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24/01/2011 | FRANCE | N°09MA00172

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 24 janvier 2011, 09MA00172


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA00172, le 19 janvier 2009, présentée pour la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA, représentée par son maire en exercice à ce dûment autorisé par une délibération du conseil municipal en date du 22 décembre 2008, par la SCP d'avocats Henry-Galiay-Chichet-Henry et Pailles;

La COMMUNE D'ESCARO-AYTUA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505569 du 2 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à Me Jean-Pierre Clément, è

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA00172, le 19 janvier 2009, présentée pour la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA, représentée par son maire en exercice à ce dûment autorisé par une délibération du conseil municipal en date du 22 décembre 2008, par la SCP d'avocats Henry-Galiay-Chichet-Henry et Pailles;

La COMMUNE D'ESCARO-AYTUA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505569 du 2 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à Me Jean-Pierre Clément, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée (SARL) Flor De Xicoia, une indemnité de 32 014 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 août 2005, en réparation du préjudice résultant du comportement fautif de la commune ayant donné à ladite société en location, sous forme de bail commercial, des locaux faisant partie du domaine public communal ;

2°) de rejeter les demandes de Me Jean-Pierre Clément présentées devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de Me Jean-Pierre Clément une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code du commerce ;

Vu le décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 modifié ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2010 :

- le rapport de Mme Buccafurri, président assesseur ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant qu'afin de lutter contre les conséquences de la désertification de son territoire, la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA, commune rurale de 84 habitants, a décidé de participer à l'opération Renouveau Campagnes lancée en 1993 par le ministère de l'intérieur ; que, par une délibération du 16 avril 1994, le conseil municipal de ladite commune a créé un multiple rural, composé d'un atelier de fabrication de confitures et d'un local destiné à recevoir une activité de café, dépannage, épicerie et dépôt de pain , dans des locaux lui appartenant et que cette collectivité souhaitait donner en location à des entrepreneurs par voie de bail commercial ; que les locaux en cause ont été aménagés à cet effet par la commune et, par un acte notarié du 5 août 1994, ont été donnés en location à la société Flor de Xicoia en vertu d'un bail commercial conclu en application du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 modifié, pour une durée de neuf ans du 1er juillet 1994 au 30 juin 2003 ; que, le 26 juin 2003, la société Flor de Xicoia a sollicité le renouvellement du bail commercial ; que s'appuyant sur un jugement rendu le 10 décembre 2002, dans le cadre d'un litige opposant la commune à la société Flor de Xicoia, dans lequel le Tribunal d'Instance de Prades avait estimé que les locaux loués constituaient des dépendances du domaine public communal, la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA a décidé de ne pas renouveler ce bail au motif que la domanialité publique de ces locaux interdisait leur location sous la forme d'un bail commercial ; que la société Flor de Xicoia, a quitté les lieux en 2005 et a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du Tribunal de commerce de Perpignan en date du 12 octobre 2005 ; que, le 26 octobre 2005, la société Flor de Xicoia, représentée par Me Clément, mandataire liquidateur, a saisi le Tribunal Administratif de Montpellier d'une demande tendant à l'indemnisation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait du comportement fautif de la commune qui lui avait laissé croire de façon durable que l'occupation des locaux en cause pouvait se faire dans le cadre de la législation des baux commerciaux ; que, par un jugement en date du 2 décembre 2008, le Tribunal administratif de Montpellier a partiellement fait droit à cette demande et a condamné la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA à payer à la société Flor de Xicoia une indemnité de 32 014 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 août 2005 ; que la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA relève appel de ce jugement ; que, dans le dernier état de ses écritures, elle demande à la Cour, dans l'hypothèse où cette dernière confirmerait la condamnation prononcée par le Tribunal administratif, que soit opérée une compensation entre la somme mise à sa charge et les indemnités d'occupation sans titre du domaine public dont la société requérante serait débitrice à son égard, évaluées au montant de 6 338,34 euros, ladite société s'étant maintenue dans les locaux en cause jusqu'en 2005 ; que, par la voie d'un appel incident, la société Flor de Xicoia demande la réformation du même jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ;

Sur la recevabilité des conclusions présentées par la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA tendant à ce que la Cour opère une compensation :

Considérant que ces conclusions sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ; qu'elles doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que, pour retenir, au titre du préjudice global subi par la société Flor de Xicoia, une somme de 32 014 euros, correspondant au montant d'un prêt bancaire contracté par ladite société le 18 janvier 2002, le Tribunal administratif s'est borné à relever que le prêt en cause avait été contracté par ladite société pour financer son activité ; qu'il n'a pas cependant indiqué les motifs le conduisant à considérer que ce chef de préjudice présentait un lien de causalité avec le comportement fautif de la commune et que son raisonnement ne peut être déduit des autres mentions figurant dans le jugement attaqué ; que, par suite, la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation et à demander pour ce motif l'annulation dudit jugement ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées devant le Tribunal administratif de Montpellier par la société Flor de Xicoia ;

Sur la responsabilité de la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA :

Considérant, en premier lieu, qu'il appartient au juge administratif, en l'absence de toute contestation portant sur les titres de propriété, de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public ; que la circonstance que le Tribunal d'instance de Prades a décidé que les locaux donnés en location par la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA à la société Flor de Xicoia faisaient partie du domaine public communal ne saurait en elle-même faire obstacle à ce que la juridiction administrative se prononce sur l'inclusion d'un bien immobilier dans le domaine public de la commune dès lors qu'il résulte de l'instruction que le jugement rendu par ce tribunal le 10 décembre 2002, bien que devenu définitif, n'est pas revêtu de l'autorité de chose jugée en l'absence d'identité d'objet entre le litige tranché par le juge judiciaire et le présent litige ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, que la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA, commune rurale comptant 84 habitants, a décidé de donner en location les locaux lui appartenant dans le cadre d'une campagne lancée à l'échelon national par le ministère de l'intérieur, dénommée Renouveau campagnes pour lutter contre la désertification de son territoire et afin d'attirer de nouveaux habitants et d'offrir un débouché commercial aux produits de la commune ; qu'ainsi, en donnant ces locaux en location pour l'aménagement de commerces alimentaires destinés aux habitants de la commune pour pallier une défaillance de l'initiative privée, la commune a entendu confier à la société Flor de Xicoia une mission d'intérêt général ; qu'il résulte, en outre de l'instruction que cette collectivité, qui est à l'initiative de cette opération, a préalablement déterminé la nature des activités pouvant être accueillies dans les locaux loués et que le contrat en litige précise que ces biens seraient exclusivement affectés aux activités que la collectivité publique avait précédemment définies ; que, par ailleurs, cette collectivité publique a fixé au locataire des contraintes d'ouverture quotidienne et annuelle de ces locaux et lui a prescrit de s'approvisionner auprès des commerçants et agriculteurs de la commune ; que, dans ces conditions, la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA doit être regardée comme ayant décidé de confier à la société Flor de Xicoia l'exécution d'une mission de service public de revitalisation économique de la commune ; qu'il suit de là que les locaux donnés en location à la société Flor de Xicoia, appartenant à la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA étant affectés au service public et spécialement aménagés à cet effet, constituent des dépendances du domaine public communal ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en signant le 5 août 1994 avec la société Flor de Xicoia un bail commercial d'une durée de neuf ans pour l'occupation des locaux en cause puis en laissant le bail se poursuivre jusqu'à son terme, la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA s'est mépris d'une manière durable sur la situation juridique de ces locaux qui constituent des dépendances du domaine public et a laissé espérer à ladite société que celle-ci occupait ce local dans les conditions prévues par la législation sur les baux commerciaux et qu'elle avait droit soit au renouvellement de son bail, soit à une indemnité d'éviction ; qu'elle a, ce faisant, commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que la société Flor de Xicoia pouvait ne pas connaître la nature juridique exacte de ces locaux et n'a pas, pour sa part, contrairement à ce que soutient la commune, commis de faute de nature à l'exonérer en tout ou partie de sa responsabilité ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que le fait que la société Flor de Xicoia n'a connu que tardivement la situation juridique réelle, inhérente au domaine public, dans laquelle elle se trouvait a causé aux conditions de gestion de son établissement commercial des perturbations que ne suffisent pas à compenser les propositions de la commune de continuer à occuper les locaux au bénéfice d'une autorisation temporaire d'occupation du domaine public, d'une durée de sept ans ou par la voie d'une délégation de service public, d'une même durée ; que le préjudice ainsi subi par la société Flor de Xicoia résulte directement du comportement fautif de la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA et cette dernière n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le préjudice de la société Flor de Xicoia serait exclusivement imputable à son propre fait au motif qu'elle a rejeté les propositions alternatives qu'elle lui avait présentées pour l'occupation de ces locaux ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société Flor de Xicoia n'est pas fondée à réclamer l'indemnisation du préjudice moral subi par son co-gréant, un tel préjudice étant personnel à ce dernier ;

Considérant, en troisième lieu, que la réalité du préjudice subi par la société Flor de Xicoia, résultant des frais de main d'oeuvre pour l'aménagement du local, évalués à la somme de 3 500 euros, n'est pas établie en l'absence de la production de justificatifs ;

Considérant, en quatrième lieu, que si la société Flor de Xicoia demande la réparation du préjudice lié à la perte de la licence IV, elle n'a produit au dossier aucun document de nature à établir qu'elle était titulaire de cette licence alors que la commune appelante soutient, pour sa part, qu'elle en était la seule titulaire ; qu'ainsi, et en tout état de cause, ce chef de préjudice doit être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, que si la société Flor de Xicoia demande l'allocation d'une indemnité destinée à réparer les frais de déménagement dans un nouveau local à Prades, des frais de déplacement pour la recherche de ce nouveau local ainsi que des frais d'aménagement dudit local, cette demande n'est appuyée d'aucun justificatif de nature à démontrer la réalité du préjudice ainsi allégué ; qu'à cet égard, si elle soutient que le prêt qu'elle a contracté le 11 mars 2005 auprès du Crédit Agricole, pour un montant de 11 800 euros, était destiné à financer sa réinstallation dans un nouveau local, ni ce prêt, qui ne précise pas l'objet du financement, ni aucune autre pièce du dossier ne sont de nature à démontrer que le prêt en cause aurait eu un tel objet ; que, par suite, et en tout état de cause, ce chef de préjudice doit être écarté et les conclusions d'appel incident présentées par la société Flor de Xicoia rejetées ;

Considérant, en sixième lieu, que la société Flor de Xicoia, qui n'a jamais été légalement titulaire d'un bail commercial, n'est pas en droit de réclamer une indemnité correspondant à la valeur de son fonds de commerce ; qu'il suit de là que le préjudice financier qu'elle invoque, correspondant au prêt, d'un montant de 32 014 euros, qu'elle a contracté le 18 janvier 2002 auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée et qui était destiné à l'acquisition du fonds de commerce, lequel ne pouvait être constitué sur le domaine public, ne peut ouvrir droit à réparation ; qu'en tout état de cause, la société Flor de Xicoia, qui ne demande pas la réparation des frais financiers induits par l'attribution de ce prêt, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une indemnité correspondant au montant de ce prêt qui, par lui-même, ne présente pas la nature d'une charge pour la société ; que, par suite, ce chef de préjudice doit être écarté ;

Considérant, en septième lieu, que la société Flor de Xicoia n'établit pas la réalité des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral qu'elle aurait subis du fait du comportement fautif de la commune ; que, par suite, ces chefs de préjudices doivent être écartés ;

Considérant, en revanche, que la société est fondée à soutenir que, du fait de la faute commise par la commune, elle a subi un préjudice financier en croyant acquérir en 1994 un droit à un bail commercial et a perdu la garantie d'une plus grande stabilité dans ce local, même si elle ne justifiait d'aucun droit au renouvellement systématique de son bail ; que la perte financière occasionnée et la moindre sécurité quant à son maintien dans les lieux, même si la société y a poursuivi son activité, constituent des préjudices actuels présentant un lien de causalité direct et certain avec la faute commise par la commune ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste évaluation du préjudice subi par la société Flor de Xicoia en condamnant la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA à lui verser une somme de 10 000 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que la société Flor de Xicoia a droit aux intérêts au taux légal sur la somme précitée de 10 000 euros à compter du 5 août 2005, date de la réception par la commune de sa réclamation préalable ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties à l'instance la charge des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0505569 du 2 décembre 2008 du Tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La COMMUNE D'ESCARO-AYTUA est condamnée à verser à la société Flor de Xicoia une indemnité de 10 000 euros (dix mille euros). Ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 août 2005.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la société Flor de Xicoia devant le Tribunal administratif de Montpellier et ses conclusions d'appel incident présentées devant la Cour ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE D'ESCARO-AYTUA et à la société Flor de Xicoia, représentée par Me Jean-Pierre Clément.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

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N° 09MA00172 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA00172
Date de la décision : 24/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Isabelle BUCCAFURRI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP HG et C - J.P. HENRY- C. GALIAY - E. CHICHET - C. HENRY - E. PAILLES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-01-24;09ma00172 ?
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