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23/02/2016 | FRANCE | N°14MA03262

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 23 février 2016, 14MA03262


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et Mme D... C...ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1201037 du 22 mai 2014 le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2014 et un mémoire en

réplique enregistré le 11 août 2015, M. et Mme C...puis Mme C... poursuivant l'instance après...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et Mme D... C...ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1201037 du 22 mai 2014 le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2014 et un mémoire en réplique enregistré le 11 août 2015, M. et Mme C...puis Mme C... poursuivant l'instance après le décès de son époux le 18 mars 2015, représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 22 mai 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des majorations dont elles ont été assorties ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme à chiffrer, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- que contrairement à ce que l'administration et le tribunal ont considéré le transfert de propriété du fonds de commerce de la centrale du Moulin de Mousquety est intervenu le 15 novembre 2008 et non le 30 janvier 2009;

- les rehaussements des bénéfices industriels et commerciaux qui leur ont été assignés induisent une double imposition puisqu'ils ont été par ailleurs déclarés par la SARL Moulin de Mousquety, dont ils sont associés et qui a opté pour le régime des sociétés de personnes;

- c'est à tort que l'administration a assorti les rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales des pénalités pour manquement délibéré.

Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 11 décembre 2014 et le 3 septembre 2015, le ministre conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés et au rejet du surplus de la requête de M. et Mme C....

Il soutient qu'au delà des moyens ayant entraîné un dégrèvement, les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.

1. Considérant que M. C... exploitait à titre individuel une centrale hydroélectrique située dans la commune de l'Isle-sur-la-Sorgue au lieudit Moulin de Mousquety ; que, par actes notariés établis le 30 janvier 2009, M. et Mme C... ont cédé à la SARL Moulin de Mousquety le fonds de commerce de centrale hydroélectrique incluant notamment le bénéfice de l'autorisation d'exploitation et du contrat conclu avec EDF pour un montant de 740 000 euros, ainsi que l'ensemble immobilier à usage de centrale hydroélectrique et les droits d'utilisation des eaux de la rivière " La Sorgue " pour un montant de 60 000 euros ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de l'activité individuelle de M. C... portant sur les exercices clos en 2007, 2008 et 2009, les revenus déclarés par M. C... au titre des années 2008 et 2009 ont été respectivement rehaussés, par proposition de rectification du 29 novembre 2010, du montant des bénéfices industriels et commerciaux résultant de 1'exploitation de la centrale hydroélectrique du Moulin de Mousquety pour les périodes allant du 15 novembre 2008 au 31 décembre 2008 et du 1er janvier 2009 au 30 janvier 2009 ; que l'administration a également remis en cause le bénéfice de l'exonération de plus-value de cession prévue par les dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts concernant, d'une part la cession du fonds de commerce et, d'autre part, la cession de l'ensemble immobilier et du droit d'eau, dont M. et Mme C... avaient bénéficié ; que M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 22 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en résultant au titre des années 2008 et 2009 ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par décision du 12 décembre 2014, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques du Var a dégrevé la totalité des impositions litigieuses au titre de l'année 2008, en droits et pénalités, à hauteur de 14 178 euros ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la réintégration dans les résultats de l'exercice clos en 2009 de l'activité exercée à titre individuel par M. C... des produits et charges d'exploitation résultant de 1' exploitation de la centrale hydroélectrique du Moulin de Mousquety pour la période du 1er au 30 janvier 2009 :

3. Considérant que l'acte notarié de cession du fonds de commerce indique expressément que " le cessionnaire est propriétaire du fonds vendu à compter du jour de la signature de l'acte " soit le 30 janvier 2009 ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1583 du code civil : " La vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de plein droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'a pas encore été livrée ni le prix payé " ; qu'il résulte de ces dispositions que la date à laquelle la cession d'un fonds de commerce doit être regardée comme réalisée est celle à laquelle s'opère entre les parties, indépendamment des modalités de paiement, le transfert de propriété ; que ce transfert de propriété a lieu, sauf dispositions contractuelles contraires, à la date où un accord intervient sur la chose et le prix ;

5. Considérant qu'il est constant que l'article 27 des statuts de la SARL Moulin de Mousquety, enregistrés au service des impôts des entreprises de Toulon-Est le 12 décembre 2008, mentionnent un prix de cession du fonds de commerce s'établissant à 1 000 000 euros ; que ce prix est différent de celui mentionné dans l'acte notarié du 30 janvier 2009, soit 740 000 euros ; que, dès lors, il n'est pas établi qu'un accord sur la chose et le prix serait intervenu avant le 30 janvier 2009, date de l'acte authentique de cession du fonds litigieux ; que, par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la cession du fonds de commerce était parfaite dès le 15 novembre 2008 ;

6. Considérant, toutefois, que l'acte de cession établi par acte notarié, également le 30 janvier 2009, concernant la cession de l'ensemble immobilier à usage de centrale hydro-électrique et du droit d'usage de l'eau de la rivière, élément indissociable du droit d'exploiter l'installation inclus dans le fonds de commerce, indique expressément que " l'acquéreur est propriétaire du bien vendu à compter rétroactivement du 15 novembre 2008 " ; que l'acte de cession du fonds de commerce précise que la cession porte sur un fonds de commerce de centrale hydro-électrique " dans des locaux acquis ce jour même par le cessionnaire " soit le 30 janvier 2009 avec effet rétroactif au 15 novembre 2008 ; que l'avenant au contrat d'achat d'électricité conclu avec EDF établi le 30 septembre 2009 mentionne que la SARL Moulin de Mousquety est substituée dans les droits et obligations des époux C...à compter du 15 novembre 2008 ; que la déclaration prévue au b du II de l'article 1477 du code général des impôts relative au changement d'exploitant a été effectuée le 14 décembre 2008 ; qu'a également été versée aux débats une attestation du notaire qui a rédigé l'acte de cession du fonds de commerce du 30 janvier 2009, indiquant que " par une simple erreur matérielle, il a été porté dans l'acte de vente du fonds de commerce que le transfert de propriété intervenait " à compter de ce jour " alors qu'en réalité, le transfert de propriété (...) intervenait au 15 novembre 2008 (volonté incontestable des parties dès cette date) " ; que l'administration fiscale a indiqué qu'une rectification à l'acte du 30 janvier 2009 avait été faite par acte notarié du 29 avril 2011 mentionnant que " les comparants précisent que c'est à tort et par suite d'une erreur matérielle qu'il a été indiqué dans l'acte ci-dessus que le transfert de propriété intervenait " à compter de ce jour, le 30 janvier 2009 " alors qu'en réalité ce transfert de propriété est intervenu comme le transfert de jouissance le 15 novembre 2008 " ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il doit être regardé comme suffisamment établi, alors même que certains des documents en cause ont été établis postérieurement au contrôle, que, si la vente ne pouvait être regardée comme parfaite au sens des dispositions précitées du code civil dès le 15 novembre 2008, les parties contractantes ont entendu faire rétroagir la cession du fonds de commerce conclue le 30 janvier 2009 pour que cette dernière prenne effet à la date du 15 novembre 2008 ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un bilan doit être établi à la date de clôture de chaque période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt et que ce bilan doit exprimer de manière régulière et sincère la situation de l'entreprise, telle qu'elle résulte à cette date des opérations de toute nature faites par l'entreprise ; que si, parmi ces opérations, figurent des contrats conclus avec des tiers dans le cadre d'une gestion commerciale normale, les conséquences de ces contrats pour l'entreprise, qu'il s'agisse des droits et des obligations résultant de leurs stipulations ou des profits et des charges entraînés par leur exécution, doivent donc être reprises dans le bilan établi à la date de clôture de la période au cours de laquelle les contrats ont été conclus, mais ne peuvent l'être dans le bilan précédent, expression de la situation de l'entreprise à une date à laquelle les contrats n'étaient pas encore conclus ; que, par suite, lorsqu'un effet rétroactif est attaché à ces contrats par la volonté des parties ou par la loi civile ou commerciale, les conséquences de cette rétroactivité peuvent affecter les résultats de la période au cours de laquelle de pareils contrats ont été effectivement conclus, mais ne peuvent en aucun cas conduire à rectifier ceux de la période précédente ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que si l'effet rétroactif attaché au contrat de cession du fonds de commerce ne pouvait en aucun cas conduire à rectifier les résultats de l'exercice clos en 2008, exercice précédent celui au cours duquel la cession du fonds de commerce a été effectivement conclue, la rétroactivité voulue par les parties pouvait, en revanche, affecter les résultats de l'exercice clos en 2009, au cours duquel le contrat est intervenu ; qu'il en résulte que c'est à tort que l'administration a refusé de tenir compte des conséquences pour l'entreprise de la rétroactivité que les parties avaient entendu conférer au contrat conclu le 30 janvier 2009 et a rattaché les profits et charges réalisés entre le 1er et le 30 janvier 2009 à l'activité exploitée à titre individuel par M. C..., pour un montant en base de 2 115 euros ; que Mme C... est, par suite, fondée à demander la décharge des suppléments d'impôt résultant de ce rattachement, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'existence d'une double imposition ;

Sur le rattachement des plus-values de cession à l'exercice clos en 2009 :

9. Considérant que, pour les motifs exposés aux points précédents, l'administration a pu à bon droit considérer que les plus-values réalisées par M. et Mme C... à l'occasion de ces cessions étaient imposables au titre de l'année 2009, la rétroactivité voulue par les parties n'étant pas susceptible d'exercer une quelconque influence sur le bilan de clôture de l'exercice précédent l'exercice 2009, au cours duquel la vente a été conclue ;

Sur les pénalités :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; que les dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales imposent à l'administration de prouver que les inexactitudes ou omissions qu'elle relève résultent d'un manquement délibéré et d'établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à ses obligations ;

11. Considérant qu'à cette fin, l'administration fait valoir qu'à la date de l'acte notarié constatant la cession de la centrale hydro-électrique du Moulin de Mousquety, M. C... ne pouvait ignorer que la moyenne des chiffres d'affaires réalisés au cours des années 2007 et 2008 rendait la plus-value de cession imposable en application des dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts, alors qu'en faisant rétroagir l'acte de cession en 2008 ladite plus-value était exonérée en application des mêmes dispositions ; qu'il résulte toutefois de l'instruction et notamment de l'attestation notariée versée aux débats et des échanges de correspondance entre M. C... et son notaire que la cession du fonds de commerce a été envisagée dès le mois d'octobre 2008 et les démarches engagées à cette fin à la même période ; que les délais nécessaires pour la préparation de l'acte authentique de vente et les démarches préalables relevant de l'étude du notaire ont imposé que les parties s'accordent pour donner effet à la cession à une date antérieure à celle à laquelle la convention a été, compte tenu des délais nécessaires à l'élaboration de l'acte, définitivement conclue, comme il leur était loisible de le faire ; que si la rétroactivité ainsi souhaitée par les parties ne pouvait être fiscalement opposée à l'administration, les circonstances évoquées par l'administration ne suffisent pas à démontrer que l'omission déclarative constatée en 2009 procèderait d'une intention délibérée d'éluder l'impôt dû au titre de la plus-value réalisée en 2009 plutôt que d'une simple méconnaissance commise de bonne foi, de la spécificité des règles applicables aux cessions avec effet rétroactif ; que Mme C... est, par suite, fondée à demander à être déchargée de ces majorations ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les appelants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande en tant qu'elle portait sur la réintégration des produits et charges d'exploitation pour la période du 1er au 30 janvier 2009 dans l'exercice comptable clos en 2009 de l'activité exercée à titre individuel par M. C... et sur les pénalités pour manquement délibéré ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des requérants présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance pour un montant de 14 178 (quatorze mille cent soixante-dix-huit) euros.

Article 2 : La base de l'imposition à l'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme C... ont été assujettis au titre de l'année 2009 est réduite d'une somme de 2 115 (deux mille cent quinze) euros.

Article 3 : Mme C... et la succession de M. C... sont déchargés des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 2 ci-dessus, ainsi que des pénalités qui ont été infligées au foyer fiscal sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 22 mai 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C..., à la succession de M. B... C...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 5 février 2016, où siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 23 février 2016.

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N° 14MA03262 7

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03262
Date de la décision : 23/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Questions communes.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : PERRET

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-02-23;14ma03262 ?
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