembre 2009 ; qu'en revanche Me Goubin, avocat de Mme X, a demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale, en s'engageant à renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ; que toutefois, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit auxdites conclusions ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à Mme X au titre de l'indemnisation de ses préjudices est ramenée à cinq mille euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 8 juillet 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de Mme X tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à Mme Marie X.

Copie en sera adressée au PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA04271
Date de la décision : 22/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PERRIER
Rapporteur ?: Mme Eleonore PENA
Rapporteur public ?: Mme PAIX
Avocat(s) : GOUBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-10-22;08ma04271 ?
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