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07/11/2013 | FRANCE | N°11MA02570

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 07 novembre 2013, 11MA02570


Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2011, présentée pour M. B... D..., demeurant..., par la SCP Mary et Paulus ; M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701217 du 17 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, en premier lieu, à l'annulation de la décision du 5 janvier 2007 par laquelle le Premier ministre lui a refusé le bénéfice du dispositif d'aide financière instauré par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victime

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Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2011, présentée pour M. B... D..., demeurant..., par la SCP Mary et Paulus ; M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701217 du 17 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, en premier lieu, à l'annulation de la décision du 5 janvier 2007 par laquelle le Premier ministre lui a refusé le bénéfice du dispositif d'aide financière instauré par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la deuxième guerre mondiale, en deuxième lieu, à ce qu'il soit enjoint audit ministre, en application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative d'indemniser l'intéressé en application des dispositions du décret du 27 juillet 2004 en lui accordant une rente viagère de 457,35 euros par mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance, subsidiairement d'ordonner au ministre de prendre une nouvelle décision ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...........................

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la mise en demeure adressée le 16 mai 2013 au Premier ministre, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le courrier enregistré le 20 septembre 2013, par lequel l'avocat de M. D...indique qu'aucun changement n'est intervenu dans sa situation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004, instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la deuxième guerre mondiale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me C...E..., pour M. D... ;

1. Considérant que M. D...relève appel du jugement du 17 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 janvier 2007 par laquelle le Premier ministre lui a refusé le bénéfice du dispositif d'aide financière instauré par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la deuxième guerre mondiale ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2004 susvisé : " Toute personne, dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. Ce régime bénéficie également aux personnes, mineures de moins de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code. " ; qu'aux termes de l'article L. 274 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les personnes arrêtées et exécutées pour actes qualifiés de résistance à l'ennemi sont considérées comme internés résistants, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori si elles ont été exécutées sur-le-champ. " ; que le bénéfice du régime en cause qui a vocation à réparer spécifiquement l'extrême inhumanité des persécutions et des crimes nazis est subordonné à la condition que les victimes aient été appréhendées avant d'être exécutées ;

3. Considérant que pour refuser à M. D...l'aide financière dont il sollicitait le bénéfice, le Premier ministre lui a indiqué que son père était décédé le 3 juillet 1944 à Portet au cours d'opérations de guerre et qu'il avait ainsi disparu dans des circonstances qui ne correspondent pas à celles prévues par les dispositions susmentionnées ;

4. Considérant que les pièces du dossier font en effet apparaître que M. A...D...appartenait aux forces françaises de l'intérieur et qu'il a trouvé la mort le 3 juillet 1944, dans des circonstances relatées par le maire de Portet de la façon suivante : " Dans la matinée du 3 juillet les Allemands attaquèrent en force et cernèrent le village. Les jeunes du maquis se défendirent de leur mieux, mais, peu armés et peu instruits, ils durent céder devant la force. La plus grande partie réussissent à s'échapper dans les bois, les landes, certains dans les granges. Malheureusement 19 furent tués par les boches sur le territoire de la commune, dont votre mari. 47 furent faits prisonniers, amenés à Pau et fusillés le surlendemain, après avoir subi les pires tortures. Voilà Madame le résumé de cette triste journée au cours de laquelle furent tués 5 habitants du lieu dont trois carbonisés et dix maisons incendiées. " ; que le ministre a produit, devant les premiers juges, à l'appui de sa décision, un document manuscrit dont il n'a indiqué ni la nature, ni la provenance, ni la date, intitulé " état des crimes de guerre commis par les allemands à Portet le 3 juillet 1944 ", qui recense 19 noms et mentionne 4 corps non identifiés et dont la rubrique " circonstance du crime " fait apparaître " tué en combattant " en regard du nom de M. D... ; que, toutefois, l'acte de décès de M. D...établi le 30 juin 1945, s'il porte la mention " mort pour la France ", indique qu'il a été dressé " sur la déclaration de Jean Marautet, instituteur, trente trois ans, domicilié... " ; que cet acte d'état civil mentionne que le père de M. D...a été fusillé ; qu'une telle exécution implique nécessairement qu'il avait préalablement été arrêté au cours de cette opération d'une extrême brutalité durant laquelle plusieurs victimes civiles ont péri carbonisées dans leur maison ; qu'eu égard à cette indication et dans les circonstances de l'espèce, la disparition de M. D... doit être regardée comme ayant eu lieu dans des circonstances sans rapport avec les lois classiques de la guerre et qui répondent au critère posé par les auteurs du décret du 27 juillet 2004, qui vise à réparer les actes de barbarie commis par les Allemands ; que M. D...est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le Premier ministre a estimé qu'il n'entrait pas dans les prévisions du dispositif ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article 5 du décret susvisé : " En cas de décision favorable, la rente viagère est versée à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel la demande a été reçue. Elle cesse d'être versée le dernier jour du mois au cours duquel le bénéficiaire décède. /Le versement de l'indemnité en capital intervient dans le trimestre suivant celui au cours duquel la décision accordant la mesure de réparation a été prise. /Le paiement des rentes viagères et des indemnités en capital est assuré par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui reçoit à cet effet des crédits du budget des services généraux du Premier ministre. "

7. Considérant que la présente décision, qui annule pour un motif de fond le rejet de la demande présentée par M. D...implique nécessairement, dès lors qu'il résulte de l'instruction que l'intéressé remplissait par ailleurs l'ensemble des conditions pour y prétendre et qu'aucun changement dans les circonstances de fait n'est intervenu, que le bénéfice de la mesure lui soit accordé ; que M. D...ayant présenté sa demande dès le 25 avril 2003, avant même la création du dispositif institué par le décret du 27 juillet 2004, il ne saurait y être fait droit à compter du premier jour du mois suivant la réception de sa demande, mais à compter du premier jour du mois suivant la publication du décret, soit le 1er août 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0701217 rendu le 17 mai 2011 par le tribunal administratif de Nice et la décision du Premier ministre en date du 5 janvier 2007 refusant d'allouer à M. D... l'aide financière instituée par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre d'accorder à M.D..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, l'aide financière instituée par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004, sous forme de rente viagère, à compter du 1er août 2004, revalorisée dans les conditions posées par l'article 2 de ce décret.

Article 3 : L'Etat versera à M. D...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...et au Premier ministre.

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N° 11MA02570


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA02570
Date de la décision : 07/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

69-02-01-02 Victimes civiles de la guerre. Questions propres aux différentes catégories de victimes. Déportés et internés résistants. Internés résistants.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SCP MARY et PAULUS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-11-07;11ma02570 ?
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