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10/05/2011 | FRANCE | N°09MA00520

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 10 mai 2011, 09MA00520


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 février 2009 sous le n° 09MA00520, présentée par Me Voche, avocat, pour M. Julien A, demeurant ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605644 du 9 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant :

- à l'annulation de la décision du ministre de l'agriculture et de la pêche du 25 avril 2006 mettant fin à ses fonctions de maître d'internat pour abandon de poste, ensemble la décision dudit ministre rejetant son recours gracieux du 29 mai

2006 ;

- à ce qu'il soit enjoint audit ministre de le réintégrer à compter de la ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 février 2009 sous le n° 09MA00520, présentée par Me Voche, avocat, pour M. Julien A, demeurant ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605644 du 9 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant :

- à l'annulation de la décision du ministre de l'agriculture et de la pêche du 25 avril 2006 mettant fin à ses fonctions de maître d'internat pour abandon de poste, ensemble la décision dudit ministre rejetant son recours gracieux du 29 mai 2006 ;

- à ce qu'il soit enjoint audit ministre de le réintégrer à compter de la date effective de son éviction jusqu'à la date légale de la fin de son contrat, de procéder au versement de la totalité des salaires non perçus pendant cette période et de lui verser l'allocation chômage dès la fin de son contrat ;

- à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une indemnité de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les deux décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de la pêche de le réintégrer à compter de la date effective de son éviction ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux qu'il estime avoir subis ;

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Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret modifié du 11 mai 1937 relatif au statut des maîtres et maîtresses d'internat des lycées, collèges et cours secondaires ;

Vu le décret n° 76-211 du 26 février 1976 fixant les dispositions applicables aux surveillants d'externat et aux maîtres d'internat des établissements d'enseignement technique agricole ;

Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux agents non titulaires de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 2011 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public ;

Considérant que M. A a été recruté en qualité de maître d'internat le 1er septembre 2001 pour une durée d'un an au lycée professionnel agricole de Saintes ; que son contrat annuel a été renouvelé jusqu'à l'année scolaire 2005/2006 où il était alors affecté au lycée professionnel agricole de Castelnau-le-Lez ; que le 25 avril 2006, le ministre de l'agriculture et de la pêche a mis fin à ses fonctions de maître d'internat pour abandon de poste à compter du 17 avril 2006, puis a implicitement rejeté le recours gracieux de l'intéressé du 29 mai 2006 ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret modifié du 11 mai 1937 relatif au statut des maîtres et maîtresses d'internat des lycées, collèges et cours secondaires : Les fonctions de maître et de maîtresse d'internat de lycée, de collège ou de cours secondaires sont des fonctions essentiellement temporaires dont la durée est rigoureusement limitée, conformément aux dispositions de l'article 2. Les maîtres et maîtresses d'internat sont tous tenus de poursuivre des études orientées vers l'acquisition d'une profession qu'aux termes de l'article 2 : Les fonctions de maître et de maîtresse d'internat prennent fin de plein droit : (...) 3° Après six ans de service effectif pour tous les maîtres et maîtresses d'internat. ; et qu'aux termes de l'article 5 : Les maîtres et maîtresses d'internat sont chargés du service de nuit. Ce service commence à l'heure réglementaire du départ des externes surveillés et se termine à l'entrée des élèves en classe le lendemain matin (...) ;

Considérant par ailleurs qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 76-211 du 26 février 1976 fixant les dispositions applicables aux surveillants d'externat et aux maîtres d'internat des établissements d'enseignement technique agricole : Les fonctions de surveillants d'externat et de maîtres d'internat des établissements d'enseignement technique agricole sont des fonctions essentiellement temporaires dont la durée est limitée conformément aux dispositions de l'article 5 ci-dessous. ; qu'aux termes de l'article 3 de ce décret : Les surveillants d'externat et les maîtres d'internat sont nommés par arrêté du ministre de l'agriculture. .. ; qu'aux termes de son article 4 : Il est mis fin de plein droit et sans indemnité aux fonctions des surveillants d'externat lorsqu'ils atteignent l'âge de vingt-neuf ans ou s'ils ont exercé leurs fonctions pendant six ans. Toutefois, lorsque ces termes surviennent en cours d'année scolaire, celle-ci peut être terminée. ; qu'aux termes de son article 5 : Il est mis fin de plein droit et sans indemnité aux fonctions des maîtres d'internat : 1° Après trois ans de services effectifs pour ceux d'entre eux qui n'ont acquis aucun nouveau titre ou grade de l'enseignement supérieur depuis la date de leur confirmation (stage compris) ; 2° Après cinq ans de services effectifs pour les maîtres d'internat non pourvus d'une licence d'enseignement ou d'un titre équivalent ; 3° Après six ans de services effectifs (période probatoire comprise) dans tous les cas (...) ; et qu'aux termes de l'article 13 dudit décret : (...) La suspension temporaire ou le licenciement sans indemnité sont prononcés sur avis d'une commission présidée par le directeur général de l'enseignement, des études et de la recherche et dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par arrêté du ministre de l'agriculture. Dans les cas graves ou urgents, la suspension provisoire peut être prononcée par le chef d'établissement. (...) Pendant la durée de la suspension provisoire, l'agent objet de la sanction conserve son traitement intégral. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les fonctions de surveillants d'externat et de maîtres d'internat, doivent être regardées comme étant non seulement matériellement distinctes, les premières s'exerçant à titre principal le jour et les secondes à titre principal la nuit, mais également juridiquement distinctes, eu égard notamment aux conditions différentes appliquées quant à la durée d'exercice de telles fonctions et à la poursuite parallèle d'études supérieures ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le directeur régional de l'agriculture et de la forêt de l'Hérault, après entretien du 31 mars 2006, a adressé deux courriers, l'un daté du 31 mars 2006 à l'intéressé, l'autre du 3 avril 2006 au directeur du lycée professionnel agricole de Castelnau-le-Lez, faisant état en termes identiques de l'inaptitude de l'intéressé à ses fonctions de maître d'internat, compte tenu des risques importants d'atteinte à la sécurité des élèves inhérents à son comportement et demandant audit directeur de prendre des mesures conservatoires immédiates pour mettre fin à ses missions de maître d'internat ; que le 3 avril 2006, un nouvel emploi du temps a été signifié par le directeur du lycée à l'intéressé, qui ne comportait plus de service de nuit, mais uniquement et exclusivement un service de jour à plein temps ; que cet emploi du temps a été confirmé par ledit directeur le 10 avril 2006 par une mise en demeure demandant à l'intéressé une reprise du travail au 13 avril 2006 dans ce cadre de jour, sous peine d'être licencié pour abandon de poste ; que, par la décision attaquée, l'intéressé a été licencié pour abandon de poste ;

Considérant que la modification des horaires de travail ainsi exigée par l'administration doit être regardée comme une résiliation unilatérale du contrat de travail de maître d'internat de M. A, suivie d'une proposition non équivalente de contrat de travail en qualité de surveillant d'externat ; que dans ces conditions, l'agent contractuel licencié ne pouvait être évincé, postérieurement à son licenciement, au motif qu'il aurait abandonné un poste de surveillant d'externat qu'il n'a jamais accepté ; qu'il s'ensuit que la décision ministérielle attaquée du 25 avril 2006 mettant fin aux fonctions de maître d'internat de l'intéressé pour abandon de poste est entachée d'un erreur de droit ; que M. A est par suite fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et, par l'effet dévolutif de l'appel, l'annulation pour excès de pouvoir de ladite décision du 25 avril 2006, ensemble la décision du ministre rejetant son recours gracieux du 29 mai 2006 ;

Considérant que la Cour est en outre saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, des conclusions de M. A aux fins d'injonction et d'indemnisation ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant qu'en vertu des articles 4 et 5 précités du décret statutaire n° 76-211, d'une part, aucune limite d'âge ne peut être opposée aux maîtres d'internat à la différence des surveillants d'externat, d'autre part, il est mis fin de plein droit aux fonctions des maîtres d'internat après cinq ans de services effectifs pour les maîtres d'internat non pourvus d'une licence d'enseignement ou d'un titre équivalent ;

Considérant que l'intéressé, recruté le 1er septembre 2001 pour une durée d'un an, n'avait pas atteint le terme de la durée d'exercice effectif des fonctions de maître d'internat de 5 ans au 17 avril 2006 ; que dans ces conditions, en application de l'article L. 911-1 précité, le présent arrêt implique nécessairement la réintégration juridique rétroactive de l'intéressé dans sa qualité de maître d'internat de la date du 17 avril 2006 jusqu'à la fin de son contrat qui expirait au 31 août 2006 ; que cette réintégration rétroactive n'implique aucune reconstitution de carrière pour ce type d'emploi, mais implique la reconstitution des droits sociaux sur cette période du 17 avril 2006 au 31 août 2006 ; qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de procéder à cette formalité dans les conditions prescrites à l'article 3 du dispositif du présent arrêt ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :

Considérant que l'appelant réclame une indemnité globale de 10 000 euros en invoquant le bouleversement de sa vie universitaire, son déménagement, son préjudice moral, et son préjudice financier tiré de la perte de son salaire pour le restant de son contrat ;

Considérant, en premier lieu, que la partie intimée oppose en appel une fin de

non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux en l'absence de réclamation préalable ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que cette fin de non-recevoir a été opposée à titre principal en appel seulement, alors qu'en première instance, la défense s'était contentée de répondre au fond ; que, dans ces conditions, le contentieux a été lié et la fin de non-recevoir doit être écartée ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'appelant demande à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder au versement de la totalité des salaires non perçus pendant la période courant du 17 avril 2006 à la date d'expiration de son contrat, il n'y a pas droit en l'absence de service fait, mais est susceptible de toucher une indemnité couvrant le différentiel entre la perte des salaires qu'il aurait perçus sur cette période, s'il avait été maintenu sur son poste, même suspendu, et les revenus éventuellement perçus sur la même période ; que s'agissant du préjudice financier, M. A n'apporte aucun calcul probant de nature à étayer sa demande tendant à la réparation de ce poste de préjudice, lequel au demeurant n'est pas

lui-même chiffré au sein de la somme globale de 10 000 euros réclamée ; qu'en outre, aucun élément au dossier ne permet au juge d'estimer si l'intéressé, sur la période courant du 17 avril 2006 jusqu'à la fin du contrat, a ou non perçu des revenus de remplacements ; que dans ces conditions, la demande tendant à la réparation du préjudice financier doit être écartée comme insuffisamment établie ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en allouant à l'appelant la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence, compte tenu notamment des troubles non contestés qu'il a pu subir dans le déroulement de son cursus universitaire ;

Considérant, en quatrième lieu, que si l'intéressé a demandé devant les premiers juges que lui soit versée une allocation chômage dès la fin de son contrat, cette demande n'a pas été reprise devant la Cour qui statue en vertu de l'effet dévolutif de l'appel ; qu'en outre, et en tout état de cause, l'intéressé n'a droit à aucune allocation pour perte d'emploi à compter de son éviction involontaire 17 avril 2006, dès lors que cette éviction est annulée par le présent arrêt ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'appelant est seulement fondé à demander à la Cour d'annuler le jugement attaqué et les décisions attaquées, d'enjoindre au ministre de reconstituer rétroactivement ses droits sociaux du 17 avril 2006 au 31 août 2006 et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 1 000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement attaqué susvisé du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La décision susvisée du ministre de l'agriculture et de la pêche du 25 avril 2006 est annulée, ensemble la décision de cette autorité rejetant le recours gracieux de M. A du 29 mai 2006.

Article 3 : Il est enjoint sans astreinte au ministre de l'agriculture et de la pêche de procéder à la reconstitution des droits sociaux de M. A sur la période courant du 17 avril 2006 au 31 août 2006, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat (ministère de l'agriculture et de la pêche) est condamné à verser à M. A une indemnité de 1 000 (mille) euros.

Article 5 : Le surplus de la requête de M. A est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Julien A et au ministre de l'agriculture et de la pêche.

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N° 09MA00520 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA00520
Date de la décision : 10/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Nature du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste BROSSIER
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : VOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-05-10;09ma00520 ?
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