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16/10/2014 | FRANCE | N°13MA00115

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2014, 13MA00115


Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2013, présentée pour M. A...D...C..., élisant domicile..., par Me B... ;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206534 du 11 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 août 2012 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du Cap-Vert ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 ao

t 2012 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un tit...

Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2013, présentée pour M. A...D...C..., élisant domicile..., par Me B... ;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206534 du 11 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 août 2012 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du Cap-Vert ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 août 2012 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour autorisant le travail dans un délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 196 euros à verser à son conseil, ce dernier renonçant à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-capverdien relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire signé à Paris, le 24 novembre 2008, entrée en vigueur le 1er avril 2011 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2014 :

- le rapport de M. Sauveplane, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;

1. Considérant que M.C..., de nationalité capverdienne, né en 1982, est entré en France en 2007 selon ses déclarations et s'y serait maintenu depuis lors ; qu'il a sollicité le 30 mai 2012 son admission exceptionnelle au séjour par le travail en présentant une promesse d'embauche sur un emploi de maçon ; que, par un arrêté du 30 août 2012, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Cap-Vert comme pays de destination ; que M. C...relève appel du jugement du 11 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant que le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé le titre de séjour sollicité d'abord aux motifs que M. C...ne faisait état d'aucun motif exceptionnel ni de considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que ce dernier présentait à l'appui de sa demande " d'admission exceptionnelle au séjour par le travail " " une promesse d'embauche pour un emploi de maçon, métier qui n'est pas caractérisé par des difficultés de recrutement ", ensuite, au motif que célibataire sans enfant, il ne justifiait pas de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France de nature à lui permettre de bénéficier des dispositions de l'article L. 313-11 7° du même code ; qu'enfin, l'arrêté contesté relève que dans la mesure où M. C...n'établit pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où il aurait vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, prononcer une mesure d'éloignement à son encontre n'est pas contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que l'intéressé n'établit pas relever de l'un des cas énumérés par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où l'étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

3. Considérant, en premier lieu, que M. C...soutient que le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires permettant son admission au séjour sur le fondement de ces dispositions ;

4. Considérant qu'en produisant à l'appui de sa demande, une promesse d'embauche et une demande d'autorisation de travail pour un salarié étranger valant contrat de travail simplifié, M. C...doit être regardé comme ayant demandé une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ;

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine (...). / (...) Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 3.2.3 de l'accord conclu entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cap-Vert relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire, entré en vigueur le 14 avril 2011 : " Un titre de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée d'un an renouvelable est délivré à un ressortissant cap-verdien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire métropolitain de la France, de l'un des métiers énumérés en annexe II au présent accord sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi. Cette liste de métiers peut être modifiée par échange de lettres entre les deux Parties. / Pour faciliter la formation professionnelle, l'accueil et l'insertion en France des intéressés, le nombre de titres de séjour temporaires mentionnés au premier alinéa du présent paragraphe susceptibles d'être délivrés chaque année par la France à des ressortissants du Cap-Vert est limité à 500 " ; qu'aux termes de l'article 3.2.4 du même accord : " Les ressortissants cap-verdiens, qui ne pourraient bénéficier des dispositions prévues aux paragraphes 3.2.1 à 3.2.3 pour la seule raison d'un dépassement des contingents indiqués dans ces paragraphes, pourront toutefois bénéficier des dispositions de droit commun prévues par la législation française en matière d'immigration professionnelle " ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;

7. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3.2.3 de l'accord signé entre la France et le Cap-Vert prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant cap-verdien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ni le préfet fonder le refus de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur ces dispositions, à moins que ce ressortissant ne puisse bénéficier des stipulations prévues aux paragraphes 3.2.1 à 3.2.3 de l'accord pour la seule raison d'un dépassement des contingents indiqués dans ces paragraphes ; qu'en l'espèce, le préfet n'allègue pas que le contingent aurait été dépassé ; qu'ainsi, en faisant application des dispositions de l'article L. 313-14 pour rejeter la demande de titre de séjour " salarié " de M.C..., de nationalité capverdienne sans examiner sa situation au regard des stipulations précitées, le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur de droit ;

8. Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ; que dans la présente instance, le préfet des Bouches-du-Rhône demande à la Cour, dans son dernier mémoire, de procéder à cette substitution de base légale ;

9. Considérant que l'arrêté attaqué trouve son fondement légal dans les stipulations de l'article 3.2.3 de l'accord franco-capverdien, qui peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si le préfet ne pouvait régulièrement se fonder sur le fait que la promesse d'embauche présentée par le requérant portait sur un emploi de maçon, en le qualifiant de " métier qui n'était pas caractérisé par des difficultés de recrutement ", dès lors que l'article 3.2.3 de l'accord franco-capverdien précise que la situation de l'emploi n'a pas à être prise en compte, il pouvait toutefois se fonder sur la circonstance que le métier de maçon ne figurait pas au nombre des métiers énumérés en annexe II à l'accord franco-capverdien ; qu'ainsi, l'appelant ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour " salarié" sur le fondement des stipulations de l'article 3.2.3 de l'accord franco-capverdien ; que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait pris la même décision en examinant la demande de M. C... sur le seul fondement des stipulations de l'article 3.2.3 de l'accord franco-capverdien publié le 14 avril 2011 et en lui opposant, comme il le soutient en appel, la circonstance que le métier de maçon ne figure pas au nombre des métiers énumérés en annexe II à l'accord franco-capverdien ; que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie alors qu'en outre, l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer ces dispositions ou ces stipulations ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 3.2.3 de l'accord franco-capverdien, pour une autre raison que celle d'un dépassement des contingents indiqués dans les stipulations de cet accord ;

11. Considérant que les stipulations de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cap-Vert n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant capverdien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit ; qu'il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'en se bornant à faire valoir qu'il est présent en France depuis 2007, qu'il a travaillé en qualité de maçon intérimaire d'août 2009 à mai 2012 et qu'il est titulaire d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée, M. C...ne permet pas de regarder la décision du préfet refusant de le régulariser comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que le requérant ne peut utilement se prévaloir ni de la circulaire du 24 novembre 2009, qui ne contient aucune disposition réglementaire, ni en tout état de cause de la circulaire du 28 novembre 2012, postérieure à l'arrêté du 30 août 2012 attaqué ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que M. C...soutient que le refus de séjour a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

14. Considérant toutefois que M. C...ne réside en France que depuis cinq ans alors qu'il a vécu plus de vingt-cinq ans dans son pays d'origine, le Cap-Vert, où résident encore ses parents et sa famille ; que, s'il fait valoir, dans son dernier mémoire, qu'il est le père d'une fille, née le 7 janvier 2011, qu'il a reconnue le 11 février 2011, et qu'il réside avec sa mère à la même adresse, la vie maritale apparaît toutefois très récente ; que, dès lors, cette circonstance ne suffit pas, en l'espèce, à faire regarder l'arrêté attaqué comme ayant porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche et que plusieurs membres de sa famille résident en France ;

15. Considérant, en dernier lieu, que M. C...soutient que le préfet a méconnu l'article 3,1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 et fait valoir qu'il est père d'une fille née le 7 janvier 2011 et qu'il réside à Marseille avec la mère de cette dernière ;

16. Considérant que M. C...n'établit pas qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ; que dès lors, l'arrêté du 30 août 2012 ne peut être regardé comme méconnaissant les stipulations de l'article 3,1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions accessoires à fin d'injonction, tant principales que subsidiaires, et celles présentées par son avocat au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...C..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

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N° 13MA00115 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA00115
Date de la décision : 16/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme LASTIER
Rapporteur ?: M. Mathieu SAUVEPLANE
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : GONAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-10-16;13ma00115 ?
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