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22/03/2013 | FRANCE | N°12MA02483

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 22 mars 2013, 12MA02483


Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2012, présentée pour M. C...B..., demeurant..., par MeE... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002370 du 20 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2008 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles son épouse et lui ont été assujettis au titre des années 2006 à 2008 (d'un montant total de 16 570 euros) ou, subsid

iairement, de la quote-part de ces cotisations résultant de l'imposition de ses se...

Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2012, présentée pour M. C...B..., demeurant..., par MeE... ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002370 du 20 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2008 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles son épouse et lui ont été assujettis au titre des années 2006 à 2008 (d'un montant total de 16 570 euros) ou, subsidiairement, de la quote-part de ces cotisations résultant de l'imposition de ses seuls revenus ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le droit de timbre de 35 euros qu'il a acquitté lors du dépôt de la requête ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution et notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu la convention conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 63-817 du 6 août 1963 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mars 2013,

- le rapport de M. Emmanuelli, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant français né à Monaco le 26 juillet 1968, a été imposé à l'impôt sur le revenu en France au titre des années 2006 à 2008 (montant total de 16 570 euros en droits) sur le fondement de l'article 7-1 de la convention conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco ; que M. B...a demandé la décharge des impositions mises à sa charge ; qu'il fait régulièrement appel du jugement en date du 20 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, dans son mémoire ampliatif enregistré au greffe du tribunal administratif de Nice le 23 mars 2012, M. B...a soulevé le moyen tiré de ce que l'interprétation faite par l'administration fiscale de l'article 7-1 de la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963 est contraire au principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt et aux dispositions combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article premier de son premier protocole additionnel ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une omission à statuer ; que le jugement est, pour ce motif, irrégulier et doit être annulé ;

3. Considérant qu'il appartient à la Cour de statuer par la voie de l'évocation sur les demandes présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Nice ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. " ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b) Celles qui exercent en France une activité professionnelle salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. " ; qu'il résulte de ces dispositions que pour qu'un contribuable soit regardé comme fiscalement domicilié..., il suffit qu'il réponde à l'un des trois critères définis par l'article 4 B du code général des impôts précité ;

5. Considérant que M.B..., né à Monaco le 26 juillet 1968, de nationalité française, a résidé de manière continue dans la Principauté, y a installé son foyer, et perçoit, à raison de l'activité qu'il y exerce, des salaires qui constituent sa seule source de revenus ; qu'aucun élément du dossier ne permet, par ailleurs, d'établir qu'il aurait fixé en France le centre de ses intérêts économiques ; qu'il ne peut donc être regardé comme résident français au sens de l'article 4 B précité du code général des impôts ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de la convention du 18 mai 1963 signée par la France et par Monaco, modifiée en matière d'impôt sur le revenu par les avenants du 25 juin 1969 et du 26 mai 2003 : " Dispositions applicables aux personnes physiques et morales françaises. Situation des français transférant leur domicile à Monaco. Article 7.1. - Les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence - ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 - seront assujetties en France à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations que les personnes physiques de nationalité française sont assujetties en France aux impositions qu'elles mentionnent dans les mêmes conditions que si ces personnes avaient leur domicile ou leur résidence, soit lorsqu'elles transportent à Monaco leur domicile ou leur résidence, soit lorsqu'elles n'ont pu justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962, ce qui est le cas si elles sont nées à Monaco après la date marquant le point de départ de cette période de cinq ans ;

7. Considérant que M.B..., né à Monaco après le 13 octobre 1957, ne peut justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 ; qu'il entre donc dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 7-1 de la convention conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco et devait, de ce fait, être assujetti à l'impôt sur le revenu en France dans les mêmes conditions que s'il y avait son domicile ou sa résidence ;

8. Considérant, en troisième lieu, que M. B...entend invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une part, les propos tenus le 24 juillet 1963 par le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères devant l'Assemblée Nationale, lors de la première séance au cours de laquelle était examiné le projet de loi autorisant l'approbation de la convention fiscale franco-monégasque, selon lesquels " les français nés à Monaco ou qui y naîtront continueront à bénéficier de l'immunité fiscale à condition qu'ils aient toujours eu leur résidence habituelle dans la Principauté à l'époque où ils deviendraient imposables " et, d'autre part, les dispositions du paragraphe 47 de l'instruction du 17 juillet 1964, prise pour l'application de la convention fiscale franco-monégasque, qui précise que " la condition du transfert de domicile à Monaco s'oppose à ce que soient considérées comme imposables en vertu du 1er alinéa du paragraphe 1 de l'article 7 les personnes de nationalité française qui sont nées en Principauté et qui y sont établies depuis leur naissance (...) " ; qu'il est constant, toutefois, que M. B...ne peut se prévaloir utilement des propos qui n'émanent pas du ministre responsable de l'administration compétente pour établir l'imposition en litige ; qu'en outre, un contribuable ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une interprétation exprimée dans une instruction qui a été ultérieurement infirmée ; qu'en l'espèce, l'interprétation exprimée dans l'instruction du 17 juillet 1964 a été abandonnée ainsi qu'il ressort, notamment, de la réponse ministérielle à M. D...F..., sénateur, publiée au Journal Officiel du Sénat daté du 2 août 1990 (page 1712) ; qu'enfin, un contribuable ne peut se référer aux interprétations d'une convention internationale données uniquement par les autorités françaises ; qu'en l'espèce, la commune intention des parties, telle qu'elle est révélée par le contexte de la signature de la convention, était non pas d'éviter les doubles impositions mais de tendre à éviter " les situations de double absence d'imposition " ; que la convention fiscale franco-monégasque ne saurait, dès lors, avoir pour objet, ni pour effet, d'accorder un privilège fiscal aux français nés à Monaco après le 13 octobre 1957 ; que la portée conférée par l'administration à l'article 7-1 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 est donc conforme à l'esprit et à l'intention des négociateurs ; qu'elle est, en outre, corroborée par l'échange entre la France et la Principauté de Monaco de lettres interprétatives en date du 26 mai 2003, approuvé par la loi n° 2005-227 du 14 mars 2005, qui régit la situation des enfants mineurs dont les parents ne sont pas imposés en France et qui n'autorise en rien ces derniers à continuer à bénéficier à leur majorité du privilège dont ils disposaient lorsqu'ils étaient rattachés au foyer fiscal de leurs parents ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que M. B...soutient que l'interprétation par l'administration de la convention franco-monégasque porte atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques et que l'égalité devant l'impôt implique que la France impose de la même façon, d'une part, tous les résidents français et, d'autre part, tous les non résidents ; que ce moyen doit être regardé comme dirigé contre la loi du 6 août 1963 autorisant l'approbation de cette convention ; qu'il n'appartient pas, toutefois, au juge administratif de contrôler la conformité à la Constitution d'une disposition de valeur législative en dehors des cas et conditions prévus par le chapitre II bis du titre II de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, relatif à la question prioritaire de constitutionnalité ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; que selon l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ;

11. Considérant qu'un contribuable qui invoque les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées doit établir que des personnes placées dans des situations analogues ou comparables en la matière jouissent d'un traitement préférentiel, et que cette distinction ne trouve aucune justification objective et raisonnable, en rapport avec les buts de la loi ; que, contrairement à ce que soutient M.B..., un français né à Monaco et y résidant depuis sa naissance, imposé à l'impôt sur le revenu en France sur le fondement de l'article 7-1 de la convention conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco, Etats dont la densité des relations se traduit, notamment, par le fait que la République française assure à la Principauté de Monaco la défense de son indépendance et de sa souveraineté et garantit l'intégrité du territoire monégasque dans les mêmes conditions que le sien et par le fait que la Principauté veille à ce que les actions qu'elle conduit dans l'exercice de sa souveraineté s'accordent avec les intérêts fondamentaux de la République française, se trouve dans une situation objectivement différente de celle d'un résident monégasque ressortissant d'un pays autre que la France entretenant des relations économiques et politiques moins denses avec la Principauté de Monaco, et de celle d'un français né et résidant dans un pays étranger autre que la Principauté de Monaco ne bénéficiant pas dans ledit pays d'une absence totale d'imposition directe ; que, par suite, les dispositions de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque ne sont pas discriminatoires au sens des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les demandes de décharge des impositions mises à la charge de M. B...ne sont pas fondées et doivent être rejetées ;

Sur le droit de timbre et l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. B...la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, non plus, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 35 euros, correspondant au montant du timbre dématérialisé acquitté par le requérant ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 20 avril 2012 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Nice et les conclusions d'appel de l'intéressé visant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au remboursement du droit de timbre sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 12MA02483


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA02483
Date de la décision : 22/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-05 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : Mme NAKACHE
Rapporteur ?: M. Olivier EMMANUELLI
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : FONTANA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-03-22;12ma02483 ?
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