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07/12/2015 | FRANCE | N°14MA01479

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 07 décembre 2015, 14MA01479


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Lozère d'avenir coordination rurale CR 48 a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 22 décembre 2011 par laquelle le préfet de la Lozère a délivré au centre international d'études supérieures en sciences agronomiques Montpellier Supagro une autorisation d'exploiter les terres du domaine de la Fichade à Cros Garnon.

Par un jugement n° 1200576 du 24 janvier 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :>
Par une requête enregistrée le 26 mars 2014, le syndicat Lozère d'Avenir Coordination rural...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat Lozère d'avenir coordination rurale CR 48 a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 22 décembre 2011 par laquelle le préfet de la Lozère a délivré au centre international d'études supérieures en sciences agronomiques Montpellier Supagro une autorisation d'exploiter les terres du domaine de la Fichade à Cros Garnon.

Par un jugement n° 1200576 du 24 janvier 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 mars 2014, le syndicat Lozère d'Avenir Coordination rurale CR 48, représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 24 janvier 2014 ;

2°) d'annuler la décision susvisée du préfet de la Lozère ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de l'établissement public Montpellier Supagro une somme de 1 600 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les frais de contribution à l'aide juridique d'un montant de 35 euros qu'il a acquittés dans l'instance n° 1200576.

Il soutient que :

- le jugement contesté est irrégulier au regard de l'article R. 611-1 du code de justice administrative et de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, à défaut pour le tribunal de lui avoir communiqué le procès-verbal du conseil d'administration de Montpellier Supagro du 9 novembre 2010 sur lequel il s'est fondé, en violation du principe du contradictoire ;

- les premiers juges ont retenu à tort que la décision préfectorale était suffisamment motivée en application de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime ;

- le jugement est entaché d'erreur matérielle, de dénaturation des faits et d'erreur de droit, la décision en litige ne correspondant à aucun des critères fixés par les articles L. 331-1 et L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, et Montpellier Supagro n'ayant pas la qualité d'agriculteur ;

- la décision du 22 décembre 2011 constituait un retrait implicite de la décision d'autorisation d'exploiter du 13 septembre 2010 au profit du GAEC de la Safranière du Causse, retrait qui n'a pas été précédé de la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- l'article L. 331-3 du code rural et le schéma directeur départemental des structures agricoles ne rendent la pluralité d'autorisations possibles que lorsque les opérations projetées sont de même qualité au regard des priorités établies par le schéma, or les membres du GAEC avaient la qualité de jeune agriculteur et se trouvaient prioritaires par rapport à l'établissement d'enseignement agricole ; le préfet a ainsi commis une erreur de droit.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2014, le centre international d'études supérieures en sciences agronomiques Montpellier Supagro conclut au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge du syndicat requérant une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête est dépourvue d'objet, son conseil d'administration ayant approuvé le désengagement du domaine de la Fichade dès le 8 juin 2012, d'où la résiliation du bail emphytéotique conclu avec le Parc national des Cévennes ;

- à titre subsidiaire, les moyens de légalité externe et interne invoqués par le syndicat contre la décision du préfet de la Lozère du 22 décembre 2011 sont infondés.

Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2015, le syndicat Lozère d'avenir coordination rurale CR 48 persiste dans ses précédentes conclusions et moyens, et demande en outre à la Cour, à titre principal, de constater, après avoir annulé le jugement contesté, qu'il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande d'annulation de la décision du préfet de la Lozère du 22 décembre 2011 présentée devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le mémoire et les pièces produits en défense par Montpellier Supagro sont entachés d'irrecevabilité, à défaut pour l'établissement de produire une délibération régulièrement publiée et notifiée habilitant sa directrice générale à agir ;

- à la suite du désengagement de l'établissement bénéficiaire, l'autorisation contestée, qui n'a pas été suivie d'une mise en culture, a disparu par caducité en application de l'article L. 331-4 du code rural, avant même que le tribunal administratif ne statue ;

- le jugement contesté est entaché d'erreur de droit, dès lors qu'il devait prononcer un non-lieu à statuer, la demande présentée devant le tribunal étant devenue sans objet ;

- les premiers juges ont donc fait une inexacte application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à sa charge une somme de 1 200 euros ;

- le jugement est insuffisamment motivé en tant qu'il porte application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a évalué de manière excessive le montant des frais prétendument exposés à ce titre par la partie adverse ;

- subsidiairement, il justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- les dispositions de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 sont inapplicables en l'espèce ;

Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du syndicat requérant une somme de 1 428 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le syndicat Lozère d'avenir coordination rurale CR 48 ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge administratif l'annulation de la décision litigieuse qui ne lèse collectivement aucun de ses membres ;

- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité par l'absence de communication au syndicat de la pièce attestant la qualité du directeur général de Montpellier Supagro pour produire un mémoire en défense ;

- les moyens invoqués contre la décision préfectorale sont infondés.

Un courrier du 1er septembre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le décret n°2006-1593 du 13 décembre 2006 portant création du centre international d'études supérieures en sciences agronomiques dénommé " Montpellier Supagro " ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 22 octobre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. A...Pocheron en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameline,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me C...représentant le centre international d'études supérieures en sciences agronomiques Montpellier Supagro.

1. Considérant que, par décision du 22 décembre 2011, le préfet de la Lozère a autorisé le centre international d'études supérieures en sciences agronomiques Montpellier Supagro à exploiter les terres du domaine de la Fichade, propriété du parc national des Cévennes sur laquelle il bénéficiait d'un bail emphytéotique, pour une superficie de 522 hectares et 44 ares ; que le syndicat Lozère d'avenir Coordination rurale CR 48 a formé un recours pour excès de pouvoir contre cette décision le 22 février 2012 devant le tribunal administratif de Nîmes ; qu'il relève appel du jugement du 24 janvier 2014 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande et a mis à sa charge une somme de 1 200 euros à verser à l'établissement public Montpellier Supagro en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la recevabilité des écritures en défense présentées devant la Cour par le centre international d'études supérieures en sciences agronomiques Montpellier Supagro :

2. Considérant que l'article 6 du décret n° 2006-1593 du 13 décembre 2006 portant création du centre international d'études supérieures en sciences agronomiques dénommé Montpellier Supagro, établissement d'enseignement supérieur agricole régi tant par les articles L. 812-1 et suivants du code rural que par les dispositions du septième livre du code de l'éducation relatives à la catégorie des grands établissements, prévoit que : " Le conseil d'administration fixe les orientations générales de l'établissement. Il délibère notamment sur : (...) 16° Les actions en justice et les transactions. Il peut déléguer au directeur général de l'établissement, dans les limites qu'il fixe, les attributions mentionnées aux 8°, 10°, 12° et 16°. " ;

3. Considérant que l'établissement public Montpellier Supagro a présenté des observations en défense le 18 novembre 2014 dans la présente instance ; qu'il a justifié à cette occasion de la qualité de son représentant pour agir en appel, par la production d'une délibération de son conseil d'administration n° 14.06.17 du 30 juin 2014 portant délégation à la directrice générale de l'établissement des actions en justice et transactions, prise en application de l'article 6 précité du décret du 13 décembre 2006 ; que le caractère suffisant des mesures de publicité de la délibération du 30 juin 2014 n'est pas sérieusement contesté par les seules allégations du syndicat requérant, alors que les modalités de publication d'un tel acte ne sont au demeurant pas soumises à un formalisme spécifique en vertu des dispositions légales ou réglementaires applicables à cet établissement public à caractère scientifique culturel et professionnel ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le syndicat Lozère d'avenir coordination rurale CR 48 au mémoire de l'établissement public Montpellier Supagro, et tirée du défaut de qualité pour agir en défense au nom de celui-ci ne peut qu'être écartée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le centre international d'études supérieures en sciences agronomiques Montpellier Supagro a produit devant le tribunal administratif le 28 août 2013, en réponse à une fin de non-recevoir opposée à son mémoire en défense, la délibération du 9 novembre 2010 par laquelle son conseil d'administration a délégué au directeur général de l'établissement l'exercice des actions en justice en application de l'article 6 du décret du 13 septembre 2006 ; que cette pièce, qui n'a pas été communiquée aux autres parties qui n'ont pu l'examiner ni y répliquer, constituait un élément nouveau sur lequel le tribunal s'est fondé pour regarder comme recevables les écritures en défense présentées par l'établissement public dans l'instance, et pour faire droit en particulier aux conclusions de ce dernier tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par suite, le syndicat appelant est fondé à soutenir que les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, et entaché de ce fait le jugement attaqué d'irrégularité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués contre la régularité du jugement contesté, celui-ci doit en toute hypothèse être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le syndicat Lozère d'avenir coordination rurale CR 48 devant le tribunal administratif de Nîmes ;

Sur les conclusions présentées par le syndicat Lozère d'avenir coordination rurale CR 48 à fin d'annulation de l'autorisation d'exploiter délivrée par le préfet de la Lozère le 22 décembre 2011 :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-4 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorisation est périmée si le fonds n'a pas été mis en culture avant l'expiration de l'année culturale qui suit la date de sa notification. Si le fonds est loué, l'année culturale à prendre en considération est celle qui suit le départ effectif du preneur, sauf si la situation personnelle du demandeur au regard des dispositions du présent chapitre est modifiée. " ;

8. Considérant que le syndicat Lozère d'avenir coordination rurale CR 48 soutient sans être contesté ni par le bénéficiaire de l'autorisation, ni par l'administration, que l'autorisation d'exploiter accordée le 22 décembre 2011 par le préfet de la Lozère était périmée, par application des dispositions précitées de l'article L. 331-4 du code rural et de la pêche maritime, avant que le tribunal administratif ne statue ; qu'il est en effet constant que le fonds en cause n'a pas été mis en culture avant l'expiration de l'année culturale qui a suivi la date de la notification de l'autorisation, alors qu'il ressort au contraire des pièces du dossier, ainsi que le font valoir tant le syndicat appelant que l'établissement public Montpellier Supagro, que ce dernier a décidé par délibération du conseil d'administration du 8 juin 2012 de renoncer au projet d'exploitation agricole du domaine de la Fichade pour lequel il avait obtenu l'autorisation en litige et a approuvé la résiliation du bail emphytéotique conclu à cet effet avec le parc national des Cévennes, lequel a décidé le 20 juin 2013 de céder les bâtiments et louer les terres du domaine à d'autres exploitants agricoles ; que la demande présentée par le syndicat à fin d'annulation de la décision du préfet de la Lozère du 22 décembre 2011 a dès lors perdu son objet après l'introduction du recours contentieux, ainsi que le fait valoir au demeurant l'établissement Montpellier Supagro lui-même ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions tendant à la charge des dépens et à l'application des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et de l'établissement public Montpellier Supagro les frais de contribution juridique exposés par le syndicat Lozère d'avenir coordination rurale CR 48 devant le tribunal administratif en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'une ou l'autre des parties à la présente instance une quelconque somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1200576 du 24 janvier 2014 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par le syndicat Lozère d'avenir coordination rurale CR 48 devant le tribunal administratif de Nîmes à fin d'annulation de la décision du préfet de la Lozère du 22 décembre 2011.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les parties devant le tribunal administratif de Nîmes et dans la présente instance est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat Lozère d'avenir coordination rurale CR 48, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et au centre international d'études supérieures en sciences agronomiques Montpellier Supagro.

Copie en sera transmise au préfet de la Lozère.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2015, où siégeaient :

- M. Pocheron, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 décembre 2015.

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N° 14MA01479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01479
Date de la décision : 07/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides à l'exploitation.

Procédure - Instruction - Caractère contradictoire de la procédure - Communication des mémoires et pièces.

Procédure - Incidents - Non-lieu - Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : DESCRIAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-12-07;14ma01479 ?
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