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14/02/2013 | FRANCE | N°10MA04629

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 14 février 2013, 10MA04629


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 23 décembre 2010, sous le numéro 10MA04629, et le mémoire complémentaire, enregistré le 28 février 2011, présentés pour la SA la Réserve Africaine de Sigean, représentée par le président de son conseil d'administration, dont le siège social est sis RN 9 à Sigean (11130), par le cabinet d'avocats Redon ; la SA la Réserve Africaine de Sigean demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800236 en date du 4 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejet

sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 novembre 200...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 23 décembre 2010, sous le numéro 10MA04629, et le mémoire complémentaire, enregistré le 28 février 2011, présentés pour la SA la Réserve Africaine de Sigean, représentée par le président de son conseil d'administration, dont le siège social est sis RN 9 à Sigean (11130), par le cabinet d'avocats Redon ; la SA la Réserve Africaine de Sigean demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800236 en date du 4 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 novembre 2007 par lequel le préfet de l'Aude a approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation du bassin de la Berre ;

2°) d'annuler totalement ledit arrêté, à défaut, de l'annuler en tant qu'il classe le site de la réserve en zone RI 3 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de statuer sur la zone concernée en tenant compte de l'incompatibilité entre l'activité de l'établissement zoologique recevant du public et la création d'une zone d'expansion des crues, à défaut, de lui enjoindre de requalifier la zone d'expansion des crues en zone de " surinondation " en précisant les servitudes, leur indemnisation et les aménagements nécessaires à la gestion hydraulique de cette zone ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de prendre, dans un délai raisonnable, un arrêté complétant l'arrêté d'approbation du plan annulé afin de déterminer ces mesures manquantes ;

5°) de mettre à la charge de l'État les entiers dépens et la somme de 2 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Charte de l'environnement ;

Vu la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public aux processus décisionnels et l'accès à la justice en matière d'environnement ;

Vu la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 ;

Vu la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003 ;

Vu le décret n°95-1089 du 5 octobre 1995 ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2013 :

- le rapport de M. Revert, rapporteur ;

- les conclusions de M. Massin, rapporteur public ;

- et les observations de Me Redon pour la SA Réserve africaine de Sigean ;

1. Considérant que par le jugement querellé, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la SA La Réserve africaine tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 novembre 2007 par lequel le préfet de l'Aude a approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation du bassin de la Berre ; que la société relève régulièrement appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " I. - L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. II.- Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques, dites "zones de danger", en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ;2° De délimiter les zones, dites "zones de précaution", qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs. " ; que l'article L. 562-3 du même code dispose que " Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l'élaboration du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles. Sont associés à l'élaboration de ce projet les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale concernés. " ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 562-7 de ce code que les conditions d'application de l'article L. 562-3 devaient être précisées par un décret en Conseil d'État, qui n'a été édicté que le 4 janvier 2005 ; qu'en outre, aux termes de l'article 2 du décret du 5 octobre 1995, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté de prescription du plan de prévention des risques naturels : " L'arrêté prescrivant l'établissement d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles détermine le périmètre mis à l'étude et la nature des risques pris en compte ; il désigne le service déconcentré de l'Etat qui sera chargé d'instruire le projet. L'arrêté est notifié aux maires des communes dont le territoire est inclus dans le périmètre ; il est publié au Recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département. " ; que l'article 7 de ce décret ajoute que " Le projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles est soumis à l'avis des conseils municipaux des communes sur le territoire desquelles le plan sera applicable. (...) Tout avis demandé en application des trois alinéas ci-dessus qui n'est pas rendu dans un délai de deux mois est réputé favorable " ;

3. Considérant, d'une part, qu'en dépit des affirmations contraires de la ministre, reprenant celles du préfet de l'Aude en première instance, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du 10 janvier 2000 prescrivant l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation sur le bassin de la Berre ait été notifié aux dix communes comprises dans son périmètre ; que la simple mention, portée sur cet arrêté, qu'il serait l'objet d'une telle notification, n'est pas à elle seule de nature à établir l'accomplissement de cette formalité dont la finalité est de permettre l'association des communes à l'élaboration du plan de prévention des risques destiné à s'appliquer sur leurs territoires ; que s'il résulte du dossier de plan, notamment d'un tableau récapitulatif, que les communes concernées ont été consultées sur le projet de plan avant sa soumission à enquête publique et ont rendu un avis favorable exprès pour la majorité d'entre elles, il ne ressort pas des pièces du dossier que plus de quatre années après la prescription du plan, la satisfaction de cette exigence, distincte de celle qui découle de l'article 2 du décret du 5 octobre 1995, soit propre à ôter audit vice son caractère substantiel ; que par suite, c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 du décret n° 2005-3 du 4 janvier 2005, repris à l'article R. 562-8 du code de l'environnement, et applicable à l'enquête publique en litige: " Le projet de plan est soumis par le préfet à une enquête publique dans les formes prévues par les articles R. 123-6 à R. 123-23, sous réserve des dispositions des deux alinéas qui suivent. Les avis recueillis en application des trois premiers alinéas de l'article R. 562-7 sont consignés ou annexés aux registres d'enquête dans les conditions prévues par l'article R. 123-17. Les maires des communes sur le territoire desquelles le plan doit s'appliquer sont entendus par le commissaire enquêteur ou par la commission d'enquête une fois consigné ou annexé aux registres d'enquête l'avis des conseils municipaux " ; que l'article R. 123-14 du code de l'environnement, reprenant les dispositions de l'article 12 du décret n° 85-453 du 23 avril 1985, dispose quant à lui que : " Un avis portant ces indications à la connaissance du public est, par les soins du préfet, publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés.(...) Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant toute la durée de celle-ci, cet avis est publié par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans chacune des communes désignées par le préfet. Cette désignation porte au minimum sur toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération doit avoir lieu. L'accomplissement de cette mesure de publicité incombe au maire et est certifié par lui " ;

5. Considérant que pour justifier de l'accomplissement de la publication par voie d'affiches de l'avis d'ouverture d'enquête publique, la ministre se prévaut des certificats établis dans les mêmes termes par les maires des dix communes concernées par le projet de plan de prévention, et selon lesquels cet avis a été affiché au plus tard le 24 avril 2006 et pendant toute la durée de l'enquête, aux lieux habituels ; que quatre d'entre eux ont été datés quelques jours avant le début théorique de la période d'affichage et une vingtaine de jours avant le début de l'enquête le 10 mai 2006 ; qu'un quatrième a été établi le jour même du commencement théorique de la période d'affichage cependant qu'un cinquième ne comporte aucune date d'établissement ; qu'ainsi que l'a soutenu l'appelante dès la première instance, de tels certificats, dont il n'est ni établi ni même allégué qu'ils seraient affectés d'une erreur purement matérielle, ne peuvent avoir pour effet de justifier, par anticipation ou sans aucune date d'établissement, de la réalité d'un affichage ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en dépit de la tenue par le commissaire enquêteur de permanences dans quatre communes, dont trois ont établi lesdits certificats non probants et au vu notamment du nombre d'observations recueillies dans chacune d'elles, l'absence d'affichage de l'avis d'ouverture d'enquête public n'ait pas été de nature à nuire à l'information du public et à l'empêcher de présenter des observations ; que dans ces conditions, c'est à tort que le moyen tiré de la publicité insuffisante de l'enquête publique a été écarté par les premiers juges ;

6. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que la Réserve africaine de Sigean, établissement de présentation au public d'animaux de la faune sauvage pour la plupart en semi-liberté, sis lieu-dit " l'oeil de Ca " et créé en 1974, est un établissement à caractère culturel et touristique de quelque 300 hectares, réparti en deux zones, l'une correspondant à la réserve proprement dite et l'autre de protection biologique, et constitué de bâtiments agricoles, de bâtiments liés à la gestion du parc et d'autres liés à l'accueil du public, pour une surface totale de 8596 m², ainsi que d'un parc de stationnement de 1200 places ; qu'il n'est pas contesté que cet établissement peut recevoir jusqu'à 7000 personnes par jour et accueille 88 salariés ; que pourtant, les trois quarts du site de la réserve ont été rangés par le plan de prévention en litige en zone R i3 définie par le règlement comme concernant les secteurs non ou peu urbanisés en zone inondable d'aléa indifférencié qui correspond au champ d'expansion des crues d'origine fluviale ou mixte, et par la note de présentation également comme une zone dépourvue d'enjeux ou présentant des enjeux très isolés, quel que soit l'aléa ; qu'il résulte des différentes cartographies des aléas et des enjeux qu'en dépit de ses infrastructures, de la spécificité de son activité et de sa fréquentation par le public, le site de la Réserve africaine n'a pas été identifié comme un enjeu, ni comme soumis à un aléa déterminé ; que si son rangement en zone Ri 3 peut être regardé comme renvoyant à la zone de précaution au sens des dispositions du 2° de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, un tel classement ne dispensait par le préfet de définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde adaptées qui doivent être prises, dans cette zone, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; que les mesures de protection, de prévention et de sauvegarde contenues dans le règlement de plan, applicables tant aux activités économiques qu'aux équipements à caractère vulnérable dont la liste n'est pas présentée par le document comme limitative, et opposables en principe à la réserve, ne sont pas pour la plupart susceptibles d'y être mises en oeuvre, en l'absence de cote de référence prévue sur le secteur concerné ; qu'en outre, alors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des conclusions du commissaire enquêteur affectées sur ce point d'une réserve, qu'auraient pu être prescrits des travaux d'arasement de la berge de la rive droite du cours d'eau et de création d'un chemin préférentiel d'écoulement de l'eau, de nature à protéger efficacement des risques d'inondation la réserve située sur l'autre rive, le plan de prévention n'a défini aucune mesure relative à l'aménagement des ouvrages existants à la date de son approbation dans le secteur de la réserve, adaptée aux risques d'inondation auxquels elle est exposée ; que par suite, faute de définir de telles mesures adaptées, l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et doit être annulé pour cet autre motif ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA la Réserve africaine est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aude du 15 novembre 2007 approuvant le plan de prévention des risques d'inondation du bassin de la Berre ; qu'il y a donc lieu d'annuler ledit jugement et ledit arrêté ;

Sur la demande d'injonction :

8. Considérant que l'annulation d'un arrêté approuvant un plan de prévention des risques naturels n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il suit de là que les conclusions de l'appelante tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Aude de prendre un arrêté complétant l'arrêté d'approbation du plan de prévention des risques d'inondation annulé et de statuer de nouveau sur le classement de sa parcelle doivent en tout état de cause être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions susvisées et de mettre à la charge de l'État, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société la Réserve africaine et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0800236 du tribunal administratif de Montpellier en date du 4 novembre 2010 est annulé.

Article 2 : L'arrêté en date du 15 novembre 2007 par lequel le préfet de l'Aude a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation du bassin de la Berre est annulé.

Article 3 : L'État versera à la SA la Réserve africaine de Sigean la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêté sera notifié à la SA la Réserve africaine et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

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N° 10MA046292

CB


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA04629
Date de la décision : 14/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. MASSIN
Avocat(s) : REDON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-02-14;10ma04629 ?
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