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12/02/2010 | FRANCE | N°09MA01651

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 5, 12 février 2010, 09MA01651


Vu, l'ordonnance en date du 27 avril 2009 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a renvoyé à la cour la requête présentée pour la SARL LE CHATEAU DE COURTINE, représentée par son gérant en exercice, et dont le siège est sis lieudit le château de Courtine à Avignon (84000), par Me Boutet, avocat ;

Vu ladite requête et les mémoires enregistrés au greffe de la cour sous le n° 09MA01651 le 13 mai et le 17 juillet 2009, par lesquels la SARL LE CHATEAU DE COURTINE demande à la cour :

1°/ d'annuler l'ordonnance n°0900169 du 31 mars 20

09 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, sur dé...

Vu, l'ordonnance en date du 27 avril 2009 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a renvoyé à la cour la requête présentée pour la SARL LE CHATEAU DE COURTINE, représentée par son gérant en exercice, et dont le siège est sis lieudit le château de Courtine à Avignon (84000), par Me Boutet, avocat ;

Vu ladite requête et les mémoires enregistrés au greffe de la cour sous le n° 09MA01651 le 13 mai et le 17 juillet 2009, par lesquels la SARL LE CHATEAU DE COURTINE demande à la cour :

1°/ d'annuler l'ordonnance n°0900169 du 31 mars 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, sur déféré du préfet de Vaucluse, a suspendu, sur le fondement des dispositions de l'article L.554-1 du code de justice administrative, l'exécution du permis de construire qui lui a été tacitement délivré par le maire de la commune d'Avignon ;

2°/ de rejeter le déféré du préfet de Vaucluse ;

3°/ de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions, et notamment son article 2 ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 pris par le vice-président du Conseil d'Etat autorisant la cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2010 :

- le rapport de M. d'Hervé, rapporteur ;

- les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;

- les observations de Me Guin, pour la commune d'Avignon ;

- et les observations de Mme Sommer, pour le préfet de Vaucluse ;

Considérant que la SARL LE CHATEAU DE COURTINE demande l'annulation de l'ordonnance du 31 mars 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, sur déféré du préfet de Vaucluse, a suspendu, sur le fondement des dispositions de l'article L.554-1 du code de justice administrative, l'exécution du permis de construire tacitement délivré à la SARL Le Château de Courtine ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SARL LE CHATEAU DE COURTINE a adressé une note en délibéré au tribunal administratif de Nîmes après l'audience de référé en date du 25 février 2009 ; que cette note a été enregistrée au greffe du tribunal le 27 février 2009 ; que l'ordonnance attaquée, en date du 31 mars 2009, dont les visas ne font pas mention de cette note, est ainsi entachée d'une irrégularité ; que par suite, l'ordonnance du juge du référé du tribunal administratif de Nîmes doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le préfet de Vaucluse devant le juge du référé du tribunal administratif de Nîmes ;

Sur la recevabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. ; qu'il résulte de ces dispositions que, si pour l'exercice du contrôle de légalité qui lui appartient, le représentant de l'Etat peut demander des pièces complémentaires et présenter un recours gracieux qui ne revêt pas le caractère d'un recours préalable obligatoire et s'exerce dans les conditions de droit commun, les permis de construire implicites illégaux ne peuvent être retirés à la demande du préfet que dans le délai de trois mois suivant la date ou ils sont acquis, hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire et celui où ils ont été acquis par fraude;

Considérant que sauf dans le cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux qui interrompt le cours de ce délai ; que les règles énoncées du code de l'urbanisme, organisant une procédure particulière, notamment en matière de délai, qui s'imposent à l'autorité qui a délivré un permis de construire pour le retirer, sont, toutefois par elles-mêmes, sans incidence sur le principe du droit de faire précéder un recours juridictionnel d'un recours gracieux, en l'absence de règles contraires ; qu'elles sont, par voie de conséquence, sans incidence sur les conditions de la computation des délais de recours contentieux opposables au tiers qui en sont le corollaire ; qu'ainsi, la circonstance que le retrait d'un permis de construire n'est possible que pendant une période de trois mois à compter de la date de sa délivrance ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet, de modifier les conditions de naissance du rejet implicite d'un recours gracieux régulièrement présenté qui a fait courir à nouveau le délai du recours devant la juridiction administrative, en application des règles générales de la procédure contentieuse;

Considérant, en l'espèce, que la SARL LE CHATEAU DE COURTINE est devenue titulaire d'un permis de construire tacite le 16 août 2008 ; qu'il ne pouvait donc plus être retiré, sauf à la demande de son bénéficiaire ou en cas de fraude, après le 17 novembre 2008 ; que, par ailleurs, le délai ouvert au préfet pour déférer cette autorisation au tribunal administratif n'a commencé à courir qu'à compter de la date du 10 octobre 2008, à laquelle lui a été notifiée l'existence de ce permis ; que, compte tenu des principes de procédure rappelés, ce délai a été interrompu par le recours gracieux tendant au retrait de cette décision que le préfet a présenté au maire le 29 octobre 2008 ;

Considérant que par une réponse d'attente du 8 décembre 2008, le maire d'Avignon a informé le préfet qu'elle entendait retirer provisoirement le permis critiqué pendant la période nécessaire pour rendre compatible la destination de la zone avec le projet envisagé de valorisation de la construction existante ; que ce retrait qui était légalement impossible, n'est jamais intervenu ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours gracieux du préfet a fait l'objet d'un rejet implicite le 29 décembre 2008 ; que, par suite, et sans que les règles spécifiques au retrait d'un permis de construire puissent y faire obstacle, le délai dont disposait le préfet pour saisir la juridiction administrative d'une demande de suspension du permis critiqué était de deux mois à compter de cette date ; que le déféré du préfet de Vaucluse, enregistré au greffe du tribunal administratif de Nîmes le 29 janvier 2009, est donc recevable ; que la fin de non recevoir de la SARL CHATEAU DE COURTINE doit, par voie de conséquence, être rejetée;

Sur les conclusions à fin de suspension :

Considérant qu'aux termes de l'article L.554-1 du code de justice administrative : Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l'article L.2131-6 du code général des collectivités territoriales (...) ; que cet alinéa dispose qu'il est fait droit à la demande de suspension du représentant de l'Etat si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué ;

Considérant qu'en l'état de l'instruction, le moyen articulé par le préfet dans son déféré et tiré de la contrariété du projet avec l'article 2NA1 du règlement du plan d'occupation des sols, qui n'autorise dans cette zone d'urbanisation future que, notamment, l'aménagement des constructions à usage d'habitation existantes, à condition d'en conserver le volume existant, paraît de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis accordé, eu égard d'une part à l'occupation et l'affectation actuelle de l'ensemble des bâtiments existants concernés par la demande de permis de construire et, d'autre part, à l'ampleur et la nature du projet de résidence de tourisme; qu'il y a lieu de prononcer la suspension du permis de construire accordé à la SARL LE CHATEAU DE COURTINE ;

Considérant que pour l'application de l'article L.600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est en l'état de l'instruction de nature à justifier la suspension du permis de construire en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SARL LE CHATEAU DE COURTINE au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n°0900169 du 31 mars 2009 du président du tribunal administratif de Nîmes est annulée.

Article 2 : L'exécution du permis de construire délivré tacitement à la SARL CHATEAU DE COURTINE par le maire d'Avignon est suspendue.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL CHATEAU DE COURTINE, à la commune d'Avignon, au préfet de Vaucluse et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

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N° 09MA016512

RP


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 09MA01651
Date de la décision : 12/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DÉLAIS - INTERRUPTION ET PROLONGATION DES DÉLAIS - INTERRUPTION PAR UN RECOURS ADMINISTRATIF PRÉALABLE - RECOURS GRACIEUX DU PRÉFET.

54-01-07-04-01 Sauf dans le cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, faire l'objet d'un recours gracieux qui interrompt le cours de ce délai. Si selon les dispositions de L. 424-5 du code de l'urbanisme, le retrait d'un permis de construire n'est possible que pendant une période de trois mois à compter de la date de sa délivrance, ces dispositions organisent une procédure particulière qui s'impose à l'autorité qui a délivré un permis de construire pour le retirer. Elles sont toutefois par elles-mêmes sans incidence sur le principe du droit de faire précéder un recours juridictionnel d'un recours gracieux, en l'absence de règles contraires et sont ainsi, sans incidence sur les conditions de la computation des délais de recours contentieux opposables au tiers. Jugé s'agissant des conditions dans lesquelles le préfet a fait précéder son déféré d'un recours gracieux : l'échéance du délai de trois mois ouvert au maire pour retirer un permis de construire ne fait obstacle ni à la naissance d'une décision implicite dans le délai de droit commun, ni à la prolongation du délai de recours contentieux.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - RÉGIME D'UTILISATION DU PERMIS - RETRAIT DU PERMIS - DÉLAIS DE RETRAIT.

68-03-04-05 Sauf dans le cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, faire l'objet d'un recours gracieux qui interrompt le cours de ce délai. Si selon les dispositions de L. 424-5 du code de l'urbanisme, le retrait d'un permis de construire n'est possible que pendant une période de trois mois à compter de la date de sa délivrance, ces dispositions organisent une procédure particulière qui s'impose à l'autorité qui a délivré un permis de construire pour le retirer. Elles sont toutefois par elles-mêmes sans incidence sur le principe du droit de faire précéder un recours juridictionnel d'un recours gracieux, en l'absence de règles contraires et sont ainsi, sans incidence sur les conditions de la computation des délais de recours contentieux opposables au tiers. Jugé s'agissant des conditions dans lesquelles le préfet a fait précéder son déféré d'un recours gracieux : l'échéance du délai de trois mois ouvert au maire pour retirer un permis de construire ne fait obstacle ni à la naissance d'une décision implicite dans le délai de droit commun, ni à la prolongation du délai de recours contentieux.


Références :

Comp : Conseil d'Etat, 27 juin 2007, Viaud, n° 300142, B.


Composition du Tribunal
Président : M. LAMBERT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis D'HERVE
Rapporteur public ?: M. BACHOFFER
Avocat(s) : SCP J.-F. BOUTET ; SCP J.-F. BOUTET ; GUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-02-12;09ma01651 ?
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