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05/10/2015 | FRANCE | N°14MA04846

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 05 octobre 2015, 14MA04846


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 22 août 2012 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir.

Par un jugement n° 1206925 du 12 mai 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :r>
Par une requête enregistrée le 5 décembre 2014, M.D..., représenté par Me B..., demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 22 août 2012 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir.

Par un jugement n° 1206925 du 12 mai 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 décembre 2014, M.D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mai 2014 ;

2°) d'annuler la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 août 2012 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros à verser à Me B...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, son conseil s'engageant en ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que :

- en vertu de l'article 3 de l'accord franco-marocain, il était habilité à demander une autorisation de travail alors qu'il séjournait régulièrement en France, dans le cadre de la procédure prévue par les articles R. 5221-1 et suivants du code du travail, demande qu'il appartenait au préfet d'instruire lui-même ou de confier à la DIRECCTE ;

- M.C..., agent du ministère de l'intérieur signataire de l'arrêté a rejeté sa demande d'autorisation de travail sans être compétent à cet effet ;

- il démontre remplir les conditions pour que son employeur " La Ferme des quatre saisons " soit autorisé à le faire travailler, et bénéficie d'une expérience importante dans le domaine agricole, où, contrairement à ce qu'indique l'arrêté litigieux, il est constant qu'existent des difficultés de recrutement dans les Bouches-du-Rhône ;

- il doit également bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale en application des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal administratif ayant commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation à cet égard ;

- il est titulaire de contrats saisonniers de manière ininterrompue depuis 1998, lesquels ont été prolongés illégalement au-delà de six mois à quatre reprises, et justifie donc d'une longue carrière sur le territoire français constituant un motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les premiers juges ont estimé à tort que ses contrats successifs ne pouvaient être requalifiés en contrat à durée indéterminée, le faisant bénéficier de fait d'une autorisation de travail en tant que salarié renouvelée chaque année depuis 1998.

Un courrier du 29 mai 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juin 2014.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 30 juillet 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme Hameline a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. D..., ressortissant marocain, a séjourné temporairement en France sous couvert de titres de séjours en qualité de travailleur saisonnier depuis 1998 ; qu'il a demandé son admission exceptionnelle au séjour par courrier de son conseil adressé au préfet des Bouches-du-Rhône le 17 octobre 2011 ; que le silence de l'administration a fait naître une décision implicite de rejet à l'issue d'un délai de quatre mois soit le 17 février 2012 ; que M. D... a alors effectué une nouvelle demande le 16 mars 2012 tendant à son changement de statut, assortie d'une demande d'autorisation de travail ; que le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté expressément cette demande par arrêté du 22 août 2012 ; que M. D...relève régulièrement appel, après avoir obtenu l'aide juridictionnelle, du jugement en date du 12 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette dernière décision de refus ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles " ; que l'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...). " ; qu'enfin aux termes de l'article R.5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail (...), le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; (...)." ;

3. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté litigieux du préfet des Bouches-du-Rhône, que la demande de titre de séjour formulée par M. D... le 16 mars 2012 était assortie d'une demande d'autorisation de travail et de la production d'un contrat à durée indéterminée conclu par l'intéressé avec l'EARL " La ferme des quatre saisons " en tant qu'ouvrier agricole ; que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préfet a ainsi statué sur la demande présentée par M. D...en qualité de salarié, et a expressément relevé à cet égard que celui-ci produisait " une demande d'autorisation de travail et un contrat à durée indéterminée pour un emploi d'ouvrier agricole, métier qui n'est pas caractérisé par des difficultés de recrutement " ;

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Considérant qu'il résulte des stipulations et dispositions précitées qu'il appartient au préfet, lorsqu'il est saisi par un étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour, d'une demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié accompagnée, comme en l'espèce, d'une demande d'autorisation de travail dûment complétée par son futur employeur, de statuer sur cette double demande ; que M. C..., signataire de la décision du 22 août 2012, était à cette date titulaire d'une délégation de signature régulièrement conférée par le préfet des Bouches-du-Rhône le 25 mai 2012 en matière de refus de séjour incluant l'octroi et le refus de titres de séjour en qualité de salarié ; que, par suite il était compétent pour édicter l'arrêté litigieux, sans qu'ait d'influence à cet égard la faculté dont disposait par ailleurs le préfet de charger la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de l'instruction de la demande d'autorisation de travail ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, par suite, être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus sur la nature de la demande de titre de séjour présentée par M. D...que les premiers juges ont écarté à tort comme inopérante sa critique du motif de la décision attaquée fondé sur l'absence de difficultés de recrutement dans le métier d'ouvrier agricole, motif qui n'était pas surabondant ;

6. Considérant que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a entaché sa décision d'aucune erreur de droit au regard des dispositions précitées de l'article R. 5221-20 du code du travail, lesquelles sont applicables aux demandes d'autorisation de travail déposées par les ressortissants marocains, en relevant que le métier d'ouvrier agricole pour lequel le requérant présentait une demande d'autorisation de travail n'était pas localement caractérisé par des difficultés de recrutement ; que M. D...ne démontre pas que le préfet aurait ainsi fait une analyse erronée de la situation de l'offre et de la demande d'emplois d'ouvriers agricoles dans les Bouches-du-Rhône, en se bornant à faire état de problèmes rencontrés par le gérant de l'EARL " La ferme des quatre saisons " pour trouver un ouvrier qualifié, et à alléguer qu'il est constant que des difficultés de recrutement existent ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité du motif opposé à la demande de M. D...en tant que salarié, tenant à la situation locale de l'emploi, doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M.D..., âgé de 53 ans à la date de l'arrêté attaqué, a été employé en qualité de travailleur agricole saisonnier chaque année de 1998 à 2012 pour une durée allant jusqu'à six mois, sous couvert de contrats conclus dans le cadre des dispositions spécifiques du code du travail à cet effet ; qu'il a été titulaire en conséquence d'une carte de séjour portant la mention " travailleur saisonnier ", qui a été renouvelée ; que les contrats de travail du requérant, s'ils ont été prolongés à quatre reprises en 1998, 2000, 2003 et 2004, n'ont pas fait l'objet de prolongations systématiques au-delà d'une durée de six mois et que le requérant est retourné à l'issue de chacun d'entre eux au Maroc où réside sa famille selon ses déclarations ; que les premiers juges n'ont, dès lors en toute hypothèse commis aucune erreur de droit en n'estimant pas que M. D...devait être regardé comme bénéficiant en réalité d'un contrat à durée indéterminée ; que le requérant n'établit ni même ne soutient qu'il disposerait d'attaches familiales ailleurs qu'au Maroc ; que, si l'intéressé indique que le centre de ses intérêts privés se situe en France, il n'apporte pas d'éléments précis permettant d'étayer cette affirmation ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble de ces circonstances, alors même que M. D... a travaillé en France, dans le cadre d'un processus d'immigration de travail contrôlé par les pouvoirs publics dans les conditions légales et réglementaires en vigueur, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il ne pouvait se prévaloir ni de motifs exceptionnels ni de considérations humanitaires pour être admis au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République." ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 du même code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ; que l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale " ;

9. Considérant que, comme il a été dit au point 7 ci-dessus, si M. D...fait valoir qu'il a désormais le centre de ses intérêts en France, il n'établit pas y avoir tissé des liens personnels, alors qu'il n'est pas contesté qu'il a rejoint à l'issue de chacun de ses contrats son pays d'origine où il dispose d'attaches privées et familiales ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 août 2012 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.D..., n'implique aucune mesure d'exécution par l'administration ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante au présent litige, soit condamné à verser à MeB..., conseil de M.D..., tout ou partie de la somme demandée au titre des frais exposés dans l'instance moyennant renonciation au bénéfice de la contribution pour l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie pour information en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2015, où siégeaient :

- M. Bocquet, président de chambre,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 octobre 2015.

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N° 14MA04846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04846
Date de la décision : 05/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : GONAND

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-10-05;14ma04846 ?
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