La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2012 | FRANCE | N°10MA00764

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 21 décembre 2012, 10MA00764


Vu la requête, enregistrée le 23 février 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA00764, présentée pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), dont le siège est à l'Hôtel de Région à Marseille Cedex 20 (13481), par Me Baron ;

La région PACA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600395 du 18 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à payer à la société Cégélec Centre Est la somme de 58 965 euros hors taxes ;

2°) de rejeter la demande de cette société ;
r>3°) de mettre à la charge de la société Cégélec Centre Est la somme de 3 000 euros en application...

Vu la requête, enregistrée le 23 février 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 10MA00764, présentée pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), dont le siège est à l'Hôtel de Région à Marseille Cedex 20 (13481), par Me Baron ;

La région PACA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600395 du 18 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à payer à la société Cégélec Centre Est la somme de 58 965 euros hors taxes ;

2°) de rejeter la demande de cette société ;

3°) de mettre à la charge de la société Cégélec Centre Est la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, ensemble ledit cahier des clauses administratives générales ;

Vu le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Felmy, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,

- et les observations de Me Monod représentant la société Cégélec Centre Est ;

1. Considérant que le syndicat mixte Méditerranée Alpes (SYMA) a conclu, le 7 avril 2003, avec la société anonyme Cégélec Centre Est, un marché portant sur la fourniture et la pose de clôtures le long de la voie ferrée des chemins de fer de Provence, sur une longueur cumulée de 52 km, entre Digne et Nice, pour un montant initial de 580 821 euros hors taxes, soit 694 661,92 euros toutes taxes comprises ; que la maîtrise d'oeuvre de la réalisation des clôtures a été confiée à la société nationale des chemins de fer français (SNCF) - pôle ingénierie de Marseille ; que l'article 3.2.3 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché précise que " Les ouvrages ou prestations faisant l'objet du marché sont réglés par application de prix unitaires et/ou forfaitaires dont le libellé est donné dans le bordereau des prix " ; que selon l'article 1.2 du cahier des clauses techniques particulières applicables au marché, les prestations comprennent " (...) les études d'exécution, les travaux préparatoires (déboisement, débroussaillement), la fourniture des éléments de clôtures tels que poteaux, grillage, l'implantation, la pose de ces éléments, la fourniture et pose des portillons, le raccordement sur les ouvrages existants, les contrôles et essais... " ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'article 3.2 de l'acte d'engagement a fixé le délai d'exécution des travaux à 150 jours à compter de la date fixée par l'ordre de service prescrivant le commencement des travaux ; que par avenant n° 2 du 13 février 2004, le délai d'exécution des travaux a été augmenté de 56 jours, à compter de la date de notification de cet avenant pour prendre en compte les nouveaux travaux demandés et les difficultés rencontrées par l'entreprise pour localiser la fibre optique appartenant à France Télécom ; que les travaux ont fait l'objet d'une réception sans réserve le 15 avril 2004 ; que le SYMA a notifié, le 14 octobre 2004, à la société Cégélec Centre Est le décompte du marché arrêté à la somme de 487 519,77 euros hors taxes ; que cette société a retourné, le 3 novembre 2004, le décompte signé et assorti d'une réserve portant sur le paiement d'une somme de 63 105 euros correspondant au montant du préjudice subi du fait de difficultés imprévisibles rencontrées sur le chantier relatives à la présence de la fibre optique ; que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), venue aux droits du SYMA, interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à payer à la société Cégélec Centre Est la somme de 58 965 euros hors taxes en réparation des préjudices subis du fait des surcoûts liés au repérage et aux fouilles manuelles mis en oeuvre par la société pour localiser le réseau de fibre optique le long de la voie ferrée des chemins de fer de Provence ;

Sur la responsabilité de la région PACA :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 10.11 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux publics : " Les prix sont réputés comprendre toutes les dépenses résultant de l'exécution des travaux (...) A l'exception des seules sujétions mentionnées dans le marché comme n'étant pas couvertes par les prix, ceux-ci sont réputés tenir compte de toutes les sujétions d'exécution des travaux qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s'exécutent ces travaux, que ces sujétions résultent : de phénomènes naturels ; de l'utilisation du domaine public et du fonctionnement des services publics ; de la présence de canalisations, conduites et câbles de toute nature, ainsi que des chantiers nécessaires au déplacement ou à la transformation de ces installations (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution, alors applicable : " Toute personne physique ou morale de droit public ou de droit privé, qui envisage la réalisation sur le territoire d'une commune de travaux énumérés aux annexes I à VII bis du présent décret, doit, au stade de l'élaboration du projet, se renseigner auprès de la mairie de cette commune sur l'existence et les zones d'implantation éventuelles des ouvrages définis à l'article 1er. / Une demande de renseignements doit être adressée à chacun des exploitants d'ouvrages qui ont communiqué leur adresse à la mairie, dès lors que les travaux envisagés se situent dans une zone définie par le plan établi à cet effet, par l'exploitant concerné et déposé par lui auprès de la mairie en application de l'article 3. / Cette demande de renseignements doit être faite par le maître de l'ouvrage ou le maître d'oeuvre, lorsqu'il en existe un, au moyen d'un imprimé (...) " ; qu'aux termes de l'article 10 de ce même décret : " En ce qui concerne les travaux effectués à proximité d'ouvrages énumérés à l'article 1er autres que ceux mentionnés à l'article 9, les exploitants communiquent au moyen du récépissé prévu à l'article 8, sous leur responsabilité et avec le maximum de précisions possible tous les renseignements en leur possession sur l'emplacement de leurs ouvrages existant dans la zone où se situent les travaux projetés et y joignent les recommandations techniques écrites applicables à l'exécution des travaux à proximité desdits ouvrages. / Si les travaux, en raison de leurs conditions de réalisation telles que celles-ci sont précisées dans la déclaration souscrite par l'exécutant, rendent nécessaire le repérage, préalable et en commun, de l'emplacement sur le sol des ouvrages, les exploitants en avisent, au moyen du même récépissé, l'exécutant des travaux afin de coordonner les dispositions à prendre. / Les travaux ne peuvent être entrepris qu'après la communication des indications et recommandations fournies par les exploitants concernés. Toutefois, à défaut de réponse des exploitants concernés dans le délai fixé à l'article 8, les travaux peuvent être entrepris trois jours, jours fériés non compris, après l'envoi par l'exécutant des travaux d'une lettre de rappel confirmant son intention d'entreprendre les travaux." ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 3.2.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Les prix du marché sont hors TVA et sont établis - en tenant compte des sujétions d'exécution particulières suivantes : la réalisation de travaux à proximité de la voie en service commerciale et de circulations routières (...) " ; que l'article 3.4.6 du cahier des clauses techniques particulières relatif aux réseaux mentionne que " Sur l'ensemble de la ligne est implanté un réseau de télécommunication enterré (fibre optique) appartenant à France Télécom, ce réseau est parallèle à la voie ferrée située soit à gauche, soit à droite généralement au niveau de la plate forme. Le titulaire devra prendre toute disposition pour éviter tout dommage sur ce réseau (...) l'entreprise fera son affaire des déclarations à souscrire auprès des concessionnaires. " ; qu'aux termes de l'article 5.5 de l'annexe IV, notice environnement annexé au cahier des clauses techniques particulières : " Le titulaire est tenu de prendre toutes les précautions nécessaires pour prévenir les effets préjudiciables sur les existants " et qu'aux termes de l'article 5.6 de la même annexe : " Les emprises des chantiers et les travaux sont susceptibles d'affecter un certain nombre de réseaux aériens ou souterrains. Le titulaire se conformera aux textes réglementaires en vigueur concernant les travaux à proximité des réseaux et procède aux formalités d'usage auprès des différents concessionnaires concernés... " ; que le bordereau de prix unitaire a prévu que les prix comprennent " (...) d) Les charges de toute nature et les frais inhérents à l'exécution des travaux tels que (...) la protection des ouvrages existants (...) f) Les sujétions et pertes de temps de toute nature, résultant notamment de (...) la présence d'ouvrages divers (...) " ;

6. Considérant que ne peuvent être regardées comme des sujétions techniques imprévues que des difficultés matérielles rencontrées lors de l'exécution d'un marché, présentant un caractère exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise Cégélec Centre Est a été contrainte, du fait de l'imprécision des documents communiqués par France Télécom au sujet de son réseau, d'effectuer des travaux de détection et de fouilles non prévus au marché afin de localiser la fibre optique appartenant à cet exploitant ; que cette difficulté matérielle est à l'origine de la prolongation contractuelle, par avenant n°2, de la durée des travaux, ledit avenant ayant précisé que : " Ce prolongement de délai s'applique sans modification des autres clauses du marché (...) et ne donnera pas lieu à règlement de frais généraux supplémentaires. " ; qu'il résulte des stipulations précitées du CCTP que l'existence de la fibre optique a été signalée par le maître d'ouvrage et que le titulaire du marché devait en tenir compte lors de l'exécution de ses travaux ; qu'en vertu des dispositions précitées du décret du 14 octobre 1991, qui met à la charge de l'exploitant une obligation de communication des renseignements concernant l'emplacement de ses ouvrages situés dans la zone de travaux la plus précise possible, et envisage d'ailleurs le cas d'un éventuel repérage en commun de l'emplacement desdits ouvrages dans le sol avec l'entrepreneur, Cégélec Centre Est a adressé à France Télécom, le 17 juin 2003, une déclaration d'intention de commencement des travaux conformément à un procès verbal de réunion préalable de sécurité du 11 juin 2003 ; que lors d'une réunion le 8 juillet 2003, le représentant de France Télécom n'a mis à disposition de la société Cégélec Centre Est que des plans partiels d'implantation du réseau à l'échelle du 1/1000ème ainsi que des plans de détail pour les zones de passages à niveau sur des voiries importantes et des profils en travers type, la société Cégélec Centre Est étant chargée d'utiliser pour les zones particulières trop imprécises un système de détection léger ; qu'il résulte du compte rendu de la réunion du 4 septembre 2003 que les plans fournis ne permettaient pas de détecter avec une précision suffisante le réseau de fibre optique et qu'au cours de la réunion du 30 septembre suivant, le représentant de France Télécom a indiqué qu'il n'était pas en mesure de proposer une solution fiable du repérage pour les zones enterrées ; que la carence de France Télécom dans la production des plans exacts permettant de localiser son réseau de fibre optique, ainsi qu'en témoignent les interventions répétées, de juillet 2003 à janvier 2004, de toutes les parties auprès de cette entreprise afin d'obtenir la communication des plans de la fibre optique enfouie le long de la voie ferrée, de même que, pour certaines zones, l'absence de doublement des fibres par un filin de continuité de terre permettant leur repérage par détecteur de métaux, obligeant ainsi la société Cégélec Centre Est à procéder par forage manuel, constitue en l'espèce un aléa qui ne pouvait entrer dans la commune intention des parties au moment de la signature du contrat, qui leur est extérieur et présente un caractère exceptionnel, relevant ainsi de sujétions imprévisibles au marché ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Cégélec Centre Est a justifié le surcoût des travaux effectués à 0,54 euro le mètre pour la recherche avec appareil et à 6,50 euros pour la fouille manuelle pour des distances respectives de 21 000 et 7 500 mètres, montant de surcroît validés par la SNCF en sa qualité de maître d'oeuvre ; que ce surcoût n'inclut pas la marge bénéficiaire de l'entreprise ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la région PACA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice l'a condamnée au versement de la somme de 58 965 euros ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Cégélec Centre Est, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la région demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la région PACA la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la région PACA est rejetée.

Article 2 : La région PACA versera à la société Cégélec Centre Est la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et à la société Cégélec Centre Est.

''

''

''

''

N° 10MA00764 2

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00764
Date de la décision : 21/12/2012
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Aléas du contrat - Imprévision.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: Mme MARKARIAN
Avocat(s) : CABINET BARON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-12-21;10ma00764 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award