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07/01/2016 | FRANCE | N°14MA02929

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 07 janvier 2016, 14MA02929


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...et M. C...A...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice que leur a causé l'aggravation de l'état de santé de Mme A... à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1203631 du 6 mai 2014, le tribunal administratif de Montpellier a conda

mné l'ONIAM à verser à Mme A...la somme de 2 500 euros.

Procédure devant la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...et M. C...A...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à leur verser la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice que leur a causé l'aggravation de l'état de santé de Mme A... à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1203631 du 6 mai 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'ONIAM à verser à Mme A...la somme de 2 500 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2014, Mme A...et M.A..., représentés par Me E..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler les décisions du 22 juin 2012 par lesquelles l'ONIAM a rejeté leurs demandes ;

2°) d'annuler le jugement n° 1203631 du 6 mai 2014 du tribunal administratif de Montpellier ;

3°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise médicale de Mme A...pour établir un bilan hépatique permettant d'évaluer l'évolutivité des lésions de fibrose et son retentissement pour l'avenir ;

4°) à défaut, de condamner l'ONIAM à verser à Mme A...les sommes de 30 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire évalué à 10 %, 10 000 euros au titre des souffrances physiques évaluées à 2,5/7 et 100 000 euros au titre du préjudice spécifique de contamination incluant les répercussions psychologiques ;

5°) de condamner l'ONIAM à verser à M. A...la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi ;

6°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 7 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de l'ONIAM est recherchée sur le fondement de l'aggravation de l'état de santé de MmeA..., contaminée en 1986, par le virus de l'hépatite C ; les complications concernent le foie mais peuvent aussi être extra-hépatiques ; des données scientifiques, résultats de découvertes récentes, constituent des éléments nouveaux ; de nombreuses affections sont liées au virus de l'hépatite C : le diabète sucré dans ses liens avec l'infection à VHC reste hypothétique, les études à ce sujet étant discordantes ; la morbidité et la mortalité liées au VHC sont essentiellement secondaires à la cirrhose et à ses complications incluant le carcinome hépatocellulaire ; la cirrhose du foie contractée par Mme A...constitue une aggravation de son état antérieur lié à l'hépatite C comme le diabète sucré diagnostiqué en février 2009 ; il y a confusion entre l'évolution de l'infection virale C qui peut être effectivement considérée comme guérie grâce au traitement antiviral et les complications hépatiques ; le fibroscan n'est pas un examen suffisant pour constater qu'il n'y a pas de séquelles directement imputables à la contamination par le virus de l'hépatite C alors que des examens mettent en évidence des lésions histologiques objectives d'hépatite chronique avec activité minime ; une nouvelle expertise s'impose ;

- leurs demandes d'indemnisation sont maintenues : pour MmeA..., au titre du déficit fonctionnel temporaire évalué à 10 % à hauteur de 30 000 euros, les souffrances endurées évaluées à 2,5/7 à hauteur de 10 000 euros et le préjudice spécifique de contamination incluant les répercussions psychologiques à hauteur de 100 000 euros ; pour M.A..., au titre du préjudice moral subi à hauteur de 10 000 euros.

Par mémoire enregistré le 14 septembre 2015, l'ONIAM, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation des décisions de l'ONIAM qui ne constituent pas des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

Par mémoire enregistré le 19 novembre, Mme A...et M. A...ont répondu à la communication du moyen soulevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laso, rapporteur ;

- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;

Une note en délibéré, présentée par Mme et M.A..., a été enregistrée le 17 décembre 2015.

1. Considérant que MmeA..., née en 1960, a été hospitalisée pour anémie au cours de sa grossesse à la maternité du centre hospitalier universitaire de Montpellier et a été transfusée, le 8 juillet 1986, avec deux concentrés globulaires ; qu'ayant appris, en 1993, qu'elle était contaminée par le virus de l'hépatite C, Mme A...a recherché la responsabilité de l'Etablissement français du sang (EFS) qui l'a indemnisée ainsi que son époux par voie de protocole transactionnel du 7 février 2001 ; qu'estimant que son état de santé s'était aggravé, Mme A...et son époux ont recherché, en 2012, la responsabilité de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale du fait de cette aggravation imputée à sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que Mme A... et M. A...font appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 mai 2014 en tant qu'il a limité la condamnation de l'ONIAM à verser à Mme A...la somme de 2 500 euros ;

Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation des décisions du 22 juin 2012 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " (...) L'offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis du fait de la contamination est faite à la victime dans les conditions fixées aux deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article L. 1142-17. La victime dispose du droit d'action en justice contre l'office si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans un délai de six mois à compter du jour où l'office reçoit la justification complète des préjudices ou si elle juge cette offre insuffisante. La transaction à caractère définitif ou la décision juridictionnelle rendue sur l'action en justice prévue au précédent alinéa vaut désistement de toute action juridictionnelle en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle visant à la réparation des mêmes préjudices (...). " ; que le rejet de l'offre d'indemnisation consécutive à une contamination transfusionnelle faite par l'ONIAM en application de cet article ne constitue pas une décision susceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir, dès lors que la victime dispose de la faculté de saisir la juridiction d'une action en indemnisation ; que, par suite, les conclusions aux fins d'annulation des décisions du 22 juin 2012 du directeur de l'ONIAM sont irrecevables, ainsi que les parties en ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Sur la demande d'expertise :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction notamment du rapport du 23 novembre 2011 de l'expertise médicale ordonnée par le président du tribunal administratif de Montpellier et du courrier de l'expert du 26 décembre 2011 que si, en février 2009, une échographie abdominale a montré que Mme A...présentait un foie "d'hépatopathie chronique dysmorphique nodulaire" en faveur de la constitution d'une cirrhose, le fibroscan réalisé à la même date montrait une "élasticité à 7,1 [kPa] correspondant à une fibrose F2" et la ponction biopsie hépatique réalisée le 10 avril 2009 montrait des lésions d'hépatite chronique avec une activité minime ; qu'à compter du 28 septembre 2009, un traitement par bithérapie a été mis en place permettant la réduction de la charge virale ; que, le 15 mars 2010, à la fin du traitement, il est constaté que "l'ARN viral C est indétectable" et que les transaminases sont normales ; que l'expert relève que, le 25 mars 2011, à l'issue d'un délai d'un an, la charge virale est toujours négative, "ce qui permet de conclure à la guérison de l'hépatite C" ; que, de même, le 21 septembre 2011, l'expert note que "l'ARN viral C reste indétectable confirmant la guérison virale C" ; qu'il a conclu qu'il n'y a pas de séquelles directement imputables à la contamination de Mme A...par le virus de l'hépatite C ; que, s'agissant de la cirrhose, l'expert indique que, le 19 septembre 2011, l'échographie abdomino-pelvienne montre un foie "d'hépatopathie chronique au stade cirrhogène avec une plage hyperéchogène à la jonction des segments VIII-VII évoquant une stéanose nodulaire" et le fibroscan réalisé donne une "élasticité à 4 équivalent au stade F0/F1 soit une amélioration histologique" ; qu'un complément par IRM hépatique pratiqué le 26 septembre 2011 montre un "probable foie d'hépatopathie chronique sans lésion focale suspecte" ; qu'enfin, le 26 décembre 2011, en réponse à un courrier du conseil de MmeA..., l'expert a indiqué que cette dernière "n'a pas de cirrhose constituée" ;

4. Considérant que, pour établir l'utilité d'une nouvelle expertise aux fins d'établir un bilan hépatique permettant d'évaluer l'évolutivité des lésions de fibrose et son retentissement pour l'avenir, les requérants se prévalent de découvertes récentes sur les liens entre le virus de l'hépatite C et de nombreuses pathologies et contestent, en l'état d'une aggravation de l'état de santé de MmeA..., la fixation d'une date de consolidation en octobre 2010 alors que d'autres examens que le Fibroscan associant bilan hépatique et imagerie médicale seraient à même de mettre en évidence des lésions histologiques objectives d'hépatite chronique avec activité minime ; que, cependant, comme il a été dit au point précédent, il résulte de l'instruction que l'état de santé de Mme A...est stabilisé en dessous du seuil de détection depuis le 15 mars 2010 date de la fin du traitement ; que les requérants ne produisent aucun élément de nature à établir une reprise de l'activité virale ou des lésions histologiques ; qu'ainsi, les résultats de laboratoire du 13 mars 2013 qu'ils produisent indiquent une " absence de détection d'ARN du virus de l'hépatite C " ; que, dans ces conditions, la demande d'expertise, formée à titre principal, est dépourvue d'utilité ; que, par suite, il y a lieu de rejeter cette demande ;

Sur les conclusions indemnitaires :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction notamment du rapport de l'expert que l'aggravation de l'état de santé de Mme A...constatée en février 2009 a entraîné une période de déficit fonctionnel temporaire de six mois à hauteur de 10 % et des souffrances physiques évaluées à 2,5/7 en raison du traitement par bithérapie avec tolérance médiocre de la part de Mme A... ; que les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du déficit fonctionnel temporaire de 10 % et des souffrances physiques endurées en allouant à Mme A...les sommes de 500 euros et de 2 000 euros à ce titre ;

6. Considérant que Mme A...demande l'indemnisation d'un préjudice spécifique de contamination pour un montant de 100 000 euros ; que s'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'état de santé de MmeA..., au titre de son hépatite C, peut être considéré comme stabilisé et qu'elle ne subit aucune séquelle du fait de l'aggravation temporaire de son état de santé, elle a pu légitimement éprouver des inquiétudes du fait de cette aggravation et des conséquences graves qui pouvaient en résulter de la date de la révélation de cette aggravation en février 2009 jusqu'en octobre 2010, date retenue par l'expert ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation de Mme A...à ce titre ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'elle a subi de ce fait en lui allouant une somme de 2 500 euros ; qu'en cas d'aggravation de son état de santé, il lui sera loisible de solliciter, si elle s'y croit fondée, une indemnisation complémentaire ;

7. Considérant que, s'agissant de M.A..., et comme l'ont indiqué, à bon droit, les premiers juges, ce dernier n'est fondé qu'à demander l'indemnisation du préjudice moral qu'il a subi résultant du seul fait de l'aggravation de l'état de santé de son épouse et non de sa contamination par la virus de l'hépatite C, au demeurant, déjà indemnisé par voie de protocole transactionnel ; que, s'agissant du préjudice moral subi du fait de l'aggravation de l'état de santé de son épouse, les dispositions de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique, qui mettent à la charge de l'ONIAM l'indemnisation des victimes des dommages résultant notamment de la contamination par le virus de l'hépatite C, ne font pas obstacle à ce que les victimes indirectes de cette contamination puissent également être indemnisées au titre de la solidarité nationale ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le préjudice moral de M.A..., consécutif à l'aggravation temporaire de l'état de santé de son épouse au titre de son hépatite C, sera justement indemnisé en lui allouant la somme de 500 euros ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation de M. A...à ce titre ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de porter la condamnation de l'ONIAM au versement d'une somme de 5 000 euros à Mme A...en réparation des préjudices subis du fait de l'aggravation temporaire de son état de santé et de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 500 euros à verser à M. A...en réparation du préjudice moral subi du fait de l'aggravation temporaire de l'état de santé de son épouse ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens ;

DE C I D E :

Article 1er : La somme que l'ONIAM a été condamné à verser à MmeA..., par l'article 1er du jugement du 6 mai 2014, est portée à 5 000 euros.

Article 2 : L'ONIAM versera la somme de 500 euros à M.A....

Article 3 : Le jugement du 6 mai 2014 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en tant qu'il est contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : L'ONIAM versera à Mme A...et M. A...une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...A...et M. C...A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2015, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Laso, président assesseur,

- MmeD..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 janvier 2016.

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N° 14MA02929 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02929
Date de la décision : 07/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Dons du sang.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Jean-Michel LASO
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : COCQUERILLAT-MARECHAL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-01-07;14ma02929 ?
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