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11/06/2012 | FRANCE | N°11MA02042

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 11 juin 2012, 11MA02042


Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2006, présentée pour Mme Annie A, demeurant ... (48000), agissant en son nom et en celui de son fils Geoffrey B demeurant ... (48000) dont elle est la tutrice, par Me Gousseau ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202468 en date du 27 avril 2006, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à voir déclarer l'Etat responsable des préjudices subis tant par elle-même que par son fils eu égard aux carences de ses services dans la prise en charge des personnes autistes dans le départe

ment de la Lozère ;

2°) de déclarer l'État responsable des préjudi...

Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2006, présentée pour Mme Annie A, demeurant ... (48000), agissant en son nom et en celui de son fils Geoffrey B demeurant ... (48000) dont elle est la tutrice, par Me Gousseau ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202468 en date du 27 avril 2006, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à voir déclarer l'Etat responsable des préjudices subis tant par elle-même que par son fils eu égard aux carences de ses services dans la prise en charge des personnes autistes dans le département de la Lozère ;

2°) de déclarer l'État responsable des préjudices subis tant par elle-même que par son fils eu égard aux carences de ses services dans la prise en charge des personnes autistes dans le département de la Lozère et de le condamner à lui verser les sommes de 60 979 euros, 30 489 euros et 37 823,86 euros au titre du préjudice moral subi par son fils, par elle-même et au titre du préjudice économique et financier ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros à verser à Mme Annie A, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2007, présenté par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, ministre de la santé et des solidarités, qui conclut au rejet de la requête ;

................................

Vu le mémoire enregistré le 17 juillet 2007, présenté pour Mme A et portant communication de pièces ;

Vu l'arrêt n° 318501 du Conseil d'État rendu le 16 mai 2011 par lequel le Conseil d'État a annulé l'arrêt n° 06MA01961 du 15 mai 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille avait rejeté la requête de Mme A tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0202468 du 27 avril 2006 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande tendant à voir déclarer l'État responsable des préjudices subis tant par elle-même que par son fils en raison des carences des services de l'État dans la prise en charge des personnes autistes dans le département de la Lozère, d'autre part, à la condamnation de l'État à lui verser les sommes de 60 979 euros, 30 489 euros et 37 823,86 euros majorées des intérêts à compter du 21 mai 2002 au titre du préjudice moral subi par son fils et par elle-même et au titre du préjudice économique et financier, et renvoyé l'affaire devant la Cour ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2012, présenté pour Mme A, qui limite ses prétentions à la somme de 60 000 euros au titre du préjudice moral subi par son fils Geoffrey, à la somme de 30 000 euros au titre de son propre préjudice moral, porte le montant qu'elle réclame au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la somme de 7 500 euros, et maintient le surplus de ses conclusions précédentes, par les mêmes moyens ;

...........................

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 20 novembre 2006, admettant M. B au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 96-1076 du 11 décembre 1996 modifiant la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et tendant à assurer une prise en charge adaptée de l'autisme ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2012 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteure publique ;

Considérant que Mme A mère d'un enfant né en 1985 et atteint d'un syndrome autistique, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de tutrice de son fils, M. Geoffrey B, majeur protégé, relève appel du jugement du 27 avril 2006 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit déclaré responsable des préjudices subis tant par elle-même que par son fils en raison des carences des services de l'Etat dans la prise en charge des personnes autistes dans le département de la Lozère et à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice moral subi par son fils et par elle-même et ses préjudices économique et financier ; que Mme A doit être regardée comme invoquant à titre principal, dans le dernier état de ses écritures, la responsabilité de l'Etat sur le terrain de la faute ;

Sur le principe de la responsabilité :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. / Adaptée à l'état et à l'âge de la personne et eu égard aux moyens disponibles, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social." ; qu'il résulte de ces dispositions que le droit à une prise en charge pluridisciplinaire est garanti à toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique, quelles que soient les différences de situation ; que si, eu égard à la variété des formes du syndrome autistique, le législateur a voulu que cette prise en charge, afin d'être adaptée aux besoins et difficultés spécifiques de la personne handicapée, puisse être mise en oeuvre selon des modalités diversifiées, notamment par l'accueil dans un établissement spécialisé ou par l'intervention d'un service à domicile, c'est sous réserve que la prise en charge soit effective dans la durée, pluridisciplinaire, et adaptée à l'état et à l'âge de la personne atteinte de ce syndrome ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article 2-2 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales dans leur rédaction applicable au cours des années en cause prévoyaient l'élaboration d'un schéma départemental relatif aux établissements des services sociaux et médico-sociaux, arrêté conjointement par le président du conseil général et le représentant de l'Etat dans le département chaque fois qu'il concernait des établissements et services sociaux ou médico-sociaux fournissant des prestations prises en charge concurremment, d'une part par le département, d'autre part par l'Etat, un organisme d'assurance maladie ou d'allocations familiales ou d'assurance vieillesse, ou, quelles que soient leurs modalités de financement, les services accueillant des adultes handicapés ; que ces dispositions, ainsi que l'économie générale de cette loi imposaient à l'Etat de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que le droit à une prise en charge pluridisciplinaire adaptée prévu par la loi ait, pour les personnes atteintes du handicap résultant du syndrome autistique, un caractère effectif, ainsi que l'a d'ailleurs ultérieurement confirmé le législateur en adoptant les dispositions de l'article L. 114-1 du code de l'action sociale et des familles, qui font de l'Etat le garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire et lui prescrivent de définir des objectifs pluriannuels d'actions ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jeune Geoffrey B, né en mai 1985 a été hébergé au service infanto-juvénile du centre hospitalier spécialisé de Saint Alban à compter de 1988 ; qu'en janvier 1998, il a été pris en charge en hôpital de jour à Mende ; que sa mère, qui l'élevait seule, estimant que cette prise en charge n'avait pas fait la preuve de son efficacité, a souhaité bâtir pour son fils, alors âgé de 13 ans, un projet permettant son retour à la maison et une prise en charge en établissement spécialisé quelques heures par jour ; que le 17 juin 1998, la commission départementale de l'éducation spéciale de Lozère a émis un avis favorable à une orientation en institut médico-éducatif, pour un an, qui n'a pas été suivie d'effet ; qu'en décembre 1998, le jeune Geoffrey a quitté l'hôpital ; que le 19 janvier 1999 la commission départementale de l'éducation spéciale a indiqué qu'une prise en charge en institut médico-pédagogique, pour un mois au plus, n'était possible qu'avec des soins psychiatriques concomitants ; que Geoffrey B a été accueilli au sein de l'institut médico-éducatif " Les Sapins " à raison de deux heures par jour entre le 18 janvier et le 12 février 1999 ; que le 31 août 1999 le tribunal du contentieux de l'incapacité a ordonné une prise en charge à temps partiel au sein de l'institut médico-pédagogique " Les Sapins " concomitante avec un suivi exercé par un psychiatre librement choisi par Mme A sur une liste fournie par cette commission ; que Mme A a vainement tenté d'organiser ce suivi, le premier des deux médecins conseillés n'ayant pas donné suite à ses demandes de rendez-vous, et le second lui ayant fait part de son impossibilité matérielle à assumer valablement un tel suivi, et l'ayant orientée vers un service d'éducation spécialisée et de soins à domicile ; que, durant cette période, la prise en charge de Geoffrey B reposait exclusivement sur sa mère ; que le 8 mars 2000 la commission départementale de l'éducation spécialisée de Lozère a émis un avis favorable à une prise en charge par un service d'éducation spécialisée et de soins à domicile (SESSAD), sans que cette orientation se traduise concrètement dans les faits ; que Mme A a entamé, le 22 juin 2000, une grève de la faim qui a duré 33 jours ; que Geoffrey B a fini par être pris en charge par le SESSAD " Ensemble thérapeutique Bellesagne " à la fin du mois de septembre 2000, cette structure ayant essentiellement vocation à évaluer et à coordonner la prise en charge de l'adolescent ; qu'en janvier 2001 la commission départementale de l'éducation spéciale a donné un avis favorable à une prise en charge de ce dernier par le SESSAD et par l'institut médico-pédagogique " les Sapins " à raison de trois demi journées par semaine ; qu'un bilan effectué le 22 décembre 2000 témoigne des difficultés de cette dernière structure, compte tenu de ses moyens et de ses contraintes, à s'adapter au profil particulier de Geoffrey B, son intégration nécessitant que " les éducateurs revoient le contenu des séances, la composition des groupes d'enfants ainsi que l'encadrement. " et l'équipe éducative estimant " que Geoffrey ne peut bénéficier d'une socialisation horizontale et que son intégration dans un groupe de jeunes à l'IMP n'est pas adaptée sur un plan éducatif et pédagogique " ; qu'en avril 2001, cet établissement, a suspendu unilatéralement la prise en charge de Geoffrey B, qui avait physiquement agressé un membre du personnel ; que la commission départementale de l'éducation spéciale a alors décidé le maintien de la prise en charge par le SESSAD de Bellesagne, chargé de réactualiser le projet de vie de Geoffrey avec les différents partenaires ; que, le 22 mai 2001, le directeur du SESSAD indiquait que, s'il avait reçu cette mission, " aucune administration : Education nationale ou direction de l'action sanitaire et sociale ; ni la commission départementale d'éducation spéciale n'avance un seul partenaire ", et indiquait que son équipe intervenait " deux après-midi par semaine plus certains transports pour le kiné, l'accueil en famille de jour, un repas avec un groupe de collégiens et un important travail avec Mme C" ; qu'un rapport d'évaluation effectué en septembre 2002 par le professeur Aussilloux à la demande de la commission départementale d'aide sociale indiquait " la situation est actuellement critique du fait de la durée excessive de prise en charge familiale ", et que les difficultés d'intégration de Geoffrey B au sein de l'institut médico-éducatif étaient liées à " un problème réel d'adaptation à l'individualisation des besoins de Geoffrey, avec des aspects de taux d'encadrement, mais aussi l'hétérogénéité dans la composition du groupe " ; que postérieurement, et jusqu'à la prise en charge partielle à partir de mai 2003 de Geoffrey B par le foyer d'accueil Abbé Bassier, la prise en charge de l'adolescent a reposé sur sa mère et sur le SESSAD de Bellesagne ; que le suivi dont il a alors fait l'objet a consisté en des séances bi hebdomadaires d'orthophonie, un accompagnement hebdomadaire par une psychomotricienne dans un centre hippique puis dans un atelier musique, un accompagnement ponctuel par un psychologue, un accompagnement par un éducateur plusieurs fois par semaine, sans que le dossier fasse nettement apparaître la durée et la périodicité de cet accompagnement, et une " prise en charge deux après-midi par semaine à l'association ADRET " ;

Considérant qu'il résulte de l'exposé qui précède que la prise en charge de Geoffrey B se caractérise par l'absence de structure adaptée à ses besoins spécifiques ; qu'aucune réponse institutionnelle satisfaisante n'a pu être donnée à sa mère à compter du jour où elle a manifesté le désir de rompre avec une prise en charge par le secteur de psychiatrie infanto-juvénile de Lozère ; que ce n'est qu'à partir de la fin de l'année 2002 que, sous la supervision et avec le soutien du SESSAD de Bellegarde, un accompagnement pluridisciplinaire partiel a pu être progressivement mis en place ; qu'à tout le moins jusqu'à cette époque, la prise en charge de Geoffrey B ne peut être regardée comme correspondant à la prise en charge d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social prévue par la loi ; que Mme A verse par ailleurs aux débats, notamment, la circulaire AS/EN n° 95-12 du 27 avril 1995 relative à la prise en charge thérapeutique, pédagogique, éducative et à l'insertion sociale des enfants, adolescents et adultes atteints d'un syndrome autistique, indiquant " il est toutefois indéniable que bon nombre de personnes autistes ne bénéficient d'aucune prise en charge en institution et restent trop souvent à la charge de leur entourage, alors même qu'ils sont porteurs de déficiences graves (....) Pour les adolescents de 12 à 18 ans un effort particulier s'impose, la réponse aux besoins de ces classes d'âge étant particulièrement insuffisante. ", et le rapport au parlement prévu par l'article 3 de la loi du 11 décembre 1996 susvisée, qui indique " Avant 1995, les pouvoirs publics n'avaient pas élaboré de doctrine cohérente et formalisée en matière de prise en charge des personnes autistes. Le ministère chargé des affaires sociales percevait bien l'inadaptation des dispositifs existants aux besoins de ces populations, toutefois (...) la coupure existant dans nos législations entre le sanitaire (...) et le social (...) n'a pas non plus encouragé l'organisation de réseaux coordonnés articulant les approches thérapeutiques, éducatives, pédagogiques et d'insertion sociale. " ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, Mme A est fondée à soutenir que la carence de l'Etat dans ce domaine a été constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité, sans que l'administration puisse utilement se prévaloir de l'insuffisance des structures d'accueil existantes ou du fait que des allocations compensatoires sont allouées aux parents d'enfants handicapés, celles-ci visant seulement à aider les parents à assumer les charges particulières liées à l'éducation d'un enfant handicapé et n'ayant pas pour objet de compenser un défaut de prise en charge résultant de la carence de l'Etat, garant du respect des lois ; que l'administration ne saurait davantage faire valoir de façon pertinente que " des efforts financiers et humains ont été mobilisés pour l'enfant sans commune mesure avec ceux habituellement réservés à la prise en charge d'enfants relevant de la CDES " dès lors que les moyens dont la mise en oeuvre est ainsi invoquée ne peuvent être regardés comme ayant abouti à un résultat conforme à l'objectif fixé par le législateur ;

Sur les préjudices :

Considérant, en premier lieu, que l'insuffisance de la prise en charge pluridisciplinaire dont a été victime le jeune Geoffrey B au cours de la période susmentionnée a causé à ce dernier un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en évaluant à la somme de 50 000 euros l'indemnisation due à ce titre ;

Considérant, en deuxième lieu qu'en faisant valoir les difficultés qu'elle décrit, Mme A doit être regardée comme ayant entendu demander la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant des insuffisances fautives de l'Etat ; que Mme A, qui élevant seule ses deux enfants au cours de la période, s'est constamment heurtée aux insuffisances du dispositif médico-social existant et à l'incapacité de la plupart des nombreux interlocuteurs auxquels elle s'est adressée à fournir une réponse adaptée aux besoins spécifiques de son fils, l'un d'entre eux l'invitant notamment à " mesurer le décalage entre [ses] désirs et attentes, on ne peut plus légitimes, et la réalité d'un fonctionnement institutionnel inadapté en l'état aux besoins de [son] fils " ; qu'elle peut prétendre, au titre de la même période, au versement de l'indemnité de 30 000 euros qu'elle demande en réparation de son propre préjudice moral et des troubles qu'elle a subis dans ses conditions d'existence ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en raison des insuffisances dans la prise en charge de son enfant, Mme A a eu recours au service d'une tierce personne pour l'assister à domicile ; qu'estimant qu'à compter du mois de février 2000, le versement du complément de troisième catégorie à l'allocation d'éducation spéciale prévu par l'article L. 541-2 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction alors en vigueur lui avait permis de financer cette intervention, elle demande réparation du préjudice correspondant à la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée d'assumer cette dépense pour la seule période comprise entre le 1er janvier 1999 et le 1er février 2000 ; qu'il y a lieu de lui allouer à ce titre la somme de 7 000 euros qu'elle demande ;

Considérant en quatrième lieu qu'à l'appui de sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice résultant d'une perte de revenus, Mme A fait valoir qu'elle s'est trouvée contrainte d'exercer ses fonctions à 75 % en 1999, puis à mi-temps en 2000 et 2001 ; qu'il résulte de l'instruction que les insuffisances dans une prise en charge adaptée de son fils faisaient obstacle à ce qu'elle puisse continuer à exercer ses fonctions à temps plein ; qu'au vu des éléments produits par l'intéressée, ce chef de préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 18 500 euros ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le défaut de versement à Mme A du complément de troisième catégorie à l'allocation d'éducation spéciale prévu par l'article L. 541-2 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction alors en vigueur est directement lié au défaut de mise en place de la prise en charge définie par le jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité et donc à la carence de l'Etat ; qu'ainsi Mme A, qui ne peut être regardée comme ayant saisi la cour d'un différend sur son droit à la prestation en cause, mais qui estime que le défaut de versement de ladite prestation résulte des insuffisances de l'Etat, impute à juste titre l'absence de versement de ce complément aux carences de l'administration dans la mise en place d'un suivi adapté aux besoins de son fils ;

Considérant toutefois qu'il résulte des conditions posées par l'article L. 541-2 du code de l'action sociale et des familles que ce complément a vocation à aider les parents d'enfants handicapés à assumer les charges particulières liées à l'éducation d'un enfant handicapé lorsque ce handicap leur impose d'avoir recours à une tierce personne rémunérée, ou de cesser leur activité, et a ainsi vocation à compenser, pour partie, les difficultés financières qui en résultent ; que dès lors que le préjudice financier correspondant à la diminution d'activité de Mme A et au recours à une tierce personne rémunérée et résultant de la carence de l'État doit être réparé selon les modalités exposées ci-dessus, elle n'est pas fondée à demander réparation du préjudice correspondant au défaut de versement du complément de troisième catégorie, l'objet de cette prestation étant identique à celui des indemnités auxquelles elle est en droit de prétendre ;

Considérant, en sixième lieu, que si Mme A impute également à la carence de l'Etat la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée de déménager d'un appartement HLM pour une maison individuelle, de contracter des emprunts pour financer les frais engendrés par l'embauche d'une tierce personne à domicile ou de faire appel aux services d'un huissier pour délivrer une sommation interpellative à l'institut médico-pédagogique " Les sapins ", ces divers frais ne peuvent être regardés comme résultant de façon directe et certaine des manquements qui peuvent être imputés à l'Etat dans le respect de ses obligations ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est, dans la mesure exposée ci-dessus, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a refusé de faire droit à sa demande ;

Sur les dépens :

Considérant que la présente instance n'ayant pas entraîné de dépens, les conclusions présentées par Mme A à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 avril 2006 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A en sa qualité de représentante légale de son fils Geoffrey B, majeur protégé, la somme de 50 000 euros.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A la somme de 55 500 euros en réparation de son propre préjudice.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Annie A et au ministre des affaires sociales et de la santé.

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N° 11MA02042 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02042
Date de la décision : 11/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale - Aide sociale aux personnes handicapées.

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Responsabilité - Responsabilité extra-contractuelle - Compétence administrative.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : GOUSSEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-06-11;11ma02042 ?
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