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25/04/2014 | FRANCE | N°12MA03193

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 25 avril 2014, 12MA03193


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 27 juillet 2012, sous le numéro 12MA03193, présentée pour la commune de Lattes, représentée par son maire en exercice, par Me C... ;

La commune de Lattes demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203053 du 13 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 10 juillet 2012 par lequel le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault a mis en demeure les occupants sans titre appartenant à la communauté des gens du vo

yage de quitter le terrain situé sur la commune de Lattes dans un délai de vin...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 27 juillet 2012, sous le numéro 12MA03193, présentée pour la commune de Lattes, représentée par son maire en exercice, par Me C... ;

La commune de Lattes demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203053 du 13 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 10 juillet 2012 par lequel le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault a mis en demeure les occupants sans titre appartenant à la communauté des gens du voyage de quitter le terrain situé sur la commune de Lattes dans un délai de vingt-quatre heures ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E...et la communauté des gens du voyage devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de M. E...et de la communauté des gens du voyage une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage modifiée par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 ;

Vu la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2014 :

- le rapport de Mme Pena, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Marzoug, rapporteur public ;

- et les observations de Me F...de la SCP Vinsonneau-Palies Noy Gauer et Associés, pour la commune de Lattes ;

1. Considérant que par arrêté du 10 juillet 2012 pris en application des articles 9 et 9-1 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, le préfet de l'Hérault a mis en demeure les occupants stationnant illégalement sur le parcours de santé de Bonneterre sur la commune de Lattes en dehors de l'aire de grand passage, de quitter ce site dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa notification ; que la commune de Lattes relève appel du jugement du 13 juillet 2012 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a, à la demande de M. E...et de membres de la communauté des gens du voyage, annulé ledit arrêté ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ;

Sur le bien fondé du jugement :

3. Considérant qu'en application de l'article 2 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, les communes figurant au schéma départemental d'accueil des gens du voyage sont tenues de participer à sa mise en oeuvre en mettant à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d'accueil, aménagées et entretenues ; et qu'aux termes de l'article 9 de cette même loi : " I. - Dès lors qu'une commune remplit les obligations qui lui incombent en application de l'article 2, son maire (...) peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d'accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l'article 1er (...) / II. - En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. / La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique. / La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. (...) ; / Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effets dans le délai fixé et n'a pas fait l'objet d'un recours dans les conditions fixées au II bis, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que l'édiction par le préfet d'une mise en demeure aux gens du voyage de quitter les lieux dans le délai qu'il détermine est subordonnée d'une part, à l'existence d'une ou plusieurs aires d'accueil aménagées pour le stationnement des résidences mobiles mentionnées à l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000, d'autre part, à la condition que le stationnement en cause soit de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Lattes dispose sur son territoire d'une aire de grand passage d'une surface d'environ 15.000 m² dite " aire de Saporta ", mise en fonction en application d'un arrêté municipal du 9 août 2007 et approuvée en tant que telle par les services compétents de l'Etat le 24 juillet 2007 comme pouvant accueillir jusqu'à cent cinquante caravanes ; que si, pour annuler l'arrêté litigieux, le magistrat désigné du tribunal a considéré que les éléments notamment apportés à la barre par les différentes parties permettaient de considérer que cette aire avait subi d'importantes dégradations au cours d'une précédente occupation durant l'hiver 2011-2012 et que le réseau de distribution d'eau potable en avait notamment été gravement affecté, les pièces du dossier et en particulier un procès-verbal de constat d'huissier en date du 16 juillet 2012 produit par la commune ne permettent pas de tenir pour établies de telles allégations ; qu'il ressort ainsi notamment de ce procès-verbal que le terrain est raccordé au réseau d'eau potable sur deux points situés aux angles du terrain avec au total la possibilité de douze robinets, que deux bornes incendies sont également présentes et que le terrain est également raccordé au réseau d'eau usées de la ville avec regard accessible et raccordement sur plateforme béton ; qu'en outre, aucune des déclarations faites par M. E...aux agents de police judiciaire le 9 juillet 2012 ou le jour même de la notification de l'arrêté contesté, lesquelles sont retranscrites dans des procès-verbaux versés au débat, ne font état d'un quelconque dysfonctionnement du réseau d'eau potable ; que par suite, l'aire de grand passage de la commune de Lattes peut être regardée comme une aire d'accueil aménagée au sens de la loi ; que c'est par suite à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a considéré que la commune ne disposait pas d'une telle aire pour annuler l'arrêté préfectoral contesté ;

6. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...et les membres de la communauté des gens du voyage devant le tribunal administratif de Montpellier ;

7. Considérant en premier lieu que l'arrêté du 10 juillet 2012 vise les textes dont il est fait application et comporte, ainsi qu'il a été dit, les motifs qui en constituent le fondement, lesquels sont au demeurant particulièrement détaillés et circonstanciés ; qu'il répond ainsi, en la forme, aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;

8. Considérant en deuxième lieu que M. D...B..., sous-préfet et directeur de Cabinet, a régulièrement reçu délégation de signature par arrêté n° 2012-I-1270 du 4 juin 2012 publié au recueil des actes administratifs ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté ;

9. Considérant en troisième lieu que l'article 1er de l'arrêté litigieux mentionne que les occupants stationnant illégalement sur le parcours de santé de Bonneterre sont mis en demeure de quitter les lieux dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa notification, ce qui correspond au délai légal minimum ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse n'aurait fixé aucun délai doit être écarté comme manquant en fait ;

10. Considérant en quatrième lieu que l'arrêté du 10 juillet 2012 a été pris aux motifs que le parcours de santé sur lequel se sont stationnées environ quatre-vingt-dix caravanes n'est équipé d'aucun moyen nécessaire à l'évacuation des eaux usées, que cette zone n'est pas répertoriée pour le ramassage des ordures ménagères, que l'alimentation en eau a été prise sur une borne incendie en passant par la toiture du domicile d'un particulier, que le passage répété des véhicules détériore le merlon de protection hydraulique du chenal de la Lironde, que sa fragilisation peut l'empêcher en cas d'inondation de jouer son rôle, que le stationnement des véhicules risque d'entraîner des dégâts irrémédiables sur le système d'irrigation du site et que l'occupation du parcours de santé de Bonneterre en période estivale pénalise l'ensemble des habitants et touristes censés bénéficier de cet équipement ; que ces éléments, qui ne sont en aucune manière contredits par les occupants, sont à l'inverse corroborés par les constatations résultant du procès-verbal de constat du 16 juillet 2012, lequel fait également état de dépôts d'ordures ménagères entreposées à même le sol à l'entrée de la digue et de la présence d'un générateur permettant le raccordement électrique se trouvant à même la digue du chenal ; que dans ces conditions, le stationnement des gens du voyage était de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité et la tranquillité publiques ; que dès lors, le préfet de l'Hérault n'a commis aucune erreur d'appréciation ;

11. Considérant en cinquième et dernier lieu qu'il ressort des différents procès-verbaux produits au dossier que les membres de la communauté des gens du voyage ont été invités à diverses reprises, par l'intermédiaire des agents de police judiciaire, à aller installer leur campement sur l'aire de grand passage qui leur est à ce titre dédiée ; qu'il est constant que ceux-ci ont toujours refusé ; que dans ces conditions, M. E...et les membres de la communauté qu'il représente ne sont pas fondés à soutenir qu'aucune solution alternative de relogement ne leur aurait été proposée ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lattes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté de mise en demeure du préfet de l'Hérault en date du 10 juillet 2012 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E...et des membres de la communauté des gens du voyage la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Lattes, au titre desdites dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le tribunal administratif de Montpellier en date du 13 juillet 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E...et les membres de la communauté des gens du voyage devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : M. E...et les membres de la communauté des gens du voyage verseront à la commune de Lattes une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié la commune de Lattes, à M. A...E...et aux membres de la communauté des gens du voyage et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault.

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N° 12MA03193

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA03193
Date de la décision : 25/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Eleonore PENA
Rapporteur public ?: Mme MARZOUG
Avocat(s) : SCP VINSONNEAU-PALIES NOY GAUER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-04-25;12ma03193 ?
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