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02/06/2015 | FRANCE | N°14MA01689

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 02 juin 2015, 14MA01689


Vu la décision n° 356923 du 9 avril 2014 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, a d'une part annulé l'arrêt n° 09MA01129 du 20 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son recours tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement n° 0702167 en date du 20 janvier 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a déchargé Mme B...de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu

auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre des année...

Vu la décision n° 356923 du 9 avril 2014 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, a d'une part annulé l'arrêt n° 09MA01129 du 20 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son recours tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement n° 0702167 en date du 20 janvier 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a déchargé Mme B...de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre des années 1995 à 1997, résultant d'un commandement de payer émis le 24 mars 2007, puis, statuant sur l'appel incident formé par MmeB..., déchargé cette dernière de l'obligation de payer les impositions restant dues au titre du même commandement de payer, et a d'autre part renvoyé l'affaire devant la Cour ;

Vu le recours, enregistré le 30 mars 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

Le ministre demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0702167 du 20 janvier 2009 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a déchargé Mme B...de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre des années 1995 à 1997 ;

Il soutient :

- que le comptable du Trésor a déclaré sa créance à la procédure collective de M.B..., l'époux de la requérante, le 24 juillet 2001, ce qui constitue une demande en justice qui interrompt la prescription jusqu'à la clôture de la procédure ;

- que l'effet interruptif vaut aussi pour les autres débiteurs solidaires et que l'action en recouvrement d'une imposition qui n'est pas prescrite à l'égard d'un contribuable ne l'est pas à l'égard du débiteur solidaire ;

- que la circonstance que le juge-commissaire n'était pas en mesure de prononcer l'admission des cotisations d'impôt des années 1996 et 1997 dès lors qu'un contentieux d'assiette était en cours ne pouvait remettre en cause l'effet suspensif de la déclaration des créances ;

- que la procédure collective n'étant pas clôturée au jour de la notification du commandement de payer du 24 mars 2007 la prescription quadriennale de L. 274 du livre des procédures fiscales n'avait pas couru et les créances n'étaient pas prescrites ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 29 juin 2009 et régularisé par courrier le 30 juin suivant, présenté pour MmeB..., domiciliée..., par Me C...;

Mme B...demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours du ministre ;

2°) par la voie de l'appel incident de prononcer la décharge de l'obligation de payer des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre des années 1992 à 1994, ainsi que des contributions sociales 1996 et 1997 résultant du commandement de payer émis le 24 mars 2007 ;

Elle soutient :

- qu'en l'absence de délégation régulièrement publiée, le recours introduit par M. A...qui est sous-directeur est irrecevable ;

- qu'en l'absence d'actes interruptifs de prescription à partir du 4 septembre 2001, date à laquelle sa demande et celle de son mari ont été formées devant le tribunal administratif, les créances issues du commandement de payer en date du 24 mars 2007 sont prescrites ;

- que la suspension à l'égard de codébiteurs ne joue pas dès lors que le créancier dispose d'un droit de poursuite individuelle (D ad 12 C - 6221 n° 153) ;

- que l'admission des créances dans le cadre de la procédure collective par ordonnance du 20 janvier 2003 d'un montant de 504 025 euros s'oppose à ce que le ministre réclame une somme correspondant à la créance d'impôt sur le revenu pour les exercices 1996 et 1997 d'un montant de 185 669 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 avril 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre :

- qu'un arrêté de délégation de signature daté du 23 avril 2008 et publié au Journal officiel le 30 avril 2008 habilitait M. A...à signer la requête ;

- que le cours du délai de prescription s'est trouvé interrompu par la déclaration de créances du comptable du Trésor et que ce délai n'avait pas recommencé à courir lorsqu'a été décerné le commandement litigieux ;

- que la suspension du droit de poursuite à l'égard de M. B...ne faisait pas obstacle à ce que le trésorier mît en jeu la responsabilité solidaire de son épouse ; que le commandement litigieux n'a pas été décerné en violation de l'article 1208 du code civil ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 juin 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que l'effet interruptif de la prescription résultant d'une demande en justice se prolonge jusqu'à ce que le litige trouve sa solution ; que selon l'article 1206 du code civil les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires interrompt la prescription à l'égard de tous ; que le conjoint dont l'époux fait l'objet d'une procédure collective peut donc se voir opposer l'interruption de la prescription qui résulte de la déclaration de créances avec effet qui se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure ; que la prescription de l'action en recouvrement, qui a été valablement interrompue à compter du 24 juillet 2001, date de la déclaration de créances, ne peut donc être valablement invoquée par la requérante ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 août 2014, présenté pour MmeB..., qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Elle fait valoir en outre :

- qu'elle est recevable à se prévaloir des énonciations de l'instruction du 23 mars 1988, reprise au bulletin officiel des impôts n° 62 du 31 mars 1998 relative à la prescription de l'action en recouvrement, dès lors que dans sa réclamation préalable du 4 avril 2007, elle invoquait la prescription et donc par voie de conséquence, implicitement mais nécessairement, les énonciations de l'instruction susmentionnée, même si elle ne l'a pas expressément visée ;

- qu'elle est recevable à invoquer tous moyens de droits nouveaux n'impliquant pas l'appréciation de pièces justificatives ou de circonstances de fait qu'il lui eut appartenu de produire ou d'exposer dans sa réclamation préalable ;

- que comme l'énonce l'instruction du 23 mars 1988 si la prescription est suspendue à l'égard du débiteur principal ou de l'un de ses codébiteurs, même solidaire, le créancier, en l'occurrence le Trésor Public, ne peut invoquer cette suspension à l'égard des autres codébiteurs, dès lors qu'il dispose d'un droit de poursuite individuel ;

- que les premiers juges n'ont pas tiré toutes les conclusions de leurs propres constatations en limitant la décharge de l'obligation de payer aux seules impositions des années 1995 à 1997 alors que les autres impositions procédant du commandement de payer du 24 mars 2007 étaient également atteintes par la prescription ;

Vu le mémoire, enregistré 16 septembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que les impositions litigieuses ayant été déclarées par le comptable public au passif de la procédure collective visant M. B...le 24 juillet 2001, la prolongation de l'effet interruptif de la déclaration de créances jusqu'au jugement à venir de clôture de la procédure collective de M. B...vaut à l'égard de son épouse, débiteur solidaire ;

Vu le mémoire, enregistré 26 janvier 2015, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré par Télérecours le 15 avril 2015, présenté pour MmeB..., qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le courrier en date du 24 avril 2015 du président de la quatrième chambre de la Cour informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que Mme B...n'est pas recevable à contester, en dehors du délai d'appel, par la voie du recours incident, l'obligation de payer des contributions sociales, ainsi que des cotisations d'impôt sur le revenu afférentes à des années autres que celles qui font l'objet du recours principal du ministre et qui soulève un litige différent de celui qui fait l'objet de ce recours ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2015,

- le rapport de M. Guidal, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un jugement du 15 juin 2001, le tribunal de commerce de Carpentras a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de l'entreprise de M. B... ; que le comptable public a, le 24 juillet 2001, déclaré auprès du mandataire liquidateur les créances fiscales qu'il estimait alors détenir sur le foyer fiscal de M. et Mme B..., soit l'impôt sur le revenu relatif aux années 1992 à 1994, 1995 à 1997 et 1999, ainsi que les contributions sociales relatives aux années 1996 et 1997 et la taxe foncière sur les propriétés bâties des années 1997 et 1999 ; que, le 24 mars 2007, le trésorier de Roquemaure a délivré à l'encontre de MmeB..., prise en sa qualité de débitrice solidaire de son époux, un commandement de payer pour avoir paiement de la somme totale de 678 906, 58 euros restant due au titre de ces impositions, à l'exception des cotisations de taxe foncière ; que, par un jugement du 20 janvier 2009, rectifié par ordonnance du 5 mars 2009, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé Mme B...de l'obligation de payer les sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu des années 1995 à 1997 par le commandement de payer du 24 mars 2007 et a rejeté le surplus de sa demande ; que par un arrêt du 20 décembre 2011, la Cour a, d'une part, confirmé le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 janvier 2009 en tant qu'il a prononcé la décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu des années 1995 à 1997 et, d'autre part, déchargé Mme B...de l'obligation de payer les autres sommes mentionnées dans cet acte de poursuite ; que par une décision n° 356923 du 9 avril 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, a annulé l'arrêt de la Cour qui prononçait cette décharge et lui a renvoyé l'affaire ;

Sur l'appel principal du ministre dirigé contre l'article 1er du jugement déchargeant Mme B...de l'obligation de payer les sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu des années 1995 à 1997 :

En ce qui concerne la recevabilité du recours du ministre :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-10 du code de justice administrative : " (...) Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat " ;

3. Considérant que si Mme B...soutient que le signataire du recours déposé par le ministre ne justifie pas d'une délégation régulière, il résulte de l'instruction que

M. D...A..., administrateur civil au ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a, par arrêté ministériel du 23 avril 2008 publié au Journal officiel de la République française le 30 avril 2008, reçu délégation du ministre pour signer notamment les requêtes et mémoires devant les cours administratives d'appel ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'incompétence du signataire du recours doit être écarté ;

En ce qui concerne l'exigibilité de la créance fiscale réclamée à Mme B...:

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1685 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Chacun des époux, lorsqu'ils vivent sous le même toit, est solidairement responsable des impositions assises au nom de son conjoint, au titre de la taxe d'habitation. 2. Chacun des époux est tenu solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part du contribuable et par tous actes interruptifs de la prescription. " ; qu'aux termes de l'article L. 621-40 du Code de commerce, dans sa version en vigueur à la date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M.B..., le 15 juin 2001 : " I. Le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant : 1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent (...) II. Il arrête ou interdit également toute voie d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles. III. Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence suspendus " ; qu'enfin, aux termes de l'article 2244 du code civil, alors applicable et dont la substance est désormais reprise, en ce qui concerne l'effet d'une citation en justice, à l'article 2241 de ce code : " Une citation en justice (...), un commandement ou une saisie (...) interrompent la prescription (...) " et qu'aux termes de l'article 2249 du même code dans sa rédaction alors applicable : " L'interpellation faite (...) à l'un des débiteurs solidaires (...) interrompt la prescription contre tous les autres " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'alors que le jugement d'ouverture de la procédure collective ne suspend la prescription qu'à l'égard de la personne visée par cette procédure, l'effet interruptif de prescription d'une déclaration de créance au passif d'une procédure collective ouverte à l'encontre de l'un des débiteurs solidaires, qui produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ainsi que le précise désormais l'article 2242 du Code civil, s'étend aux autres débiteurs solidaires, pour les impositions au paiement desquelles ils sont solidairement tenus ; qu'il s'ensuit que l'effet interruptif de prescription d'une déclaration de créances fiscales au passif d'une procédure collective ouverte à l'encontre de l'un des époux s'étend à l'autre époux, quel que soit le régime matrimonial et même s'ils sont séparés de biens, pour les impositions au paiement desquelles ils sont solidairement tenus ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par jugement du 15 juin 2001 le tribunal de commerce de Carpentras a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M.B... ; qu'ainsi que l'atteste la décision du juge commissaire du 20 janvier 2003, qui a arrêté la liste des créances déposées au greffe du tribunal et qui ont été admises à titre privilégié, le comptable du Trésor de Roquemaure a bien produit au passif de la liquidation, le 24 juillet 2001, des créances pour un montant de 504 025, 39 euros correspondant aux cotisations d'impôt sur le revenu restant dues au titre des années 1992, 1993, 1994, 1995 et 1999, de taxe foncière de l'année 1999 et de contributions sociales de l'année 1999 et a constaté qu'une instance était en cours s'agissant de l'impôt sur le revenu des années 1996 et 1997 portant sur un montant total de 185 669, 33 euros ;

7. Considérant qu'alors même que la prescription n'était suspendue, pendant la durée de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de l'entreprise de M.B..., qu'à l'égard de ce dernier, la déclaration de créances du 24 juillet 2001 a eu pour effet d'interrompre la prescription jusqu'à la clôture de la procédure, à l'égard de l'ensemble des débiteurs solidaires de l'entreprise de M.B... ; qu'il est constant qu'à la date à laquelle le trésorier de Roquemaure a notifié à MmeB..., en sa qualité de débitrice solidaire de son époux, le commandement de payer litigieux, soit le 24 mars 2007, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire n'avait pas encore été prononcée ; que, par suite, la prescription n'était pas acquise à MmeB..., lorsque lui a été notifié le 24 mars 2007 cet acte de poursuite ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 47 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales " ;

9. Considérant que selon le paragraphe 152 de l'instruction 12-C-1-98 du 23 mars 1998 publiée le 31 mars 1998 au bulletin officiel des impôts, repris au paragraphe 153 de la documentation administrative de base référencée 12 C-6222, applicable à la date de la réclamation présentée par Mme B...: " Le bénéfice de la suspension ne peut être invoqué que contre les personnes vis-à-vis desquelles la suspension est édictée. Ainsi, le créancier qui bénéficie d'une suspension de prescription parce qu'il est privé du droit d'agir contre son débiteur principal ou l'un de ses codébiteurs, même solidaire, ne peut invoquer la suspension de la prescription à l'égard de la caution ou des autres codébiteurs dès lors qu'il dispose de son droit de poursuite individuelle à leur égard " ;

10. Considérant que cette interprétation administrative ne vise que les cas de suspension de prescription, et ne peut par suite être utilement invoquée que par les personnes vis-à-vis desquelles la suspension a été édictée ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le jugement d'ouverture de la procédure collective à l'encontre de l'entreprise de M. B...n'a eu d'effet suspensif de prescription qu'à l'égard du seul M.B..., et non de ses codébiteurs solidaires, à l'égard desquels le comptable public disposait d'un droit de poursuite individuelle pendant toute la durée de cette procédure, bien que l'effet interruptif de prescription de la déclaration de créance, qui s'étend aux débiteurs solidaires, ait produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ; que, dès lors, l'instruction en cause ne peut, en tout état de cause, être utilement invoquée par MmeB... ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a retenu que la prescription était acquise à MmeB..., lorsque lui a été notifié le 24 mars 2007 le commandement de payer litigieux, pour faire droit à sa demande ;

12. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme B...devant le tribunal administratif ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article 1663 du code général des impôts : " Les impôts directs, produits et taxes assimilés, visés par le présent Code, sont exigibles le dernier jour du mois suivant celui de la mise en recouvrement du rôle. " ; que ces dispositions ne sont applicables que si le contribuable a été, avant la date d'exigibilité ainsi déterminée, avisé de la mise en recouvrement du rôle contenant l'imposition à laquelle il a été assujetti ; que dans le cas où il est établi que l'administration a omis d'adresser l'avertissement prévu par les dispositions de l'article 1661 du même code, reprises à l'article L. 253 du livre des procédures fiscales, ou l'a notifié avec retard, l'impôt n'est exigible qu'à compter de la date où le contribuable a été informé de la mise en recouvrement du rôle ;

14. Considérant que Mme B...soutient, pour contester l'exigibilité des impositions correspondant aux sommes visées par le commandement de payer litigieux relatives à l'impôt sur le revenu des années 1995 à 1997, que les extraits de rôle correspondant produits par l'administration ne font pas apparaître son nom mais uniquement celui de son époux ; qu'il résulte cependant de l'instruction que tant les extraits de rôles que les avis d'imposition émis pour le recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu des années 1itigieuses et versés aux débats par le service mentionnent très clairement " M. ou MmeB... " comme étant les redevables de l'impôt ; qu'il s'ensuit que, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'à la date à laquelle lui a été notifié le 24 mars 2007 le commandement de payer, les impositions visées par cet acte de poursuite n'étaient pas exigibles faute pour l'administration de l'avoir avisée de la mise en recouvrement des rôles contenant les impositions litigieuses ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé Mme B...de l'obligation de payer les sommes qui lui étaient réclamées au titre de l'impôt sur le revenu des années 1995 à 1997 ;

Sur l'appel incident de Mme B...tendant à obtenir la décharge de l'obligation de payer les sommes qui lui sont réclamées au titre de l'impôt sur le revenu relatif aux années 1992 à 1994 et 1999, ainsi que des contributions sociales relatives aux années 1996 et 1997 :

16. Considérant que soulèvent un litige différent de celui qui fait l'objet du recours principal et sont, dès lors, irrecevables les conclusions d'un recours incident qui portent sur des impôts autres que ceux visés par l'appel principal ou, dans le cas d'un même impôt, qui concernent des impositions établies au titre d'années autres que celles qui font l'objet du recours principal ;

17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le ministre a relevé appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes en tant que celui-ci a accordé décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées à Mme B...au titre de l'impôt sur le revenu des années 1995 à 1997 ; que la contribuable n'est pas recevable à contester, en dehors du délai d'appel, par la voie du recours incident, l'obligation de payer des contributions sociales, ainsi que des cotisations d'impôt sur le revenu afférentes à des années autres que celles qui font l'objet du recours principal du ministre ; que, par suite les conclusions d'appel incident susmentionnées de Mme B... doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 20 janvier 2009 du tribunal administratif de Nîmes qui a déchargé Mme B...de l'obligation de payer les sommes correspondant à l'impôt sur le revenu établi au titre des années 1995 à 1997 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Nîmes tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondant aux impositions mentionnées à l'article 1er sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident de Mme B...sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à Mme B....

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques PACA et Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2015, où siégeaient :

- M. Cherrier, président de chambre,

- M. Martin, président assesseur,

- M. Guidal, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juin 2015.

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N° 14MA01689 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01689
Date de la décision : 02/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Action en recouvrement.

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Action en recouvrement - Prescription.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : SELARL THEMA-JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-06-02;14ma01689 ?
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