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11/06/2013 | FRANCE | N°10MA02802

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 11 juin 2013, 10MA02802


Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2010 sur télécopie confirmée le 23 suivant, présentée par Me E...C...pour M. A...D..., demeurant..., et complétée par un mémoire enregistré le 14 septembre 2010 sur télécopie confirmée le 16 suivant ; M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901231 rendu le 12 mai 2010 par le tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant :

- d'une part, à ce que le contrat dont il bénéficiait soit requalifié en contrat à durée indéterminée ;

- d'autre part à la condamnation de la commune de

Nice à lui verser une indemnité globale de 79 534,40 euros en réparation des préjudices sub...

Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2010 sur télécopie confirmée le 23 suivant, présentée par Me E...C...pour M. A...D..., demeurant..., et complétée par un mémoire enregistré le 14 septembre 2010 sur télécopie confirmée le 16 suivant ; M. D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901231 rendu le 12 mai 2010 par le tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant :

- d'une part, à ce que le contrat dont il bénéficiait soit requalifié en contrat à durée indéterminée ;

- d'autre part à la condamnation de la commune de Nice à lui verser une indemnité globale de 79 534,40 euros en réparation des préjudices subis ;

2°) de condamner la commune de Nice à lui verser une somme de 79 534,40 euros, qui portera intérêts de droit à compter de la date de réception de sa demande préalable, avec capitalisation desdits intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nice la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juillet 1999 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 91-859 du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux spécialisés d'enseignement artistique (musique, danse, arts plastiques) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2013 :

- le rapport de Mme Busidan, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant la SELARL Abeille, pour la commune de Nice ;

1. Considérant que M. A...D..., exerçant comme pianiste au sein du conservatoire national de région de Nice en qualité d'agent non titulaire depuis le 4 novembre 1997, s'est vu proposer sans interruption à partir du 10 septembre 1999 des contrats d'une durée d'un an en qualité d'assistant spécialisé d'enseignement artistique, établis sur le fondement de l'article 3 alinéa 1 de la loi du 26 janvier 1984 ; qu'alors que l'intéressé lui avait demandé la requalification en contrat à durée indéterminée de son engagement et une revalorisation de la rémunération servie, la commune l'a informé, par courrier daté du 28 août 2008, qu'elle prenait acte de son refus de signer le nouveau contrat, d'un an et à temps non complet, qu'elle lui proposait au terme du contrat en cours, et en conséquence, de la fin de ses fonctions le

9 septembre 2008, date d'expiration dudit contrat ; qu'après avoir demandé en vain à la commune de Nice la réparation de divers préjudices, M. D...a saisi le tribunal administratif de Nice d'un recours indemnitaire tendant à la condamnation de ladite commune à lui verser diverses sommes consécutives, selon lui, au refus illégal de la commune de requalifier son contrat en contrat à durée indéterminée ainsi qu'à la rupture abusive de son contrat de travail ; que M. D...interjette appel du jugement rendu le 12 mai 2010 qui a rejeté cette demande ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement en litige a été notifié à M. D...le 29 mai 2010 ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la commune de Nice, la requête de M.D..., enregistrée le 21 juillet 2010 dans le délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, est recevable ;

3. Considérant, en second lieu, que M.D..., qui avait invoqué en première instance le "harcèlement moral" qu'il aurait subi et qui aurait tenu à la précarité de ses conditions d'emploi pendant une dizaine d'années, fait valoir en appel que la responsabilité de l'administration doit également être engagée pour l'avoir recruté pendant dix ans en qualité d'agent non titulaire afin d'occuper un emploi permanent, en violation des dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 ; qu'ainsi, il n'invoque pas de faits générateurs de responsabilité différents de ceux sur lesquels le contentieux a été lié devant les premiers juges ; que, par suite, la commune de Nice n'est pas fondée à soutenir que les conclusions indemnitaires, présentées à titre subsidiaire par le requérant, tendant à ce qu'elle soit condamnée à verser à M. D...une somme de 50 000 euros destinée à réparer les conséquences de l'illégalité de son recrutement, sont nouvelles en appel ;

Sur la régularité du jugement :

4. Considérant, en premier lieu, que les premiers juges ont indiqué que M. D..."ne saurait utilement, en sa qualité d'agent contractuel de droit public, invoquer aucune disposition du droit privé" ; que l'invocation du principe de l'inapplicabilité des règles de droit privé à des agents régis par le droit public est un motif de droit contenant sa propre justification, suffisamment précis pour faire regarder le jugement attaqué comme régulièrement motivé sur ce point ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué résultant du fait que les premiers juges auraient omis d'expliquer en quoi l'invocation des dispositions de droit privé était inopérante, doit être rejeté ;

5. Considérant, en second lieu, qu'à supposer qu'en relevant, d'une part, que

M. D..."ne démontrait l'existence d'aucune faute de nature à engager la responsabilité de la ville de Nice", d'autre part, qu'il avait occupé un emploi permanent en violation des dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, les premiers juges auraient entaché le jugement d'une contradiction de motifs, ce moyen n'est pas de nature à affecter la régularité dudit jugement, mais son bien-fondé ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées à titre principal :

6. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version en vigueur à l'époque des faits, que les collectivités territoriales ne peuvent recruter par contrat à durée déterminée des agents non titulaires que, d'une part, au titre des premier et deuxième alinéas de cet article, en vue d'assurer des remplacements momentanés ou d'effectuer des tâches à caractère temporaire ou saisonnier définies à ces alinéas, et, d'autre part, au titre des quatrième, cinquième et sixième alinéas du même article, lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer certaines fonctions, lorsque, pour des emplois de catégorie A, la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient et, dans les communes de moins de 1 000 habitants, lorsque la durée de travail de certains emplois n'excède pas la moitié de celle des agents publics à temps complet ou pour pourvoir l'emploi de secrétaire de mairie quelle que soit la durée du temps de travail ; qu'aux termes de l'article 15 de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, "(...) II. - Le contrat est, à la date de publication de la présente loi, transformé en contrat à durée indéterminée, si l'agent satisfait, le 1er juin 2004 ou au plus tard au terme de son contrat en cours, aux conditions suivantes : 1° Être âgé d'au moins cinquante ans ; 2° Être en fonction ou bénéficier d'un congé en application des dispositions du décret mentionné à l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ; 3° Justifier d'une durée de services effectifs au moins égale à six ans au cours des huit dernières années ; 4° Occuper un emploi en application des quatrième, cinquième ou sixième alinéas de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée dans une collectivité ou un établissement mentionné à l'article 2 de la même loi" ;

7. Considérant qu'il est constant que M. D...était engagé pour exercer des fonctions de catégorie B, que des fonctionnaires du cadre d'emplois des assistants territoriaux spécialisés d'enseignement artistique étaient susceptibles d'occuper ; que, de ce fait, les fonctions occupées par l'intéressé, quand bien même il résulte de l'instruction qu'elles correspondaient à un emploi permanent, ne pouvaient faire l'objet d'un contrat de recrutement conclu conformément aux dispositions des quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1986, laquelle, dans sa rédaction postérieure à la loi susvisée du 26 juillet 2005 transposant la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, est compatible avec les objectifs de cette directive ; que, pour cette même raison tenant à la catégorie de l'emploi occupé, le contrat dont M. D...disposait ne pouvait être requalifié en contrat à durée indéterminée en application des dispositions de l'article 15-II de la loi du 26 juillet 2005 ; qu'il en résulte que M. D... n'est pas fondé à prétendre qu'en lui refusant un contrat à durée indéterminée, la commune de Nice aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, ni que l'illégalité de ce refus aurait entraîné l'illégalité de la cessation de ses fonctions, qui ne peut être requalifiée en licenciement ; que, par suite, n'établissant pas ces fautes, M. D...n'est fondé à obtenir la réparation d'aucun des préjudices qui leur seraient consécutifs ;

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées à titre subsidiaire :

8. Considérant que, comme il vient d'être dit, M. D...occupait un emploi permanent de catégorie B ; que dès lors, la commune de Nice, en renouvelant pendant neuf ans les contrat à durée déterminée conclus avec M.D..., a laissé perdurer une situation contraire aux dispositions sus-évoquées de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, tout en plaçant l'intéressé dans une situation de précarité ; qu'elle a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'elle en sera toutefois partiellement exonérée en raison de la négligence fautive commise par M.D..., qui n'établit pas s'être présenté au concours de recrutement d'assistant territorial spécialisé d'enseignement artistique, alors que tous les contrats conclus avec la commune comportaient une mention l'invitant à le faire ; que, dans ces conditions, si M. D... n'est pas fondé à prétendre que la faute précitée aurait directement entraîné un préjudice financier dû à une minoration de la rémunération servie pendant le temps qu'il a été employé par la commune de Nice, il résulte de l'instruction que ladite faute est à l'origine directe d'un préjudice moral subi par l'intéressé ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'indemnité due à ce titre en l'évaluant à la somme de 5 000 euros, tous intérêts compris à la date du présent arrêt ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté l'ensemble de ses conclusions indemnitaires ; qu'ainsi, il y a lieu pour la Cour d'annuler le jugement attaqué et de condamner la commune à lui verser une indemnité totale de 5 000 euros ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Nice la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. D...dans l'instance et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions que la commune de Nice présente au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement rendu le 12 mai 2010 par le tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La commune de Nice est condamnée à verser à M. D...la somme de 5 000 (cinq mille) euros, tous intérêts confondus au jour du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. D...la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. D...et par la commune de Nice est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et à la commune de Nice.

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N° 10MA028022


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA02802
Date de la décision : 11/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Nature du contrat.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : CABINET OLIVIER COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-06-11;10ma02802 ?
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