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27/01/2015 | FRANCE | N°13MA04122

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 27 janvier 2015, 13MA04122


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 18 octobre 2013 et régularisée par courrier le 25 octobre suivant, présentée pour Mme A...C..., demeurant..., par MeD... ; Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301579 du 19 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mai 2013 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'a

nnuler l'arrêté susmentionné du 21 mai 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 18 octobre 2013 et régularisée par courrier le 25 octobre suivant, présentée pour Mme A...C..., demeurant..., par MeD... ; Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301579 du 19 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mai 2013 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du 21 mai 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet du Gard de réexaminer sa demande sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 10 septembre 2013, dans l'affaire C-383/13 PPU ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2015, le rapport de M. Guidal, rapporteur ;

1. Considérant que MmeC..., ressortissante marocaine, née le 1er janvier 1959, serait entrée en France au cours du mois de novembre 2005 selon ses déclarations ; qu'elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au mois de décembre 2012 en se prévalant de ses liens personnels et familiaux en France ; que, par un arrêté du 21 mai 2013, le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ; que Mme C...relève appel du jugement du 19 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique et au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant que les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être utilement invoquées par les personnes vivant en situation de polygamie ; que si Mme C...est bien l'épouse de M. B...avec qui elle a contracté mariage le 21 novembre 1982 au Maroc, celui-ci était déjà marié depuis 1970 avec MmeE... ; que si la requérante allègue que M. B...n'a plus de relation avec sa première épouse, alors que le préfet fait valoir au contraire que M. B...réside en France avec cette dernière et trois enfants nés de ces deux unions, il ressort des pièces du dossier que la première union de M. B...n'a jamais été dissoute, que celui-ci s'est prévalu lors de sa demande de titre de séjour de la présence sur le territoire français de sa première épouse et que les deux enfants de la requérante, Imad et Chaïmae, vivent avec l'un des enfants nés de la précédente union de M. B...au domicile de leur père ; qu'il en résulte que Mme C...ne peut, en raison de la situation de polygamie de son mari, utilement se prévaloir de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et soutenir que le refus de séjour contesté porterait au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme C...soutient résider habituellement en France depuis 2005, suivre des cours d'alphabétisation et se prévaut de la présence sur le territoire français de deux de ses quatre enfants, Imad et Chaïmae, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a vécu au Maroc au moins jusqu'à l'âge de quarante-sept ans et que ses deux enfants qui résident en France étaient majeurs à la date de l'arrêté contesté ; qu'il n'est pas établi, dans ces conditions, que le préfet du Gard aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences du refus de séjour contesté sur la situation personnelle de Mme C...;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'il suit de là que le préfet du Gard n'était pas tenu de soumettre le cas de la requérante à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de refus de délivrance de tout titre de séjour, l'étranger est tenu de quitter le territoire français " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l' article L 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) " ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ;

8. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

9. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans les motifs de son arrêt du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, que les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;

10. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

11. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en n'ayant pas expressément informé Mme C..., avant de prendre à son encontre une décision d'éloignement, qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle serait susceptible d'être contrainte de quitter le territoire français et qu'en ne l'ayant pas invitée à formuler ses observations sur cette éventualité, le préfet du Gard n'a pas porté atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas illégale, eu égard à ce qui vient d'être dit précédemment, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour, que Mme C...invoque à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant, en troisième lieu, que, en l'absence de tout autre élément, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, les moyens dirigés contre la décision faisant obligation de quitter le territoire français et tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et au ministre de l'intérieur.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA04122
Date de la décision : 27/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : CHABBERT MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-01-27;13ma04122 ?
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