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03/06/2010 | FRANCE | N°08MA02317

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 03 juin 2010, 08MA02317


Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2008, présentée pour Mme Larissa A, demeurant ... par Me Guillemain ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 3 du jugement n° 0404260 en date du 13 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional de Montpellier à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'une intervention chirurgicale effectuée dans cet établissement et, d'autre part, mis à sa charge les frais d'expertise pour un montant d

e 550 euros ;

2°) d'ordonner un complément d'expertise ;

3°) de condamne...

Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2008, présentée pour Mme Larissa A, demeurant ... par Me Guillemain ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 3 du jugement n° 0404260 en date du 13 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional de Montpellier à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'une intervention chirurgicale effectuée dans cet établissement et, d'autre part, mis à sa charge les frais d'expertise pour un montant de 550 euros ;

2°) d'ordonner un complément d'expertise ;

3°) de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 72 700 euros ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'arrêté du 1er décembre 2009 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2010 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

- et les observations de Me Armandet, pour le centre hospitalier régional de Montpellier ;

Considérant que Mme A, alors âgée de 73 ans, qui souffrait de tumeurs bénignes du tissu osseux du pied droit dites exostoses , a consulté le 18 août 2000 un praticien du centre hospitalier régional de Montpellier qui lui a proposé une intervention chirurgicale dite d'exostosectomie simple avec hospitalisation en ambulatoire ; que l'intervention qui s'est déroulée le 21 novembre 2000 a consisté non seulement en l'ablation de l'exostose mais aussi en la correction de l'avant-pied rond triangulaire par ostéotomie avec sectionnement de quatre orteils ; que la patiente a dû ensuite être appareillée à l'aide de chaussures orthopédiques et a subi une longue rééducation ; que Mme A, estimant que la responsabilité du centre hospitalier était engagée à son égard du fait de la réalisation sans son consentement d'une intervention chirurgicale beaucoup plus lourde que celle qui lui avait été proposée et des séquelles de cette intervention, demande à la Cour d'annuler les articles 1er et 3 du jugement en date du 13 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, rejeté pour irrecevabilité sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional de Montpellier à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'intervention effectuée dans cet établissement et, d'autre part, mis à sa charge les frais d'expertise pour un montant de 550 euros ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, pour rejeter la demande de Mme A tendant à la condamnation du centre hospitalier régional de Montpellier à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des suites de l'intervention chirurgicale effectuée le 29 avril 1997, le tribunal administratif a estimé que la demande préalable d'indemnité présentée auprès du centre hospitalier par la compagnie d'assurances Aviva au nom de sa sociétaire, n'avait pas régulièrement lié le contentieux, faute pour l'assureur d'avoir été expressément mandaté par cette dernière ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 127-1 du code des assurances : Est une opération d'assurance de protection juridique toute opération consistant, moyennant le paiement d'une prime ou d'une cotisation préalablement convenue, à prendre en charge des frais de procédure ou à fournir des services découlant de la couverture d'assurance, en cas de différend ou de litige opposant l'assuré à un tiers, en vue notamment de défendre ou représenter en demande l'assuré dans une procédure civile, pénale ou administrative ou autre ou contre une réclamation dont il est l'objet ou d'obtenir réparation à l'amiable du préjudice subi ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et des documents produits par Mme A pour la première fois en appel que M. Aledo avait souscrit auprès de la compagnie d'assurances Aviva, pour son épouse et lui-même, avec effet au 24 juillet 2000, un contrat de risque avec garanties familiales comportant la garantie protection juridique vie privée et qui stipulait, en son article 2.2 que l'assureur prenait en charge, en cas de procédure judiciaire, les honoraires des auxiliaires de justice et le coût des expertises tout en garantissant la mise en oeuvre des moyens nécessaires à la sauvegarde des droits et intérêts de ses assurés ; qu'eu égard aux termes de l'article L. 127-1 du code des assurances, il résulte clairement de ces stipulations ainsi que de la déclaration adressée le 15 juillet 2002 par Mme A à son assureur mentionnant explicitement le numéro de sa police d'assurances que la requérante avait donné à son assureur mandat pour former, en son nom, une demande préalable auprès du centre hospitalier ; qu'en outre, la lettre du 16 décembre 2002 par laquelle la compagnie d'assurances Aviva indiquait au centre hospitalier que sa responsabilité était engagée du fait de l'intervention chirurgicale subie par son assurée le 21 novembre 2000 présentait le caractère d'une décision préalable liant le contentieux, même si elle ne comportait pas de prétentions chiffrées ; que le rejet implicite par le centre hospitalier de la demande d'indemnisation présentée le 16 décembre 2002 a ainsi lié le contentieux ; qu'en rejetant la demande de Mme A au motif que le contentieux n'aurait pas été lié, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ; que ce dernier doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de Mme A et de la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier-Lodève ;

Sur la régularité des opérations d'expertise :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le centre hospitalier était représenté aux opérations d'expertise et a été mis en mesure de présenter ses observations auprès de l'expert ; que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, les exigences du contradictoire n'ont pas été méconnues ;

Sur l'utilité d'une nouvelle expertise :

Considérant que la Cour dispose, en l'état de l'instruction, de l'ensemble des éléments lui permettant de statuer sur les prétentions des parties ; qu'il y a lieu par conséquence de rejeter les conclusions, formées à titre principal en ce qui concerne Mme A et à titre subsidiaire en ce qui concerne le centre hospitalier, tendant à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée ;

Sur le principe de la responsabilité du centre hospitalier régional de Montpellier :

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des constatations du rapport d'expertise soumis aux premiers juges que l'intervention chirurgicale qu'a subie Mme A a été beaucoup plus importante que celle qui lui avait été initialement proposée lors de la consultation du 18 août 2000, qui consistait en une simple exostosectomie, et que les suites opératoires n'ont pas été les mêmes et ont nécessité des soins prolongés avec le port de chaussures orthopédiques et une rééducation prolongée alors que la simple exostosectomie dorsale n'aurait pas eu les mêmes suites opératoires et aurait permis en principe à Mme A de reprendre ses activités antérieures dans des conditions tout à fait normales dans les trois semaines qui auraient suivi ce type d'intervention ; qu'alors que l'intervention initialement prévue visait à remédier à une simple gêne lors de la marche, il ne résulte pas de l'instruction que l'intervention effectivement réalisée aurait été imposée par une situation d'urgence ;

Considérant que, même s'il conteste les conclusions du rapport d'expertise sur ce point, le centre hospitalier ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que la patiente aurait reçu une information au sujet de l'intervention chirurgicale qui a été réalisée, laquelle était beaucoup plus lourde que celle qui lui avait été proposée, dans des conditions permettant de recueillir son consentement éclairé ; que la simple exostosectomie dorsale initialement proposée à la patiente constituait une alternative thérapeutique moins risquée que celle qui a été pratiquée ; que ce défaut d'information ne se trouve pas à l'origine d'une simple perte de chance pour la patiente de se soustraire au risque de complication qui s'est réalisé mais doit être regardé comme justifiant l'indemnisation totale des différents chefs des préjudices occasionnés par les séquelles d'une opération que Mme A n'avait pas choisie et qui pouvait être évitée ;

Sur les droits à réparation de Mme A et de la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier-Lodève :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial de Mme A :

S'agissant des dépenses de santé à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier-Lodève :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie expose des frais pour un montant de 5 825,62 euros ; que ces frais ont été engagés à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 21 novembre 2000 et des soins occasionnés par les séquelles de celle-ci et présentent un lien direct avec la faute commise par le centre hospitalier qui a soumis la patiente à une opération qui pouvait être évitée ; qu'il y a lieu en conséquence d'allouer cette somme de 5 825,62 euros avec les intérêts à compter du 3 août 2004, date d'enregistrement de la demande de la caisse au greffe du tribunal administratif ; que la caisse primaire d'assurance maladie a également demandé la capitalisation des intérêts dès le 3 août 2004 ; qu'à cette date il n'était pas dû une année d'intérêts ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation à la date du 4 août 2005 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; que la caisse primaire d'assurance maladie peut aussi prétendre au remboursement de la somme forfaitaire de 966 euros en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;

S'agissant des pertes de revenus :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'indemniser l'incapacité temporaire totale de six jours subie par Mme A, retraitée, qui n'a subi en outre, aucune perte de revenus ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel de Mme A :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport d'expertise relatives à l'étendue des préjudices subis par Mme A que son incapacité permanente partielle peut être fixée à 7 % et non à 33 % comme le demande la requérante au vu d'un avis médical non soumis au contradictoire et ne présentant pas un caractère plus probant que les conclusions du rapport d'expertise ; que l'indemnisation de ce chef de préjudice sera fixée à la somme de 10 000 euros ; que le préjudice esthétique, chiffré à 1 sur une échelle de 1 à 7 par l'expert, pourra être réparé à hauteur de 750 euros et les souffrances physiques, chiffrées à 2,5 une échelle de 1 à 7, à hauteur de 2 000 euros ; qu'enfin, les troubles dans les conditions d'existence comprenant le préjudice d'agrément et le préjudice moral seront réparés à hauteur de 5 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander la condamnation du centre hospitalier régional de Montpellier à lui verser la somme de 17 750 euros ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais de l'expertise qui s'élèvent à la somme de 550 euros à la charge définitive du centre hospitalier régional de Montpellier ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier régional de Montpellier la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens et la somme de 800 euros au titre des mêmes frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier-Lodève ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 13 mars 2008 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier régional de Montpellier est condamné à verser à Mme A la somme de 17 750 euros.

Article 3 : Le centre hospitalier régional de Montpellier est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier-Lodève la somme de 5 825,62 euros avec les intérêts à compter du 3 août 2004 et capitalisation des intérêts à la date du 4 août 2005 et à chaque échéance annuelle ainsi que la somme forfaitaire de 966 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : Les frais d'expertise, d'un montant de 550 euros, sont mis à la charge du centre hospitalier régional de Montpellier.

Article 5 : Le centre hospitalier régional de Montpellier versera la somme de 1 500 euros à Mme A et la somme de 800 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier-Lodève en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Larissa A, au centre hospitalier régional de Montpellier, à la caisse primaire d'assurance maladie de Montpellier-Lodève, à la mutuelle MTRL et au ministre de la santé et des sports.

Copie en sera adressée à Me Guillemain, à la SCP Cauvin-Leygue, à la SCP Armandet-Le Targat-Geler et au préfet de l'Hérault.

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N° 08MA02317 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA02317
Date de la décision : 03/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : SCP F. DENEL - C. GUILLEMAIN - V. RIEU - H. DE CROZALS - C. TREZEGUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-06-03;08ma02317 ?
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