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22/02/2016 | FRANCE | N°14MA03256

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 22 février 2016, 14MA03256


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Sommières a demandé au tribunal administratif de Nîmes :

- par une instance enregistrée sous le n° 1200442, d'annuler la décision du 23 septembre 2011 par laquelle le préfet du Gard l'a mise en demeure de reverser la somme de 1 049 540,15 euros qui lui avait été attribuée au titre du fonds de prévention des risques naturels majeurs, ensemble la décision du préfet du 12 décembre 2011 portant rejet de son recours gracieux ;

- par une instance enregistrée sous le n° 1202611,

d'annuler l'ordre de versement de la somme de 1 049 540,15 euros édicté à son encontre pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Sommières a demandé au tribunal administratif de Nîmes :

- par une instance enregistrée sous le n° 1200442, d'annuler la décision du 23 septembre 2011 par laquelle le préfet du Gard l'a mise en demeure de reverser la somme de 1 049 540,15 euros qui lui avait été attribuée au titre du fonds de prévention des risques naturels majeurs, ensemble la décision du préfet du 12 décembre 2011 portant rejet de son recours gracieux ;

- par une instance enregistrée sous le n° 1202611, d'annuler l'ordre de versement de la somme de 1 049 540,15 euros édicté à son encontre par le préfet du Gard le 18 juin 2012, ensemble la décision du 30 juillet 2012 portant rejet de son recours gracieux, ainsi que le titre de perception émis le 10 juillet 2012 pour avoir paiement de la même somme.

Par un même jugement du 21 mai 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ces demandes de la commune de Sommières ainsi que les conclusions à fin d'injonction présentées devant lui à titre reconventionnel par le préfet du Gard.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2014, complétée par des mémoires enregistrés les 12 novembre et 4 décembre 2015, la commune de Sommières représentée par la SCP B... -Danthez-De Clercq-Comte, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 21 mai 2014 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées du préfet du Gard ;

3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise en vue de déterminer la valeur du bien immobilier dont elle est devenue propriétaire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet a commis une erreur de droit en considérant que l'article L. 561-3 I 1° du code de l'environnement et le décret du 16 décembre 1999 impliquaient nécessairement le remboursement de la subvention en l'absence de démolition du bâtiment, alors qu'elle a respecté la seule condition prévue par le code de l'environnement en déclarant le terrain inconstructible ;

- la décision attribuant la subvention ne vise pas comme fondement l'article L. 561-3 1° du code de l'environnement, lequel concerne au demeurant des biens exposés mais non encore sinistrés, et elle peut donc à bon droit invoquer les conditions de remboursement prévues par le 2° de ce même article ;

- les décisions en litige sont entachées d'erreur d'appréciation, les dispositions applicables n'exigeant pas impérativement la démolition dès lors qu'est respecté l'objectif de prévention du risque, compatible en l'espèce avec une fréquentation temporaire du bâtiment ;

- une interprétation restrictive de la procédure de délocalisation conduirait à la création dommageable de friches en milieu urbain ;

- la conservation du bâtiment, qui présente un intérêt patrimonial, est compatible avec le plan de prévention des risques et le plan local d'urbanisme, des mesures de sauvegarde permettant une réaction appropriée en cas de crise sans menace grave pour les vies humaines ;

- l'Etat a accepté pour de tels motifs le maintien du moulin de Gravevesse concerné par la même procédure d'acquisition amiable ;

- sa délibération du 4 juillet 2006 ne peut être regardée comme un engagement vis-à-vis des services de l'Etat, et la portée d'un engagement de démolir qui ne résulte ni de la loi, ni de l'acte de vente, et ne comporte pas de date limite, doit en tout état de cause être relativisée ;

- l'article R. 561-1 du code de l'environnement ne renvoie au régime des subventions d'investissement issu du décret du 16 décembre 1999 que pour les mesures de prévention prises à l'initiative d'une personne autre que l'Etat, or en l'espèce la procédure de délocalisation a été initiée par l'Etat, a fait l'objet de négociations directes entre lui et le propriétaire, et elle n'est intervenue qu'en fin de procédure sur injonction de l'Etat ;

- la subvention perçue incluait à la fois le coût des travaux de démolition et le coût de l'indemnité de remplacement de 972 763,15 euros destinée à acquérir le bien à l'amiable, or cette dernière a été versée aux époux A...conformément à son objet et ne doit donc pas faire l'objet d'un remboursement ; elle n'est pas le bénéficiaire effectif de cette somme et se trouve propriétaire d'un bien d'une valeur très inférieure, étant affecté d'interdiction d'usage et inaliénable ;

- les alternatives à la délocalisation n'ont pas été suffisamment analysées par les services de l'Etat contrairement à l'article L. 561-3 1 ;

- le défaut de recours administratif préalable contre le titre de recette du 10 juillet 2012 ne peut lui être opposé alors qu'elle a formé le 18 juin 2012 un recours gracieux contre la décision de reversement fondant celui-ci, que le titre de recette ne mentionnait pas les modalités et délais de recours administratif préalable et que le préfet a lié le contentieux au fond sans soulever une telle irrecevabilité devant le tribunal administratif ;

- le titre de recettes a été émis alors même que la créance de l'Etat n'était ni certaine ni exigible, ainsi que l'a reconnu la chambre régionale des comptes par avis du 14 décembre 2012 dans le cadre de la procédure d'inscription d'office ;

Par un mémoire enregistré le 22 avril 2015, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête de la commune de Sommières.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées contre le titre de perception sont irrecevables à défaut du recours administratif préalable exigé par le décret du 29 décembre 1962 ;

- l'avis rendu par la chambre régionale des comptes sur la demande d'inscription d'office qui concerne une procédure distincte est sans incidence sur la légalité du titre de perception ;

- la mise en demeure de reverser la subvention a été décidée sans erreur de droit sur le fondement de l'article 15 du décret du 16 décembre 1999 ;

- l'invocation de la condition de reversement prévue par le 2° de l'article L. 561-3 I du code de l'environnement est inopérante, la subvention en litige ayant été accordée sur le fondement du 1° du même article relatif aux biens exposés au risque de crue ;

- l'arrêté de subvention du 27 septembre 2006 prévoyait, tout comme la demande de subvention et la délibération du 10 juillet 2006, que la somme de 1 049 540,15 euros était destinée à l'acquisition et à la démolition de la maisonA..., dès lors la commune a modifié le projet initial et méconnu la finalité de la subvention en créant un établissement recevant du public augmentant le nombre de personnes exposées au risque au lieu de démolir le bâtiment ;

- les moyens tirés de ce que la démolition ne serait pas une exigence absolue et que des solutions alternatives existeraient sont inopérants quant à la légalité de la décision de reversement de la subvention fondée sur la non réalisation de son objet modifié sans l'accord du préfet ;

- l'Etat était fondé à demander le reversement de la totalité de la somme accordée, dès lors que l'acquisition et la démolition formaient un tout indissociable dont l'objet était de réduire le nombre de personnes exposées au risque en application de l'article L. 561-3 du code de l'environnement ;

- la commune de Sommières ne conteste pas utilement être à l'initiative de la procédure en application de l'article R. 561-16 du code de l'environnement, alors qu'elle est à l'origine de la demande de subvention après avoir délibéré sur le projet, et qu'elle est devenue propriétaire de l'immeuble acquis.

Un courrier du 5 octobre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 modifiant le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

- le décret n°99-1060 du 16 décembre 1999 ;

- l'arrêté du 12 janvier 2005 relatif aux subventions accordées au titre du financement par le fonds de prévention des risques naturels majeurs de mesures de prévention des risques naturels majeurs ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 5 janvier 2016 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameline,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la commune de Sommières.

1. Considérant que la commune de Sommières a bénéficié par arrêté du préfet du Gard du 27 septembre 2006 d'une subvention du fonds de prévention des risques naturels majeurs d'un montant de 1 049 540,15 euros, en application de l'article L. 561-3 I du code de l'environnement, afin d'acquérir à l'amiable et de démolir un immeuble propriété de M. et Mme A..., comprenant un bâtiment d'habitation et une clinique vétérinaire, situé au lieu-dit l'Arnède dans un secteur submergé par une très importante hauteur d'eau lors de la crue du Vidourle de 2002 ; que, par décision du 23 septembre 2011, le préfet du Gard a mis en demeure la commune de reverser cette subvention, au motif qu'elle n'avait pas procédé à la démolition du bâtiment d'habitation après acquisition mais l'avait affecté à d'autres usages ; que le recours gracieux de la commune de Sommières contre cette décision a été rejeté le 12 décembre 2011 ; que le préfet du Gard a consécutivement émis un ordre de versement le 18 juin 2012, ainsi qu'un titre de perception le 10 juillet 2012 afin d'avoir paiement de ladite somme ; qu'il a également rejeté le recours gracieux formé le 30 juillet 2012 par la commune contre l'ordre de versement du 18 juin 2012 ; que la commune de Sommières a saisi le tribunal administratif de Nîmes de deux recours contentieux tendant à l'annulation des décisions susmentionnées du préfet du Gard ; que, par un même jugement du 21 mai 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes comme infondées, et a également rejeté les conclusions présentées devant lui par le préfet du Gard tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de lui verser la somme due dans un délai de quinze jours ; que la commune de Sommières relève appel de ce jugement, et doit être regardée comme en demandant l'annulation en tant qu'il rejette ses demandes ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance dirigée contre le titre de perception émis par le préfet du Gard le 10 juillet 2012 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret du 29 décembre 1992 susvisé, modifiant le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et fixant les dispositions applicables au recouvrement des créances de l'Etat mentionnées à l'article 80 de ce décret : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit, dans les délais fixés à l'article 8 ci-après, adresser sa réclamation appuyée de toutes justifications au comptable qui a pris en charge l'ordre de recette. " ;

3. Considérant que la commune de Sommières n'établit ni même ne soutient que sa demande contentieuse formée devant le tribunal administratif de Nîmes le 24 septembre 2012 ait été précédée d'une réclamation au comptable public ayant pris en charge le titre de perception conformément à l'article 7 précité du décret du 29 décembre 1992 ; que si l'absence de notification de l'obligation d'exercer ce recours administratif préalable, non contestée par l'Etat en défense, a empêché que le délai de recours contentieux à l'encontre du titre en litige ait commencé à courir, et si la commune est, par suite, toujours à même de présenter une réclamation préalable auprès du comptable qui a pris en charge le titre de perception émis par le préfet, sans que puissent y faire obstacle les dispositions de l'article 8 du même décret relatives aux délais, cette circonstance demeure, en revanche, sans incidence sur l'irrecevabilité de la demande directement présentée au tribunal contre le titre en litige ; que ne saurait tenir lieu d'une telle réclamation auprès du comptable public contre le titre émis le 10 juillet 2012 le fait, relevé par la commune de Sommières, que celle-ci avait précédemment adressé au préfet du Gard un recours gracieux contre sa décision du 18 juin 2012 portant ordre de verser la somme de 1 049 540,15 euros dans un délai d'un mois ; qu'enfin, la circonstance, également invoquée par la commune, que la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon ait estimé dans son avis du 14 décembre 2012 que la somme mise en recouvrement par le titre de perception litigieux ne constituait pas à cette date une dépense obligatoire pour la commune au sens de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales car faisant l'objet d'une contestation sérieuse, demeure sans aucun effet sur l'obligation qu'avait celle-ci de former la réclamation préalable prévue par les dispositions précitées ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui pouvait valablement être invoquée pour la première fois en appel, aux conclusions dirigées contre le titre de perception du 10 juillet 2012, doit être accueillie ; que, par suite, la commune de Sommières n'est pas fondée à se plaindre, en tout état de cause, de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les conclusions de sa demande contestant le titre de perception émis à son encontre ;

Sur la légalité des décisions du préfet du Gard des 23 septembre 2011, 12 décembre 2011, 18 juin 2012 et 30 juin 2012 :

En ce qui concerne le fondement juridique de l'intervention du fonds de prévention des risques naturels :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-3 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable lors de l'octroi de la subvention en litige à la commune de Sommières : " I. Le fonds de prévention des risques naturels majeurs est chargé de financer, dans la limite de ses ressources, les indemnités allouées en vertu des dispositions de l'article L. 561-1 ainsi que les dépenses liées à la limitation de l'accès et à la démolition éventuelle des biens exposés afin d'en empêcher toute occupation future. En outre, il finance, dans les mêmes limites, les dépenses de prévention liées aux évacuations temporaires et au relogement des personnes exposées / Il peut également, sur décision préalable de l'Etat et selon des modalités et conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, contribuer au financement des mesures de prévention intéressant des biens couverts par un contrat d'assurance mentionné au premier alinéa de l'article L. 125-1 du code des assurances. Les mesures de prévention susceptibles de faire l'objet de ce financement sont : 1° L'acquisition amiable par une commune, un groupement de communes ou l'État d'un bien exposé à un risque prévisible (...) de crue (...) menaçant gravement des vies humaines ainsi que les mesures nécessaires pour en limiter l'accès et en empêcher toute occupation, sous réserve que le prix de l'acquisition amiable s'avère moins coûteux que les moyens de sauvegarde et de protection des populations (...) / 2° L'acquisition amiable, par une commune, un groupement de communes ou l'Etat, de biens à usage d'habitation ou de biens utilisés dans le cadre d'activités professionnelles (...) et de leurs terrains d'assiette ainsi que les mesures nécessaires pour en limiter l'accès et en empêcher toute occupation, sous réserve que les terrains acquis soient rendus inconstructibles dans un délai de trois ans, lorsque ces biens ont été sinistrés à plus de la moitié de leur valeur et indemnisés en application de l'article L. 125-2 du code des assurances. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 561-15 du même code : " La contribution du fonds de prévention des risques naturels majeurs au financement des mesures de prévention mentionnées du 1° au 5° du I de l'article L. 561-3 s'effectue dans les conditions suivantes :1° A raison de 100 % des dépenses éligibles pour les acquisitions amiables et les mesures mentionnées au 1° (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Gard a pris la décision d'accorder une subvention à la commune de Sommières le 27 septembre 2006 sur les crédits du fonds de prévention des risques naturels en vue de l'acquisition amiable et de la démolition de l'immeuble propriété des époux A...sur le fondement des dispositions, relatives aux biens exposés à un risque menaçant gravement des vies humaines, du 1° de l'article L. 561-3 I précité du code de l'environnement ; que la base juridique ainsi retenue résulte tant de l'arrêté attributif, lequel vise un rapport du directeur départemental de l'équipement constatant que le bien présente une menace grave pour les vies humaines au sens des dispositions de l'article L. 561-3 paragraphe I 1° dudit code, que du contenu des décisions des 23 septembre 2011, 12 décembre 2011 et 18 juin 2012 relatives au reversement de la somme concernée ; qu'à supposer même que l'immeuble, sinistré lors de la crue de 2002 et indemnisé de ce fait par une compagnie d'assurance, ait été susceptible de relever également des mesures prévues par le 2° de l'article L. 561-3 I du code de l'environnement spécifique aux biens ayant déjà subi un sinistre, ainsi que le fait valoir la commune de Sommières, le préfet du Gard pouvait néanmoins, sans erreur de droit, fonder le financement de mesures d'acquisition amiable et de démolition sur le 1° du même article, dès lors qu'il ressort de l'ensemble des éléments soumis à la Cour et qu'il n'est pas sérieusement contredit que l'immeuble, compte-tenu notamment de la hauteur d'eau précédemment constatée de 3,5 mètres à l'intérieur des bâtiments et de leur très grande difficulté d'accès en cas de crue, demeurait exposé à un risque naturel menaçant gravement les vies humaines au sens du 1° de l'article L. 561-3 I lors de l'attribution de la subvention du fonds de prévention, et qu'il n'est pas démontré que le coût de mesures de protection effective de la sécurité des occupants de l'immeuble dans ces conditions eût été inférieur à celui d'une acquisition amiable suivie d'une démolition de celui-ci ;

7. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen invoqué par la commune de Sommières et tiré de ce qu'elle aurait respecté les conditions prévues par le 2° de l'article L. 561-3 I du code de l'environnement à peine de remboursement de la subvention, en modifiant son document d'urbanisme dans un délai de trois ans afin de rendre le terrain concerné inconstructible, est inopérant sur la légalité des décisions préfectorales en litige, qui concernent le reversement d'une subvention allouée au titre du 1° de cet article ;

En ce qui concerne l'application par le préfet du Gard de l'article 15 du décret du 16 décembre 1999 :

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 561-16 du code de l'environnement : " (...) la contribution du fonds de prévention des risques naturels majeurs au financement de mesures de prévention prises à l'initiative d'une personne autre que l'Etat prend la forme de subventions régies par le décret n° 99-1060 du 16 décembre 1999 modifié relatif aux subventions de l'Etat pour des projets d'investissement " ; qu'aux termes de l'article R. 561-17 du même code : " La demande de subvention est adressée au préfet du département dans le ressort duquel est situé le bien faisant l'objet de la mesure de prévention. Elle est présentée, selon les cas, par la commune ou le groupement de communes compétent ou par le propriétaire, le gestionnaire ou l'exploitant intéressé ou par son mandataire (...). " ; que l'article 15 du décret susvisé du 16 décembre 1999 prescrit un reversement total ou partiel de la subvention " si l'objet de la subvention ou l'affectation de l'investissement subventionné ont été modifiés sans autorisation " ; qu'enfin aux termes de l'article 16 du même décret : " L'autorité qui attribue la subvention effectue un suivi régulier de la réalisation du projet et s'assure de la conformité de ses caractéristiques par rapport à la décision attributive. " ;

9. Considérant que les décisions du préfet du Gard portant mise en demeure puis ordre de reverser la subvention attribuée le 27 septembre 2006 ont été motivées par le non-respect par la commune de Sommières de l'objet de la subvention qui lui avait été accordée ; que cet objet, tel qu'il était défini par la délibération du conseil municipal du 30 août 2006 et la demande formulée consécutivement par le maire de Sommières en application de l'article R. 561-17 précité du code de l'environnement, ainsi que par l'arrêté d'octroi de la subvention, portait à la fois sur l'acquisition amiable de la propriété des époux A...et sur la démolition des bâtiments qu'elle comportait ; que la commune ne saurait utilement soutenir qu'aucune condition de démolir l'immeuble n'en résultait pour elle en se bornant à relever que les décisions susmentionnées ne fixaient pas de délai sur ce point ; qu'elle ne peut non plus faire valoir que l'ensemble de la procédure de " délocalisation " de l'immeuble propriété des époux A...a été conduite à l'initiative des services de l'Etat dans le département sans qu'elle ne dispose d'une réelle latitude, dès lors qu'elle a expressément approuvé le projet d'acquisition suivi de démolition, et a effectivement perçu la subvention du fonds de prévention ayant cet objet ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Sommières a renoncé, après la libération effective des locaux par leurs occupants, à démolir l'immeuble qu'elle avait acquis auprès des époux A...le 6 septembre 2006, et a conçu et exécuté le projet d'y héberger des associations locales ainsi que, au moins temporairement, un espace ouvert au public à vocation de musée situé en rez-de-chaussée, comme en attestent les constatations opérées par les services de la préfecture du Gard le 16 décembre 2008 ; qu'ainsi, postérieurement à l'octroi de la contribution du fonds de prévention des risques naturels, la commune a modifié le projet pour lequel elle avait reçu la subvention litigieuse, sans avoir préalablement obtenu une modification des conditions de l'octroi des fonds alloués ; qu'au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modifications apportées au projet permettaient de regarder celui-ci comme entrant toujours dans le champ des dépenses éligibles au fonds de prévention des risques naturels en vertu de l'article L. 561-3 I 1° du code de l'environnement, dès lors que si ces dispositions n'imposent pas en effet la démolition systématique des biens acquis par des personnes publiques en raison du risque qu'ils présentent, elles subordonnent en revanche l'éligibilité des dépenses à la condition que celles-ci financent des mesures de prévention visant à réduire l'accès et l'occupation des immeubles concernés et le danger qu'ils causent pour la sécurité des personnes, condition dont la commune de Sommières ne démontre pas qu'elle serait remplie en l'espèce par son nouveau projet de réaffectation du bâtiment principal ;

11. Considérant que, dans ces conditions, le préfet du Gard a pu estimer sans erreur de droit sur la portée des dispositions susmentionnées, et sans erreur d'appréciation, que l'objet de la contribution financière du fonds de prévention des risques naturels n'avait pas été respecté en l'espèce par la commune, et exiger le reversement de la somme correspondante par les décisions litigieuses en application de l'article 15 du décret du 16 décembre 1999 ;

12. Considérant qu'eu égard aux motifs qui précèdent, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants les autres moyens invoqués par la commune de Sommières à l'encontre des décisions relatives au reversement de la subvention perçue, tirés de l'intérêt patrimonial de l'immeuble concerné, des avantages que présenterait son nouveau projet de réaffectation des locaux, de la compatibilité alléguée de ce projet avec les nouvelles prescriptions d'urbanisme applicables au secteur concerné, de la circonstance que l'Etat ait accepté de renoncer à la démolition d'un autre bien de construction ancienne sur le territoire de la commune, et enfin du fait, qui n'est au demeurant aucunement établi, que l'Etat aurait inclus à tort la propriétéA..., au regard du risque qu'elle présente et des solutions alternatives de protection, dans les biens nécessitant les mesures de prévention prévues de l'article L. 561-3 I du code de l'environnement ;

En ce qui concerne le montant de la somme à reverser par la commune à l'Etat :

13. Considérant que la subvention du fonds de prévention des risques naturels attribuée à la commune de Sommières, d'un montant total de 1 049 540,15 euros, incluait pour un montant de 942 763,15 euros le prix d'acquisition de l'immeuble réglé à M. et MmeA..., ainsi que la prise en charge de coûts de " destruction du bâti " pour 64 584 euros, de diagnostic obligatoire pour 493 euros et de frais notariés pour 11 700 euros ; que l'ensemble de ces sommes a toutefois été versé en vue de la réalisation d'un projet unique, consistant en la démolition des bâtiments après leur acquisition afin de prévenir les risques qu'ils présentaient, projet que la commune n'a pas réalisé en l'espèce ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; que celle-ci n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la part de la subvention correspondant au coût d'achat de l'immeuble qu'elle a effectivement versé aux vendeurs devrait lui rester acquise en tout état de cause ; que la circonstance que le prix d'achat versé à M. et Mme A...ait été évalué par les services fiscaux dans le cadre des dispositions spécifiques du code de l'environnement, et soit de ce fait supérieur à la valeur vénale du bien dont la commune se trouve désormais propriétaire compte-tenu des contraintes d'urbanisme et du risque naturel grevant celui-ci, demeure à cet égard sans influence ; que le moyen tiré de ce que le préfet du Gard ne pouvait légalement exiger qu'un remboursement partiel du montant de la subvention allouée le 27 septembre 2006 doit, par suite, être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Sommières n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les conclusions de ses demandes dirigées contre les décisions du préfet du Gard des 23 septembre 2011 et 18 juin 2012 portant mise en demeure et ordre de reverser la somme de 1 049 540,15 euros, ainsi que contre les décisions portant rejet de ses recours gracieux contre les précédentes : que sa requête doit, par suite, être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la commune de Sommières de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par celle-ci dans l'instance et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Sommières est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sommières et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 1er février 2016, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 février 2016.

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N° 14MA03256


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03256
Date de la décision : 22/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Finances communales - Recettes - Subventions.

Nature et environnement - Divers régimes protecteurs de l`environnement - Prévention des crues - des risques majeurs et des risques sismiques.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP BROQUERE- DANTHEZ- DE CLERCQ-COMTE-GUIRAUDOU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-02-22;14ma03256 ?
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