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21/09/2015 | FRANCE | N°14MA04749

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 21 septembre 2015, 14MA04749


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...A...C...a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2014 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé la Tunisie comme pays de renvoi et a ordonné son placement en rétention ;

Par un jugement n° 1404513 du 10 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. A...C....

Procéd

ure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2014, M. A...C..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...A...C...a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2014 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé la Tunisie comme pays de renvoi et a ordonné son placement en rétention ;

Par un jugement n° 1404513 du 10 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. A...C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2014, M. A...C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement rendu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice en date du 10 novembre 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 6 novembre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant placement en rétention administrative est entachée d'un défaut de motivation en méconnaissance des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le tribunal a commis une erreur de fait, en prenant la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, dès lors qu'a été produit des éléments justifiant sa présence antérieurement à l'année 2013 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11- 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ayant notamment considéré que son concubinage était assez récent alors qu'il dure depuis un an et neuf mois ;

Par un mémoire, enregistré le 27 mars 2015, M. A...C...persiste dans ses conclusions d'annulation par les mêmes moyens que ceux contenus dans la requête et soutient, en outre, que :

- il est présent en France de manière continue depuis 2009 ;

- le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire a été pris en violation des dispositions de l'article L. 511-1.II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il dispose d'un domicile stable en France où il vit avec sa compagne ;

- il a rompu toute attache avec son pays d'origine ;

Un courrier du 21 mai 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 ;

M. A...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 février 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 21 juillet 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par jugement du 10 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. A...C..., de nationalité tunisienne, tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2014 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé la Tunisie comme pays de renvoi et a ordonné son placement en rétention ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l 'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 313-21 dudit code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l' ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant que M. A...C...soutient avoir fait la connaissance de Mme B... E..., ressortissante belge, en 2004 ; qu'il affirme que leur relation a débuté en 2010 après que celle-ci se soit séparée de son mari ; qu'il estime, en outre, que le concubinage ne peut être qualifié d'assez récent, dès lors qu'il atteste d'une vie commune ancienne et stable depuis un an et neuf mois ; que, toutefois, la communauté de vie s'avère récente à la date de la décision contestée, comme le reconnaît d'ailleurs finalement et de manière contradictoire, le requérant dans son mémoire complémentaire enregistré le 2 décembre 2014 ; qu'en effet les pièces qu'il produit, comportant pour l'essentiel des attestations peu circonstanciées de proches, n'établissent l'ancienneté de la relation affective avec Mme B...E...au mieux que depuis l'année 2013 ; que M. A...C...qui indique, par ailleurs, avoir de la famille en situation régulière en France, tel son frère, son oncle et sa tante paternelle, ainsi que des cousins ne justifie ni ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine, ni bénéficier d'une intégration particulière ; que, par suite, en faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet n'a entaché sa décision ni d'une erreur de fait, ni d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M A...C...et n'a pas porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale, garanti notamment par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette décision ;

Sur la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;

5. Considérant qu'il ressort de l'instruction que M. A...C...est entré irrégulièrement sur le territoire français à une date indéterminée ; que lors de son interpellation par les services de police le 6 novembre 2014, il n'a pas été en mesure de justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ; qu'il n'a pas non plus sollicité à cette occasion un titre de séjour ; que, par suite, sa situation entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du 3° a) et f) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité qui permettent à l'autorité administrative de priver l'étranger d'un délai de départ volontaire ; que si pour contester cette mesure, le requérant se prévaut de sa relation de concubinage avec une ressortissante belge résidant en France, le préfet a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer, compte tenu notamment de ce que cette relation présente un caractère très récent, que M. A...C...n'était pas dans une situation particulière permettant d'écarter le risque de fuite et lui refuser ainsi l'octroi d'un délai de départ volontaire ;

Sur la légalité de la décision ordonnant le placement en rétention administrative :

6. Considérant que M. A...C...soutient que la décision portant placement en rétention administrative est entachée d'un défaut de motivation en méconnaissance des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, d'une part, qu'il ressort des dispositions de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger son placement en rétention administrative ; que, dès lors, la loi du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ne saurait être utilement invoquée à l'encontre de la décision ordonnant le placement en rétention administrative de l'étranger en situation irrégulière ;

8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée (...) " ;

9. Considérant que la décision en litige vise les textes dont le préfet a fait application, fait état de la situation administrative de M. A...C...et précise qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes pour envisager une autre mesure que le placement en rétention administrative ; que cette décision est, par suite, suffisamment motivée en droit et en fait ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

12. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme à M. A...C...ou à son conseil, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 31 août 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bocquet, président de chambre,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 septembre 2015.

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N° 14MA04749


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04749
Date de la décision : 21/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : LASSERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-09-21;14ma04749 ?
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