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24/04/2015 | FRANCE | N°12MA04660

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 24 avril 2015, 12MA04660


Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2012 au greffe de la Cour, sous le n° 12MA04660, présentée pour M. G...B...et pour l'indivisionA..., composée de Mme D...A..., de Mme C...A...et de Mme F...A..., demeurant..., par MeE... ;

L'indivision A...et M. B...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100701-1101057 du 25 septembre 2012 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2010 n° 2010281-0006 du préfet des Pyrénées-Orientales portant déclaration d'utilité publiq

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Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2012 au greffe de la Cour, sous le n° 12MA04660, présentée pour M. G...B...et pour l'indivisionA..., composée de Mme D...A..., de Mme C...A...et de Mme F...A..., demeurant..., par MeE... ;

L'indivision A...et M. B...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100701-1101057 du 25 septembre 2012 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2010 n° 2010281-0006 du préfet des Pyrénées-Orientales portant déclaration d'utilité publique des travaux relatifs au projet d'aménagement de l'agouille de la Mitjaïgue sur la commune de Théza et, d'autre part, l'arrêté du 20 octobre 2010 n° 2010293-0007 du même préfet portant déclaration de cessibilité au profit de la commune de Théza des parcelles nécessaires au projet de travaux d'aménagement de la même agouille ;

2°) d'annuler les arrêtés susvisés ;

3°) de verser à chacun la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais d'avocat d'appel et des dépenses déjà effectuées en première instance ;

Ils soutiennent que :

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2015 :

- le rapport de M. Pecchioli, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;

1. Considérant que le préfet des Pyrénées-Orientales a déclaré, d'une part, par arrêté n° 2010293-0007 du 20 octobre 2010 d'utilité publique, les travaux relatifs au projet d'aménagement de l'agouille de la Mitjaïgue, petit cours d'eau situé sur le territoire de la commune de Théza permettant la décharge des eaux pluviales et, d'autre part, par arrêté n° 2010293-0007 du 20 octobre 2010 cessible à cette commune, les immeubles nécessaires au projet précité ; que l'indivision A...et M.B..., propriétaires des parcelles concernées par le projet d'aménagement de l'agouille de la Mitjaïgue, relèvent appel du jugement n° 1100701-1101057 du 25 septembre 2012 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ;

Sur la recevabilité de la requête de M.B... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 de du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues au article R. 751-3 et R. 751-4 " ;

3. Considérant qu'il ressort de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié à M. B... le 2 octobre 2012, le pli contenant ladite notification mentionnant la distribution à cette date ; que cette notification ayant donc été régulièrement accomplie, le délai d'appel expirait le 3 décembre 2012 ; qu'il s'ensuit que ce délai était expiré lorsque M. B...a saisi la cour de céans par requête enregistrée au greffe le 5 décembre 2012 ; que, dès lors, les conclusions d'appel de M. B...sont tardives et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant que les appelants soutiennent tout d'abord que le tribunal a admis que l'avis d'ouverture d'enquête publique avait fait l'objet d'un unique affichage en méconnaissance des dispositions de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique qui en exigerait, selon eux, plusieurs ; qu'un tel moyen relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité ;

5. Considérant que les appelants affirment ensuite que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré du caractère inéquitable du projet et à celui tiré de l'existence de solutions alternatives moins " impactantes " pour les riverains ; que toutefois le jugement attaqué a écarté expressément ces deux points, par des réponses précises, ayant notamment relevé que les alternatives proposées par les requérants ne sauraient être regardées comme équivalentes au tracé retenu par la commune de Théza ; que, de surcroît, s'il appartient au juge administratif de répondre à l'ensemble des moyens soulevés par un requérant, il n'est pas tenu de le faire ni pour chacun des arguments avancés à l'appui d'un moyen, ni pour les moyens inopérants ; que, par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'omissions à statuer ;

6. Considérant que si les appelants soutiennent enfin que le tribunal a statué sur un moyen, la " théorie du bilan ", qu'ils n'avaient pas soulevé en première instance, il convient de relever que les premiers juges ont examiné à juste titre l'ensemble des moyens dont ils étaient saisis par l'ensemble des requérants, dès lors que l'exercice du contrôle de l'utilité publique du projet, clairement mise en doute par les appelants, impose au juge la mise en oeuvre de ce contrôle, d'ailleurs invoqué par le préfet en défense ; qu'en tout état de cause le fait pour un juge d'écarter un moyen qui n'a pas été soulevé par les parties n'entache pas son jugement d'irrégularité dès lors qu'il a été statué, comme en l'espèce, sur tous les autres moyens effectivement soulevés ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique " (...) Un avis au public faisant connaître l'ouverture de l'enquête est, par les soins du préfet, publié en caractères apparents huit jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département ou tous les départements intéressés (...) /Huit jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant toute la durée de celle-ci, cet avis est publié par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans chacune des communes désignées par le préfet ; cette désignation porte au minimum sur toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération doit avoir lieu. L'accomplissement de cette mesure de publicité incombe au maire et est certifié par lui (...) " ;

8. Considérant que s'il appartient à l'autorité administrative de procéder à la publicité de l'ouverture de l'enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions précitées, la méconnaissance de ces dispositions n'est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative ;

9. Considérant que si le certificat d'affichage régulièrement établi par le maire de la commune de Théza, le 9 août 2010, atteste que l'avis au public faisant connaître l'ouverture des enquêtes conjointes préalables à la déclaration d'utilité publique du projet de travaux relatifs à l'aménagement de l'agouille de la Mitjaïgue sur le territoire de la commune de Théza a été affiché dans la commune, aux lieux et places accoutumés, du 7 juillet, soit douze jours avant le début de l'enquête publique, au 9 août 2010 inclus, il résulte de l'instruction, notamment des déclarations du préfet, qu'il n'a pas été affiché, pendant cette période, dans le voisinage de l'installation projetée mais seulement à la mairie ; que toutefois une telle omission n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à avoir empêché les personnes intéressées de prendre connaissance du projet et de formuler des observations, dès lors que le site concerné est très faiblement urbanisé, que l'avis d'enquête publique a été publié le 10 juillet 2010, soit huit jours avant le début de l'enquête dans deux journaux locaux " L'indépendant " et " Le Midi Libre ", publication qui a été renouvelée le 20 juillet 2010 et qu'enfin l'ensemble des propriétaires concernés par la procédure d'expropriation a pu être informé de la tenue de l'enquête et y exprimer ses observations, notamment écrites, ainsi qu'en témoigne le rapport d'enquête publique ; que cette omission n'a, en outre, exercé aucune influence sur les résultats de l'enquête, puisque des personnes autres que les propriétaires concernés y ont pris part, tel une association ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les formalités d'information du public auraient été accomplies en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit être écarté ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ; qu'aux termes de l'alinéa 1er de l'article L. 152-7 du code rural et de la pêche maritime : " Les riverains de celles des sections de canaux d'irrigation pour lesquelles l'application des dispositions du présent article aura été déclarée d'utilité publique sont tenus de permettre le libre passage et l'emploi sur leurs propriétés, dans la limite d'une largeur de quatre mètres à partir de la rive, des engins mécaniques servant aux opérations d'entretien. Ils doivent également permettre en certains endroits le dépôt des produits de curage et de faucardement. A ces endroits, la zone grevée de servitude peut atteindre le double de la largeur existant entre les berges opposées du canal reprofilé. " ; qu'aux termes de l'article 2262 du code civil " Les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription. " ;

11. Considérant que les requérants soulèvent le moyen tiré de l'inutilité d'avoir recours à la procédure d'expropriation, afin de réaliser un chemin d'entretien de trois mètres de largeur pourvu d'un revêtement, dans la mesure où les terrains en cause sont déjà grevés non pas d'une tolérance mais d'une véritable servitude de passage sur le fondement de l'article L. 152-7 du code rural, laquelle porte sur une largeur de quatre mètres et autorise la réalisation d'un tel revêtement ; que toutefois il ne ressort pas de l'instruction qu'une telle servitude existerait faute d'avoir été déclarée d'utilité publique ; que, par suite, les requérants ne démontrent pas que l'utilisation de la tolérance permettrait d'assurer dans des conditions équivalentes, notamment de pérennisation et d'accessibilité par un chemin matérialisé, l'atteinte du double objectif poursuivi qui est, d'une part, de prévenir et de diminuer le risque d'inondation existant, lequel a été accru à la suite de l'imperméabilisation d'une surface de 25 620 mètres carrés lors de la création en aval du lotissement " Quinze Olius ", par l'amélioration du réseau d'évacuation des eaux pluviales vers la mer, par l'agouille de la Mitjaïgue, grâce à des travaux d'aménagement, dont la pose de buses, de recalibrage et de curage de cette agouille et, d'autre part, de mettre à disposition un chemin d'accès opérationnel, permettant ainsi la circulation des véhicules d'entretien et de secours ainsi que des piétons et des cyclistes ; que les requérants ne démontrent pas plus le caractère inéquitable du projet ou son aspect plus contraignant par rapport à d'éventuelles solutions alternatives dès lors que, comme l'ont relevé à juste tire les premiers juges, les parcelles concernées par le projet sont déjà grevées d'une tolérance de passage, que l'emprise du projet est située sur des parcelles situées en zone non constructible et qu'il est constant que la commune ne dispose d'aucun autre terrain non affecté permettant de réaliser l'opération projetée ; qu'il résulte de ce tout qui précède que le moyen tiré de l'absence d'utilité publique du projet en cause doit être écarté ;

12. Considérant, en troisième et dernier lieu, que si les appelants invoquent tant en première instance qu'en appel, le détournement de pouvoir et de procédure, alléguant, d'une part, que la commune a utilisé la procédure d'expropriation pour résoudre un problème technique soulevé par la préfecture, dû à une insuffisance d'études de la part du bureau d'études privées, et, d'autre part, l'existence d'une collusion entre la préfecture et la mairie, ils ne l'établissent pas par les pièces produites ; que d'ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 11 ci-dessus, si le risque d'inondation a pu être accru par la création du lotissement, celui-ci préexistait, dès lors que l'ensemble des parcelles concernées par l'emprise du projet sont situées en zone inondable ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

15. Considérant que les termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le ministre de l'intérieur, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit au titre des frais exposés en première instance et en appel par les requérants et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions de la requête présentées par M. B...sont rejetées comme tardives.

Article 2 : Les conclusions de la requête présentées par l'indivision A...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...B..., à l'indivisionA..., composée de Mme D...A..., de Mme C...A...et de Mme F...A..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales et à la commune de Théza.

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N° 12MA04660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA04660
Date de la décision : 24/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles générales de la procédure normale - Acte déclaratif d'utilité publique.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles générales de la procédure normale - Arrêté de cessibilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : PECHEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-04-24;12ma04660 ?
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