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15/12/2015 | FRANCE | N°14MA01084

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 15 décembre 2015, 14MA01084


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Halte Gourmande et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Vaison-la-Romaine à leur verser la somme de 50 000 euros chacune en réparation des préjudices résultant de l'abrogation de l'arrêté du 14 décembre 2009 portant autorisation d'occupation du domaine public pour l'exploitation d'un établissement de salon de thé et de petite restauration.

Par un jugement n° 1202931 du 31 décembre 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demand

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Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Halte Gourmande et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Vaison-la-Romaine à leur verser la somme de 50 000 euros chacune en réparation des préjudices résultant de l'abrogation de l'arrêté du 14 décembre 2009 portant autorisation d'occupation du domaine public pour l'exploitation d'un établissement de salon de thé et de petite restauration.

Par un jugement n° 1202931 du 31 décembre 2013, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 6 mars 2014 et le 7 avril 2015, la SARL Halte Gourmande et MmeB..., représentées par MeE..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 31 décembre 2013 ;

2°) de faire droit à leur demande indemnitaire ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise en vue d'évaluer leur préjudice ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vaison-la-Romaine la somme de 3 000 euros au bénéfice de chacune d'elles en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- en fondant sa décision uniquement sur l'absence de perte de bénéfices sans indiquer en quoi les pertes de chiffre d'affaires ne pouvaient être indemnisées, le tribunal a insuffisamment motivé sa décision et a omis de répondre au moyen soulevé devant lui ;

- en refusant d'ordonner une expertise alors que les pièces produites rendaient vraisemblable l'existence du préjudice, le tribunal n'a pas régulièrement motivé sa décision, a dénaturé les pièces du dossier, a commis une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu son office ;

- en estimant que Mme B...ne justifiait pas d'un préjudice personnel, le tribunal a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la faute de la commune sur l'évolution du chiffre d'affaires de la société et le préjudice en résultant pour chacune d'elles ;

- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en relevant que Mme B...disposait de parcelles lui permettant d'installer la terrasse de son établissement ;

- il est inexact qu'elle ait disposé de telles parcelles ;

- le jugement devra être confirmé en ce qu'il a retenu la faute de la commune ;

- le lien de causalité est établi ;

- la perte de l'autorisation d'occuper le domaine public a entraîné pour la SARL Halte Gourmande la disparition de son fonds de commerce, évalué à 50 000 euros ;

- subsidiairement, la société doit être indemnisée de la chance qu'elle a perdue de réaliser des bénéfices ;

- Mme B...a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, qui lui ouvrent droit à une indemnité de 50 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2014, la commune de Vaison-la-Romaine conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 1 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les critiques adressées au jugement attaqué ne sont pas fondées ;

- la décision de non-renouvellement était légale ;

- le lien de causalité n'est pas établi ;

- la prétendue perte du fonds de commerce n'est pas indemnisable ;

- la valeur du fonds de commerce n'est pas justifiée ;

- Mme B...ne peut prétendre à aucune indemnisation dès lors qu'elle n'était pas bénéficiaire de l'autorisation et n'a pas subi, en sa qualité de gérante, un préjudice distinct de celui de la société ;

- elle ne peut se prévaloir à la fois d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- les observations de MeE..., pour la SARL Halte Gourmande et MmeB...,

- et les observations de MeG..., pour la commune de Vaison-la-Romaine.

1. Considérant que la SARL Halte Gourmande, dont Mme B...est l'unique associée, exploitait à Vaison-la-Romaine un salon de thé ; que, par un arrêté du 14 décembre 2009, la commune de Vaison-la-Romaine lui a accordé l'autorisation, tacitement renouvelable chaque année, d'occuper une dépendance du domaine public communal de 9 m2 en vue d'y installer une terrasse durant la période du 1er avril au 30 septembre ; que, par un second arrêté du 14 octobre 2011, la commune a mis fin à l'autorisation à compter du 1er octobre ; que la SARL Halte Gourmande et Mme B...ont adressé à la commune, le 28 juin 2012, une demande d'indemnisation ; qu'elles font appel du jugement du 31 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur recours en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis du fait de l'illégalité fautive entachant l'arrêté du 14 octobre 2011 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, que le jugement attaqué énonce les motifs de fait et de droit sur lesquels se sont fondés les premiers juges pour estimer que la SARL Halte Gourmande et Mme B...n'établissaient pas la réalité des préjudices allégués ; que, si la SARL Halte Gourmande soutenait avoir subi un préjudice économique du fait d'une perte de chiffre d'affaires, le tribunal n'a pas omis de statuer sur ce moyen et y a suffisamment répondu en relevant que la société ne justifiait pas de l'existence d'un tel préjudice dans la mesure où elle ne démontrait pas avoir subi une perte de bénéfices ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le juge qui reconnaît la responsabilité de l'administration et ne met pas en doute l'existence d'un préjudice ne peut, sans méconnaître son office ni commettre une erreur de droit, rejeter les conclusions indemnitaires dont il est saisi en se bornant à relever que les modalités d'évaluation du préjudice proposées par la victime ne permettent pas d'en établir l'importance et de fixer le montant de l'indemnisation ; qu'il lui appartient d'apprécier lui-même le montant de ce préjudice, en faisant usage, le cas échéant, de ses pouvoirs d'instruction ;

4. Considérant que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la SARL Halte Gourmande et de Mme B...au motif, notamment, que la réalité de leur préjudice n'était pas établie ; que la charge de la preuve de l'existence du préjudice invoqué incombe à celui qui en demande réparation ; qu'ainsi, le tribunal n'a pas méconnu son office en ne faisant pas usage de ses pouvoirs d'instruction et, notamment, en n'ordonnant pas une expertise afin de déterminer le montant des préjudices allégués, dont l'existence même ne lui a pas paru démontrée ;

5. Considérant que les éventuelles erreurs d'appréciation et erreurs de fait que les premiers juges ont pu commettre affectent le cas échéant le bien-fondé du jugement mais sont sans incidence sur sa régularité ;

Sur la responsabilité de la commune de Vaison-la-Romaine :

6. Considérant que le tribunal a jugé qu'en abrogeant l'autorisation d'occupation du domaine public communal pour un motif étranger à l'intérêt général, la commune de Vaison-la-Romaine avait entaché sa décision d'illégalité et, par suite, commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'en appel, la commune de Vaison-la-Romaine n'apporte aucun argument nouveau ni ne produit aucune pièce nouvelle à l'appui du moyen par lequel elle critique l'appréciation portée par les premiers juges sur le caractère fautif de l'abrogation, par l'arrêté du 14 octobre 2011, de l'autorisation d'occuper le domaine public communal dont bénéficiait la SARL Halte Gourmande ; qu'il y a lieu d'adopter sur ce point les motifs retenus par le tribunal ;

Sur le préjudice de la SARL Halte Gourmande :

7. Considérant que la SARL Halte Gourmande soutient avoir été contrainte de cesser son activité et demande en conséquence l'indemnisation de la perte de son fonds de commerce ;

8. Considérant, d'une part, que la société appelante n'établit pas avoir été contrainte de mettre fin à son activité en raison de la suppression de l'autorisation d'occuper le domaine public communal ; qu'il résulte de l'instruction que l'établissement était ouvert toute l'année ; qu'il n'est pas démontré que l'interdiction d'installer la terrasse sur le domaine public communal pendant la période estivale a rendu impossible le maintien de l'activité de l'établissement ; que l'attestation établie par l'expert comptable le 14 novembre 2011 se borne à affirmer que la terrasse constituait l'attrait principal de l'activité et générait l'essentiel du chiffre d'affaires mais ne fournit aucune donnée chiffrée, notamment quant à la part du chiffre d'affaires concernée ; que si, dans un courrier du 15 octobre 2011 adressé au maire de Vaison-la-Romaine, la SARL Halte Gourmande l'a évaluée à 95 %, cette proportion n'est étayée d'aucune pièce et est contredite par l'extrait Kbis produit en appel qui montre une diminution du chiffre d'affaires d'un peu plus de la moitié entre l'exercice clos le 30 juin 2011 et celui clos le 30 juin 2012 ; qu'il ressort également de cet extrait Kbis que l'exploitation de l'établissement a conduit à un résultat négatif de 10 000 euros à l'issue de l'exercice 2011 et de 11 000 euros à l'issue de l'exercice 2012 ; que si les résultats de l'exercice 2010 étaient positifs à hauteur de 2 000 euros, ceux de l'exercice 2009 étaient déjà négatifs à hauteur de 3 000 euros ; qu'ainsi, à supposer que ces chiffres montrent une relation entre la suppression de l'autorisation d'occuper le domaine public et la baisse sensible du chiffre d'affaires au cours de l'exercice 2012, ils ne permettent pas d'établir un lien de causalité certain et direct avec le caractère déficitaire de l'exploitation et, par suite, avec la cessation d'activité ; que, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, la diminution du chiffre d'affaires n'est pas indemnisable en tant que tel ; qu'elle n'engendre un préjudice que dans la mesure où elle se traduit par une perte financière ou par un manque à gagner ; qu'en tout état de cause, elle ne se confond pas avec la valeur du fonds de commerce ; qu'en outre, il n'est pas démontré ni même allégué que la SARL Halte Gourmande se serait trouvée dans l'impossibilité de céder son fonds de commerce du seul fait de l'absence de terrasse ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise qui ne saurait dispenser la SARL Halte Gourmande de rapporter la preuve qui lui incombe, que ni l'existence du préjudice allégué, ni le lien de causalité avec l'abrogation de l'autorisation d'occuper le domaine public communal ne sont établis ; que, pour les mêmes motifs, la société appelante ne démontre pas avoir été privée d'une chance de réaliser des bénéfices ;

Sur le préjudice de MmeB... :

9. Considérant que Mme B...soutient avoir subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence dans la mesure où la décision de la commune l'aurait contrainte à cesser son activité professionnelle ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 8 qu'aucun lien de causalité direct et certain n'est établi entre l'abrogation de l'arrêté d'autorisation et la fermeture de l'établissement de la SARL Halte Gourmande ; que, par voie de conséquence, Mme B...ne démontre pas que les préjudices dont elle se prévaut ont eu pour origine certaine et directe la décision de la commune ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Halte Gourmande et Mme B... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de Vaison-la-Romaine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que la SARL Halte Gourmande et Mme B... demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de ces dernières la somme demandée par la commune de Vaison-la-Romaine au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Halte Gourmande et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Vaison-la-Romaine en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Halte Gourmande, à Mme F...C...épouse B...et à la commune de Vaison-la-Romaine.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2015, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M.A...'hôte, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 décembre 2015.

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