La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/08/2012 | FRANCE | N°10MA01788

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 31 août 2012, 10MA01788


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 7 mai 2010, sous le numéro 10MA01788, présentée pour la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER, représentée par son représentant légal en exercice, dont le siège social est situé 69 rue Paradis à Marseille (13006), par Me Sindres, avocat ;

La SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901862 du 11 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 mai 2009 par laquelle le préfe

t du Gard a refusé de mettre en demeure la société Canagri de régulariser sa si...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 7 mai 2010, sous le numéro 10MA01788, présentée pour la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER, représentée par son représentant légal en exercice, dont le siège social est situé 69 rue Paradis à Marseille (13006), par Me Sindres, avocat ;

La SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901862 du 11 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 mai 2009 par laquelle le préfet du Gard a refusé de mettre en demeure la société Canagri de régulariser sa situation au regard de la législation relative au contrôle des structures agricoles ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée du préfet du Gard ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de mettre en demeure la société Canagri de régulariser sa situation, ou subsidiairement d'instruire à nouveau sa demande, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le code rural ;

Vu le courrier du 17 octobre 2011 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R.611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R.613-1 et le dernier alinéa de l'article R.613-2 ;

Vu l'avis d'audience adressé le 6 juin 2012 portant clôture d'instruction en application des dispositions de l'article R.613-2 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2012 :

- le rapport de Mme Pena, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Brossier, rapporteur public ;

- les observations de Me Camoin de la Selarl Sindres, avocats, pour la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER ;

- et les observations de Me Alain Vidal-Naquet, avocat, pour la société Canagri ;

Considérant que par acte authentique du 10 février 1987, la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER a consenti à la société civile agricole du Canagri un bail rural sur la ferme dite du " Canaverier " comportant différents biens bâtis sur la commune de Saint-Laurent d'Aigouze ; que ce bail, conclu pour une période de 18 ans à compter du 1er janvier 1987, a fait l'objet d'un renouvellement par acte authentique du 26 avril 2004 pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2005 ; que par lettre du 8 avril 2009, la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER a sollicité du préfet du Gard qu'il mette en demeure la société Canagri de régulariser sa situation au regard de la législation relative au contrôle des structures agricoles, arguant du fait que la société preneuse du bail n'avait jamais sollicité l'autorisation d'exploiter à laquelle elle était soumise en application de l'article L.331-2 du code rural ; que par décision du 6 mai 2009, le préfet du Gard a refusé de faire droit à cette demande aux motifs que le renouvellement d'un bail rural ne donne pas lieu à contrôle et que la première mise en valeur n'était plus susceptible de poursuite de la part de l'administration ; que la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER relève appel du jugement du 11 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.331-2 du code rural dans sa version modifiée par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 : " I. - Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures. Ce seuil est compris entre une et deux fois l'unité de référence définie à l'article L.312-5. La constitution d'une société n'est toutefois pas soumise à autorisation préalable, lorsqu'elle résulte de la transformation sans autre modification d'une exploitation individuelle détenue par une personne physique qui en devient associé exploitant ou lorsqu'elle résulte de l'apport d'exploitations individuelles détenues par deux époux qui en deviennent les associés ; (...). 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole : a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle ou a atteint l'âge requis pour bénéficier d'un avantage de vieillesse agricole ; b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant. (...). " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 188-7 du code rural applicable en 1990 : " Lorsqu'il constate qu'un fonds est exploité sans qu'ait été souscrite la demande d'autorisation exigée en application de l'article 188-2, le préfet met en demeure l'intéressé de présenter la demande d'autorisation requise. A défaut de présentation de la demande par l'intéressé dans le délai imparti par la mise en demeure, le préfet transmet le dossier au procureur de la République en vue de l'application des dispositions de l'article 188-9. /Lorsqu'il constate qu'un fonds est exploité en dépit d'un refus d'autorisation d'exploiter devenu définitif, le préfet met en demeure l'auteur de l'infraction de cesser d'exploiter le fonds dans un délai qu'il fixe. Si, à l'expiration de ce délai, l'intéressé n'a pas déféré à la mise en demeure, le préfet transmet le dossier au procureur de la République en vue de l'application des dispositions de l'article 188-9 " ; et qu'aux termes de l'article 188-9-1 du code rural ancien également applicable en 1990 : " I. Toutes les actions, y compris l'action publique, exercées en application du présent titre, se prescrivent par trois ans. Dans tous les cas, la prescription court à partir du jour où a commencé l'exploitation irrégulière ou interdite. (...) " ; que la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 a introduit dans le code rural l'article L.331-7 qui institue en ces termes une sanction administrative : " Lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions du présent chapitre, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois. La mise en demeure mentionnée à l'alinéa précédent prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées. Lorsque l'intéressé, tenu de présenter une demande d'autorisation, ne l'a pas formée dans le délai mentionné ci-dessus, l'autorité administrative lui notifie une mise en demeure de cesser d'exploiter dans un délai de même durée. (...) Si, à l'expiration du délai imparti pour cesser l'exploitation des terres concernées, l'autorité administrative constate que l'exploitation se poursuit dans des conditions irrégulières, elle peut prononcer à l'encontre de l'intéressé une sanction pécuniaire (...). " ;

Considérant qu'il résulte de l'article 22 de la loi du 9 juillet 1999 que les dispositions précitées de l'article L.331-7 du code rural se sont substituées aux dispositions antérieures qui prévoyaient une sanction pénale pour des infractions de même nature ; qu'ainsi, les anciennes dispositions de l'article 188-9-1 devenu par la suite l'article L.331-15 du code rural relatives à la prescription triennale de l'ancienne action pénale ont été abrogées par cette même loi et n'étaient dès lors pas applicables ;

Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'à la date d'entrée en vigueur de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, l'exploitation de la ferme dite du " Canaverier " se poursuivait et qu'eu égard à ses caractéristiques, une autorisation d'exploiter était nécessaire ; que dès lors, l'infraction se poursuivant, le préfet du Gard était tenu, ainsi que la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER le lui avait demandé par lettre du 8 avril 2009, et sans que cela ne porte atteinte à une quelconque exigence constitutionnelle ou conventionnelle, ni à aucun principe général du droit, de mettre en demeure la société civile agricole du Canagri de régulariser sa situation au regard de la législation relative au contrôle des structures agricoles en application du nouveau dispositif de sanction administrative mis en place par l'article L.331-7 du code rural susmentionné ; que la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER est par suite fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et celle de la décision du préfet du Gard en date du 6 mai 2009 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ", et que l'article L.911-2 du même code prévoit : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. "

Considérant que les éléments de fait et de droit relatifs à la situation actuelle de ladite exploitation n'étant pas suffisamment précisés par les pièces du dossier, l'exécution de la présente décision implique uniquement que l'administration procède au réexamen de la demande du 8 avril 2009 ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Gard, de procéder au réexamen de la demande de la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER de mettre en demeure la société Canagri de régulariser sa situation au regard de la législation relative au contrôle des structures agricoles dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER et non compris dans les dépens ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à l'Etat et à la société civile agricole Canagri la somme que ceux-ci réclament au titre des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0901862 du tribunal administratif de Nîmes en date du 11 mars 2010 et la décision du préfet du Gard en date du 6 mai 2009 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gard de réexaminer la demande présentée par la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER la somme de 2 000 (deux mille) euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'Etat et de la société civile agricole Canagri tendant à la condamnation de la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER au paiement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE AGRICOLE DU CANAVERIER, à la Société civile agricole Canagri, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et au préfet du Gard.

''

''

''

''

2

N° 10MA01788

sd


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA01788
Date de la décision : 31/08/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03 Agriculture, chasse et pêche. Exploitations agricoles.


Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: Mme Eleonore PENA
Rapporteur public ?: Mme CHENAL-PETER
Avocat(s) : SELARL SINDRES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-08-31;10ma01788 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award