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02/06/2014 | FRANCE | N°11MA03606

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Chambres réunies, 02 juin 2014, 11MA03606


Vu, sous le numéro 11MA03606, la requête, enregistrée le 5 septembre 2011, présentée pour la société à responsabilité limitée Aménagement Services, prise en la personne de son gérant, domicilié..., par Me B... ;

la société Aménagement Services demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0901448, 0902851 et 1001382 du 28 juin 2011 du tribunal administratif de Nice rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 18 février 2010 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a exclue du marché d'intérêt national de Nice avec retra

it de son contrat d'occupation ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2010 ;

3°) de...

Vu, sous le numéro 11MA03606, la requête, enregistrée le 5 septembre 2011, présentée pour la société à responsabilité limitée Aménagement Services, prise en la personne de son gérant, domicilié..., par Me B... ;

la société Aménagement Services demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0901448, 0902851 et 1001382 du 28 juin 2011 du tribunal administratif de Nice rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 18 février 2010 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a exclue du marché d'intérêt national de Nice avec retrait de son contrat d'occupation ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2010 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2014 :

- le rapport de M. Thiele, rapporteur,

- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

- les observations de Me A...pour la société Aménagement Services,

- et les observations de Me C...pour la société Sominice et la métropole Nice-Côte d'Azur ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 28 mai 2014, présentée pour la société Aménagement Services, par MeB... ;

1. Considérant que, le 18 mai 2005, la société Aménagement Services a conclu avec la société d'économie mixte pour la construction et la gestion des marchés d'intérêt national de Nice (Sominice), gestionnaire des marchés d'intérêt national de Nice, une convention d'occupation autorisant la société à exploiter, dans des locaux situés dans l'enceinte du marché et sur le domaine public de la commune de Nice, une activité de transport et de recyclage d'emballages et de palettes ; que, par décision du 18 février 2010, le préfet des Alpes-Maritimes, faisant usage du pouvoir de sanction prévu par l'article R. 761-19 du code de commerce, a exclu la société Aménagement Services du marché et retiré le contrat d'occupation dont celle-ci était titulaire, au motif que la société avait violé les articles 3, 12 et 14 de la convention d'occupation du 18 mai 2005, ainsi que les articles 9, 15 et 29 du règlement intérieur du marché d'intérêt national ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a, notamment, rejeté la demande de la société Aménagement Services tendant à l'annulation de cet arrêté ; que la société Aménagement Services doit être regardée comme sollicitant l'annulation du jugement seulement en ce qu'il statue sur sa demande enregistrée sous le numéro 1001382 ;

Sur l'intervention :

2. Considérant que la métropole Nice-Côte d'Azur, qui a repris en régie le marché d'intérêt national à compter du 1er janvier 2011, a intérêt au maintien du jugement et de la décision attaqués ; que son intervention en défense, au soutien des conclusions du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, doit donc être admise ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : " (...) La loi détermine les principes fondamentaux (...) des obligations civiles et commerciales (...) " ; que ces dispositions réservent à la loi la détermination des principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales, parmi lesquels figure la liberté contractuelle ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-10 du code de commerce, issu d'une disposition de l'ordonnance n° 58-766 du 25 août 1958 tendant à compléter le décret n° 53-959 du 30 septembre 1953 relatif à la création d'un réseau de marchés d'intérêt national : " (...) L'organisation générale des marchés d'intérêt national est déterminée par décret en Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 761-11 du même code, issu d'une disposition de la même ordonnance, modifiée par l'ordonnance n° 67-808 du 22 septembre 1967 portant modification et codification des règles relatives aux marchés d'intérêt national : " Le préfet exerce les pouvoirs de police dans l'enceinte du marché d'intérêt national. Dans l'étendue du périmètre de référence, il veille à l'application des lois et règlements intéressant le marché et dénonce, à cet effet, au procureur de la République les infractions commises (...) " ;

5. Considérant que l'article R. 761-22 du code de commerce, issu de l'article 21 du décret n° 2005-1595 du 19 décembre 2005 relatif aux marchés d'intérêt national, prévoit que " l'autorisation de s'établir sur le marché d'intérêt national est donnée par le gestionnaire " ; que l'article R. 761-19 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 18 du même décret, dispose que : " Les usagers peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires pour infraction aux règles qui régissent le marché. L'intéressé doit être mis à même de présenter ses observations, dans les conditions prévues à l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. / Ces sanctions sont : (...) 5° L'exclusion comportant, s'il y a lieu, retrait du contrat d'occupation. / (...) La suspension et l'exclusion sont prononcées par le préfet chargé de la police du marché, après avis du conseil de discipline. " ;

6. Considérant qu'il est loisible au gestionnaire d'un marché d'intérêt national, chargé d'attribuer les autorisations d'occupation privative en application de l'article R. 761-22 du code de commerce, de conclure avec les usagers du marché des conventions d'occupation, comme le prévoyait d'ailleurs l'article 8 du règlement intérieur-type des marchés d'intérêt national approuvé par l'arrêté du 14 mars 1969 en vigueur à la date d'approbation du règlement du marché d'intérêt national de Nice et ultérieurement abrogé par arrêté du 13 janvier 2006 ; qu'en pareille hypothèse, la sanction d'exclusion prononcée par le préfet, exerçant les pouvoirs de police dans l'enceinte du marché, comporte, ainsi que le prévoit le 5° de l'article R. 761-19 du code de commerce, le retrait du contrat d'occupation ;

7. Considérant qu'un tel pouvoir de sanction, qui permet au préfet de retirer une convention légalement conclue entre, d'une part, la collectivité territoriale - ou l'établissement public de coopération intercommunale - gestionnaire du marché ou son délégataire et, d'autre part, une personne privée, et portant sur l'occupation d'une dépendance du domaine public de la collectivité territoriale, porte atteinte à la liberté de contracter, alors même que le préfet est investi, de par la loi, des pouvoirs de police dans l'enceinte des marchés d'intérêt national et que les conventions dont s'agit associent en règle générale et, comme c'est le cas en l'espèce, une personne de droit public et une personne de droit privé ; qu'en application des dispositions précitées de l'article 34 de la Constitution, ce pouvoir ne pouvait être attribué au préfet qu'en vertu d'une disposition législative suffisamment précise ;

8. Considérant que ni les dispositions précitées des articles L. 761-10 et L. 761-11 du code de commerce, ni aucune autre disposition législative n'habilitaient le pouvoir réglementaire à édicter une telle disposition ; que, dès lors, les auteurs du décret du 19 décembre 2005 n'ont pu, sans excéder leur compétence, prévoir une telle sanction ; qu'il en résulte que la société Aménagement Services est fondée à exciper de l'inconstitutionnalité du 5° de l'article R. 761-19 du code de commerce, qui constitue la base légale de la décision du 18 février 2010 ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Aménagement Services est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 février 2010, qui prononce, de manière indivisible, l'exclusion du marché et le " retrait " du contrat ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la société Aménagement Services, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société Aménagement Services au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la métropole Nice-Côte d'Azur est admise.

Article 2 : Le jugement du 28 juin 2011 du tribunal administratif de Nice statuant sur les requêtes nos 0901448, 0902851 et 1001382 est annulé en tant qu'il rejette la demande de la société Aménagement Services tendant à l'annulation de la décision du 18 février 2010 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes l'a exclue du marché d'intérêt national de Nice avec retrait de son contrat d'occupation.

Article 3 : La décision du 18 février 2010 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a exclu la société Aménagement Services du marché d'intérêt national de Nice avec retrait de son contrat d'occupation est annulée.

Article 4 : L'Etat (ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique) versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à la société Aménagement Services en l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Aménagement Services est rejeté, de même que les conclusions présentées par la société Sominice et la métropole Nice-Côte d'Azur.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Aménagement Services, au ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, à la société Sominice et à la métropole Nice-Côte d'Azur.

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