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06/05/2014 | FRANCE | N°12MA02398

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 06 mai 2014, 12MA02398


Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2012, présentée pour M. C... E..., Mme B... E... et Mme F... E..., demeurant..., par Me D... ;

M. C... E..., Mme B... E...et Mme F... E...demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1001889 du 11 avril 2012 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à verser à eux trois la somme de 25 964 989,91 euros, à Mme B... E...la somme de 175 000 euros et à M. C... E...et Mme F... E...la somme chacun de 150 000 euros, outre les in

térêts au taux légal pour chacune de ces indemnités, en réparation des pré...

Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2012, présentée pour M. C... E..., Mme B... E... et Mme F... E..., demeurant..., par Me D... ;

M. C... E..., Mme B... E...et Mme F... E...demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1001889 du 11 avril 2012 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à verser à eux trois la somme de 25 964 989,91 euros, à Mme B... E...la somme de 175 000 euros et à M. C... E...et Mme F... E...la somme chacun de 150 000 euros, outre les intérêts au taux légal pour chacune de ces indemnités, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subi du fait de leur rapatriement d'Algérie ;

2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire au tribunal, à titre subsidiaire, de faire droit à leur demande de condamnation présentée en première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer ;

Vu la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2014 :

- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour les consortsE... ;

1. Considérant que M. C...E..., Mme B...E...et Mme F...E...défèrent à la Cour l'ordonnance du 11 avril 2012 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande d'indemnisation dirigée contre l'Etat en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subi du fait de leur rapatriement d'Algérie en 1962 ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant, en premier lieu, que, dans leurs écritures de première instance, les requérants ont soutenu que, compte tenu de la défaillance de l'Etat algérien dans l'indemnisation des ressortissants français rapatriés d'Algérie, il incombait à l'Etat français soit de saisir la Cour internationale de justice afin de contraindre l'Etat algérien à respecter ses engagements internationaux, soit d'indemniser lui-même intégralement les rapatriés et de se subroger dans leurs droits à l'égard de l'Etat algérien ; qu'ils en concluaient qu'en s'abstenant d'entreprendre l'une ou l'autre de ces démarches, l'Etat français avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité et leur ouvrant droit à réparation ;

3. Considérant que, si l'ordonnance attaquée a rejeté la demande indemnitaire fondée sur le refus de la France de saisir la Cour internationale de justice au motif que cette décision n'était pas détachable de la conduite par l'Etat français de ses relations internationales, contrairement à ce que soutiennent les consorts E...elle n'a pas rejeté la demande fondée sur le refus de la France de suppléer la carence de l'Etat algérien pour ce motif mais sur celui tiré, en application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, de ce que le moyen invoqué n'était assorti d'aucun fait susceptible de venir manifestement à son soutien ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier aurait rejeté, à tort, leur demande indemnitaire fondée sur le refus de la France de suppléer la carence de l'Etat algérien en indemnisant lui-même les rapatriés, comme ne relevant pas de la compétence du juge administratif ;

4. Considérant qu'une ordonnance rejetant une requête sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative la rejette comme non fondée et non comme irrecevable ; que, par suite, à supposer que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ait fait application, à tort, de ces dispositions pour rejeter les demandes indemnitaires des requérants, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de l'ordonnance attaquée ;

Sur la responsabilité pour faute de l'Etat :

5. Considérant que les consorts E...soutiennent, en premier lieu, que l'Etat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne prévoyant pas, lors de la négociation des accords d'Evian, d'une part une période de transition suffisante pour leur permettre de préparer leur retour dans des conditions acceptables, d'autre part des garanties juridictionnelles efficaces pour faire valoir leurs droits à indemnisation auprès des autorités algériennes ;

6. Considérant, toutefois, que les décisions, choix ou compromis arrêtés ou acceptés par les autorités françaises lors de la négociation des accords d'Evian, quant au contenu et aux modalités d'application de ces accords, ne sont pas détachables de l'action menée par l'Etat français en vue de l'accession d'un nouvel Etat à l'indépendance ; que, par suite, il n'appartient pas aux juridictions administratives de connaître des conséquences dommageables de ces décisions, choix ou compromis ; qu'il suit de là que les requérants ne peuvent utilement faire valoir que les dispositions de l'article L. 213-2 du code du patrimoine les empêcheraient d'avoir accès aux archives des pourparlers ayant conduit aux accords d'Evian et d'appuyer leurs prétentions indemnitaires sur les documents relatifs à ces pourparlers ; qu'eu égard au motif de l'ordonnance susvisée du 27 septembre 2013 refusant de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par les requérants, le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de ces dispositions législatives doit également être écarté ;

7. Considérant, en second lieu, que l'article 4 de la loi susvisée n° 61-1439 du 26 décembre 1961 prévoyait qu'une loi distincte devait fixer, en fonction des circonstances, le montant et les modalités d'une indemnisation en cas de spoliation et de perte définitivement établies des biens appartenant aux Français ayant dû ou estimé devoir quitter, par suite d'événements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ; que les consorts E...soutiennent que l'Etat français aurait manqué à sa promesse en s'abstenant d'adopter cette loi et aurait ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

8. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 4 de la loi du 26 décembre 1961 que le législateur a entendu renvoyer le choix de la date et des modalités d'intervention du dispositif d'indemnisation annoncé à une appréciation ultérieure de leur opportunité " en fonction des circonstances " ; qu'un tel dispositif a été institué par la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ; que, si les requérants font valoir que l'indemnisation prévue par cette loi est demeurée partielle, l'article 4 de la loi du 26 décembre 1961 n'a nullement posé le principe d'une réparation intégrale, outre que des indemnisations complémentaires ont été accordées par la loi n° 78-1 du 2 janvier 1978 relative à l'indemnisation des Français rapatriés d'outre-mer dépossédés de leurs biens et la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ; qu'il n'appartient pas au juge administratif de se substituer au Parlement pour apprécier si les " circonstances " auxquelles renvoie l'article 4 de la loi du 26 décembre 1961 justifiaient l'intervention, à une date antérieure et selon d'autres modalités, du régime d'indemnisation prévu ; que l'adoption par les autorités algériennes le 29 août 2010 d'une ordonnance interdisant toute restitution des biens que l'Etat algérien s'est approprié et qu'il a ensuite cédés à ses ressortissants, est sans incidence sur les obligations de l'Etat français à l'égard de ses propres ressortissants ; qu'il s'ensuit que la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée pour promesse non tenue du fait de la non-intervention du texte de loi évoqué à l'article 4 de la loi du 26 décembre 1961 ;

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat :

9. Considérant, en premier lieu, que les préjudices subis par les consortsE..., qui ne trouvent pas leur origine directe dans le fait de l'Etat français, ne sauraient engager la responsabilité de ce dernier sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques ;

10. Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les accords d'Evian ont prévu des mesures de protection de la personne et des biens des ressortissants français installés en Algérie ; que, dès lors, les consorts E...ne sont pas fondés à soutenir que l'Etat français, en ne prenant aucune précaution pour garantir leurs intérêts lors de l'accession de l'Algérie à l'indépendance, les auraient exposés à un risque exceptionnel leur ouvrant droit à réparation ; que le non-respect ultérieur par l'Etat algérien de ses engagements, allégué par les consortsE..., n'est pas imputable à l'Etat français et n'est donc pas susceptible d'engager sa responsabilité ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...E..., Mme B... E... et Mme F...E...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également leurs conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête des consorts E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à Mme B...E..., à Mme F... E...et au ministre des affaires étrangères et du développement international.

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N° 12MA02398

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA02398
Date de la décision : 06/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Outre-mer - Aides aux rapatriés d'outre-mer.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Faits n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique - Faits émanant d'une autorité étrangère.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Faits n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique - Actes de gouvernement.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité fondée sur l'égalité devant les charges publiques.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité fondée sur le risque créé par certaines activités de puissance publique - Responsabilité fondée sur l'obligation de garantir les collaborateurs des services publics contre les risques que leur fait courir leur participation à l'exécution du service.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Promesses.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SOULAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-05-06;12ma02398 ?
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