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24/04/2015 | FRANCE | N°13MA04912

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 24 avril 2015, 13MA04912


Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2013 au greffe de la Cour sous le n° 13MA04912 présentée pour Mme F...A...B...demeurant..., par Me E... ;

Mme A...B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303281 du 29 novembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de l'Hérault en date du 27 novembre 2013 portant obligation de quitter le territoire français, refus de lui accorder un délai de départ volontaire, et placement en rétention administrativ

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2°) d'annuler les décisions susvisées du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enj...

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2013 au greffe de la Cour sous le n° 13MA04912 présentée pour Mme F...A...B...demeurant..., par Me E... ;

Mme A...B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303281 du 29 novembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de l'Hérault en date du 27 novembre 2013 portant obligation de quitter le territoire français, refus de lui accorder un délai de départ volontaire, et placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler les décisions susvisées du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 29 janvier 1964 modifié ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 2015 le rapport de Mme Hameline, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme F...A...B..., de nationalité tunisienne, est entrée en France en mai 2012 et s'est maintenue sur le territoire au-delà de l'expiration de la validité de son visa ; qu'elle a fait l'objet le 27 novembre 2013 d'un arrêté du préfet de l'Hérault l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, et d'une décision de placement en rétention ; que, par jugement du 29 septembre 2013, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes saisi en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par Mme A...B...retenue au centre de rétention administrative de Nîmes, a rejeté la demande d'annulation présentée par l'intéressée contre l'obligation de quitter le territoire français, le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et la décision de placement en rétention ; que Mme A... B... interjette appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, que, si l'arrêté du préfet de l'Hérault mentionne que Mme A...B...est " célibataire " et qu'elle " n'atteste pas être isolée dans son pays d'origine ", il résulte également des motifs de cette décision que le préfet a par ailleurs pris en compte la circonstance indiquée par la requérante que celle-ci menait une vie commune en France avec M. C... D...; qu'il n'est ainsi pas établi que l'administration, qui a pu légalement constater qu'à la date du 27 novembre 2013 Mme A...B...n'était ni mariée ni liée par un pacte civil de solidarité, aurait entaché sa décision d'erreur de fait quant à la situation de l'intéressée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui." ;

4. Considérant que, si Mme A...B...a effectué un bref séjour en France en 2010 pour des raisons professionnelles, elle ne résidait habituellement sur le territoire national que depuis le mois de mai 2012, soit seulement une année et demi à la date de la décision contestée ; que sa vie commune alléguée depuis le début de l'année 2013 avec un ressortissant français, M.D..., qu'elle envisageait d'épouser, n'est pas assortie d'éléments permettant d'en attester l'ancienneté, et demeurait en toute hypothèse récente à la date du 27 novembre 2013 ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A...B...soit dans l'impossibilité de retourner en Tunisie puis d'en revenir régulièrement munie d'un visa, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal administratif, la circonstance qu'elle détienne conjointement avec son compagnon français des parts dans le capital d'une société à responsabilité limitée exploitant une pâtisserie n'étant pas par elle-même de nature à démontrer une telle impossibilité ; qu'enfin, la requérante ne conteste pas avoir conservé des attaches personnelles en Tunisie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans ; qu'ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de Mme A...B..., l'obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a dès lors pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'a estimé à bon droit le premier juge ;

5. Considérant, en troisième et dernier lieu, que la requérante fait valoir que le préfet de l'Hérault ne pouvait fonder légalement la décision litigieuse sur le motif tiré de ce qu'elle a déclaré détenir la copie d'une carte nationale d'identité française falsifiée, et vivre avec M. D... " impliqué dans diverses procédures judiciaires pour faux et usage de faux " ; que toutefois, l'administration pouvait à bon droit relever une circonstance, d'ailleurs non sérieusement contestée, tirée du comportement personnel de Mme A...B...et susceptible d'influencer l'appréciation de son insertion dans la société française au sens des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, s'agissant de la mention relative au compagnon de la requérante, il ressort des termes de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français ainsi que des autres pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que les autres motifs de celle-ci ; que, dès lors, la circonstance que l'administration se soit fondée à tort sur le comportement supposé du compagnon français de Mme A...B...pour édicter l'obligation de quitter le territoire français en litige demeure, en toute hypothèse, sans influence sur la légalité de la décision ;

En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) /, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...)/ 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :/ a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;/b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;(...)/ d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...)/ f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes , notamment parce qu'il (...) qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. " ;

7. Considérant que la requérante fait valoir que le préfet de l'Hérault a retenu à tort qu'elle présentait un risque de fuite, alors notamment qu'elle disposait de garanties de représentation suffisantes, qu'elle était entrée régulièrement sur le territoire français, et que son mariage était prévu pour une date prochaine à la mairie de Béziers ; que, toutefois, c'est sans erreur de droit ni erreur de fait que le premier juge a relevé que Mme A...B...s'est maintenue sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa de court séjour et qu'elle n'a pas sollicité la régularisation de sa situation administrative, entrant ainsi dans les cas où le risque de fuite est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, par les dispositions précitées l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite, et alors qu'au surplus la requérante ne conteste pas avoir déclaré qu'elle n'entendait pas se soumettre à la mesure d'éloignement prononcée à son encontre, le préfet de l'Hérault a pu sans illégalité l'obliger à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire ;

En ce qui concerne la légalité de la décision de placement en rétention :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme A... B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français pour soutenir que la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative serait dépourvue de base légale ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. " ;

10. Considérant qu'au sens de l'article L. 561-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notion de garanties de représentation effectives, suffisantes pour prévenir un risque de fuite, doit être appréciée au regard des conditions de résidence et de logement de l'étranger, et aussi au regard, notamment, de la possession ou non de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ou encore du respect ou non, par l'étranger, des décisions prises à son encontre et des obligations lui incombant ; qu'en l'espèce, le tribunal administratif a relevé à juste titre que, si Mme A...B...était titulaire d'un passeport en cours de validité, il ne ressortait en revanche pas des pièces du dossier qu'elle disposait d'un domicile à une adresse stable à la date de son placement en rétention, alors qu'elle ne produit ni bail ni attestation d'hébergement, et que les divers documents fournis indiquent des adresses différentes avenue Gambetta, avenue Clémenceau et rue Barbès à Béziers ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

11. Considérant, en troisième lieu, que Mme A...B..., qui a été placée au centre de rétention administrative de Nîmes, et a pu utilement saisir le tribunal administratif de Nîmes d'un recours contentieux contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision de placement en rétention conformément à l'indication des voies de recours portée sur les décisions en litige, ne saurait, en toute hypothèse, utilement soutenir qu'une mention par la notification de la décision de placement en rétention du centre de rétention administrative de Sète et non de celui de Nîmes vicierait la légalité de la décision préfectorale en litige, laquelle ne comporte aucune indication erronée sur ce point ; que le moyen susmentionné ne peut dès lors qu'être écarté ;

12. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que le moyen tiré de ce que l'absence de caractère suspensif du recours formé contre la décision de placement en rétention quant à l'exécution de la mesure d'éloignement méconnaîtrait l'article 5§4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif ;

13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A...B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 27 novembre 2013 par lesquelles le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a ordonné son placement en rétention ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par la requérante afin qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour doivent être également rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme A...B...de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A...B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.

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N° 13MA04912


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA04912
Date de la décision : 24/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : POILPRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-04-24;13ma04912 ?
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