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06/04/2016 | FRANCE | N°14MA01811

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 06 avril 2016, 14MA01811


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté en date du 14 décembre 2011 par lequel le maire de la commune de La Seyne-sur-Mer a délivré un permis de construire à la SARL " Pompes funèbres Lévêque ".

Par un jugement n° 1201351 du 13 mars 2014, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 14MA01811, le 25 avril 2014, et un mémoire enregistré le 22 janvier

2016, la commune de La Seyne-sur-Mer, représentée par la société d'avocats LLC et associés, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté en date du 14 décembre 2011 par lequel le maire de la commune de La Seyne-sur-Mer a délivré un permis de construire à la SARL " Pompes funèbres Lévêque ".

Par un jugement n° 1201351 du 13 mars 2014, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 14MA01811, le 25 avril 2014, et un mémoire enregistré le 22 janvier 2016, la commune de La Seyne-sur-Mer, représentée par la société d'avocats LLC et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 mars 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable car tardive ;

- Mme C... n'avait pas intérêt pour agir en première instance ;

- le projet ne méconnaît pas les dispositions des articles N 7, N 9 et N 10 du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2015, Mme C..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de La Seyne-sur-Mer la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 14MA02039 le 7 mai 2014, et un mémoire enregistré le 25 janvier 2016, la société à responsabilité limitée (SARL) " Pompes funèbres Lévêque ", représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 mars 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable car tardive et dès lors que le recours gracieux n'avait pas fait l'objet d'une notification régulière ;

- Mme C... n'avait pas intérêt pour agir en première instance ;

- le projet ne méconnaît pas les dispositions des articles N 7, N 9 et N 10 du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2015, Mme C..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de La Seyne-sur-Mer la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille qui désigne Mme Muriel Josset, présidente-assesseure de la 1ère chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Jean-Louis d'Hervé, président de la 1ère chambre.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gonneau, premier conseiller,

- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,

- et les observations de MeG..., représentant la commune de La-Seyne-Sur-Mer, de MeA..., représentant la SARL " Pompes funèbres Lévêque ", et de Me E..., représentant MmeC....

1. Considérant que les requêtes susvisées tendent à l'annulation d'un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

2. Considérant que, par un arrêté en date du 14 décembre 2011, le maire de la commune de La Seyne-sur-Mer a délivré à la SARL " Pompes funèbres Lévêque " un permis de construire un crématorium ; que la commune de La Seyne-sur-Mer et la SARL " Pompes funèbres Lévêque " relèvent appel du jugement du 13 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision à la demande de Mme C... ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R.*600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, ( ...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R.*424-15. " ; qu'aux termes de l'article R.*424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. (...) " ; qu'aux termes de l'article A. 424-17 du même code : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : "Droit de recours : "Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). "Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme)." " ;

4. Considérant, d'une part, que la production du certificat de dépôt du courrier, en date du 13 février 2012, par lequel Mme C... a notifié le recours gracieux qu'elle avait introduit à l'encontre du permis de construire en litige, suffit à justifier de l'accomplissement de la formalité de notification prescrite par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, sans que l'auteur du recours ait à produire l'accusé de réception y afférent ; que l'accomplissement régulier de cette formalité a ainsi prorogé le délai de recours contentieux ; que, d'autre part, la demande présentée devant le tribunal administratif a fait l'objet d'une notification régulière ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la demande de première instance était irrecevable, en ce qu'elle était tardive et en ce que les formalités prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'ont pas été respectées, doivent être écartés ;

5. Considérant que l'installation en litige, dotée d'un parking public de soixante-dix places, est équipé pour procéder à 1 500 crémations par an, donnant lieu, pour partie au moins, à des cérémonies funéraires ; que l'accès public au crématorium doit s'effectuer par une voie longeant la propriété de Mme C... et située, au droit de sa maison d'habitation, à une dizaine de mètres de celle-ci ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce chemin, étroit et non goudronné avant son aménagement pour les besoins du projet, supportait un trafic automobile très faible ; que l'édification du crématorium a donc pour effet de créer un trafic automobile nouveau, très proche de l'habitation de Mme C..., et de nature à générer des nuisances, au regard du nombre de places de stationnement prévu, et dès lors que, selon la société " Pompes funèbres Lévêque ", le nombre de cérémonies auxquelles assisterait du public serait en moyenne de deux par jour ; qu'en raison de la configuration des lieux, de l'ampleur et de la nature du projet, et de l'augmentation du trafic qu'il devrait induire, Mme C... justifie d'un intérêt à agir, ainsi qu'en a jugé à bon droit le tribunal, et ce alors même que la maison d'habitation de l'intéressée est située au sein d'un secteur industriel et commercial et en bordure d'une installation ferroviaire et de l'avenue Robert-Brun, supportant un trafic important ;

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Considérant qu'aux termes de l'article N 9 du plan local d'urbanisme : " (...) L'emprise au sol des constructions ne doit pas excéder quinze pour cent du terrain (...) " ; qu'aux termes de l'article R.*423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 442-1 du même code : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis. " ;

7. Considérant que la commune de La Seyne-sur-Mer a prévu de réaliser le nouveau cimetière et le crématorium sur des parcelles d'un seul tenant développant 47 290 m² ; qu'en l'absence de détachement, par une division foncière, des parcelles destinées à l'édification du crématorium, la demande de permis de construire devait, notamment pour l'appréciation de la condition posée à l'article N 9 précité, porter sur la totalité de cette unité foncière, conformément à ce qu'a fait la SARL " Pompes funèbres Lévêque ", mandataire du groupement concessionnaire du crématorium à bâtir, et ce même si le contrat de concession ne mettait à la disposition du concessionnaire qu'une surface de 5 011 m² pour réaliser et exploiter le bâtiment ; que c'est ainsi à tort que les premiers juges ont déterminé l'emprise de la construction au regard de cette dernière surface et ont, par suite, jugé que le permis de construire en litige méconnaissait les dispositions de l'article N 9 précité ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article N 7 du plan local d'urbanisme : " La distances des constructions (...) au point le plus proche des limites séparatives doit être au moins égale à la hauteur de la construction (...) " ; qu'aux termes de l'article N 10 du même plan : " (...) La hauteur des constructions ne peut excéder six mètres à l'égout du toit et neuf mètres au faîtage (...) " ; qu'aux termes de ces deux articles, ces dispositions ne s'appliquent pas " aux ouvrages, bâtiments et équipements publics lorsque leurs caractéristiques techniques l'imposent. " ;

9. Considérant qu'il ressort de la notice architecturale, que l'appel d'offres pour la concession du crématorium précisait que le bâti devra former une barrière visuelle en limite de propriété au Sud afin de créer un écran, et cacher ainsi les installations techniques voisines ; que cette même notice indique : " L'intégration du projet a été conçue de manière à masquer les nuisances sonores et visuelles du centre de tri de Véolia aussi bien par rapport à l'accès du cimetière depuis le Nord de la parcelle que par rapport au cheminement d'accès au crématorium grâce au " bâtiment-faille " rendant plus paisible le rapport au voisinage. C'est pour cette raison que nous avons choisi de positionner les éléments du programme demandant une hauteur sous plafond importante en partie Sud de la parcelle (situé à 4,10 m de la limite séparative) afin de masquer et de limiter les différentes nuisances engendrées par le centre de tri de Véolia. Cet élément demandé au programme par la commune de la Seyne-sur-Mer engendre, de part le dénivelé important du terrain naturel une hauteur partielle du bâtiment de 9,40 m " ; qu'ainsi la méconnaissance des articles N 7 et N 10 précités, par l'implantation à 4,10 mètres de la limite séparative Sud d'un bâtiment d'une hauteur de 9,40 mètres, résulte d'un parti pris architectural, esthétique et fonctionnel, et non pas des caractéristiques techniques propres au bâtiment ; que la SARL " Pompes funèbres Lévêque " fait valoir, d'une part, que devaient se situer à l'Ouest, la partie technique du crématorium, pour des raisons de lutte contre l'incendie, et les salles de cérémonie, pour des raisons d'isolation acoustique par rapport aux voies d'accès, et que, d'autre part, les éléments demandant une hauteur de plafond plus importante ont été placés au Sud pour servir de barrière acoustique ; que, toutefois, elle ne justifie ni que seule cette implantation permettait de satisfaire aux prescriptions réglementaires en matière de lutte contre l'incendie et en matière acoustique, ni que l'isolation des bâtiments n'était pas réalisable autrement ; qu'ainsi, elle n'établit pas que les caractéristiques techniques des bâtiments imposaient leur implantation à une distance de la limite séparative Sud inférieure à celle requise par les dispositions précitées ; que, par ailleurs, les prescriptions réglementaires en matière d'évacuation des fumées ne sont pas de nature à justifier la hauteur du bâtiment Sud, dès lors que l'article N 10 ne s'applique pas aux éléments techniques comme les cheminées ; que c'est par suite à bon droit, que les premiers juges ont retenu l'illégalité tenant à la méconnaissance des dispositions des articles N 7 et N 10 du plan local d'urbanisme ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Seyne-sur-Mer et la SARL " Pompes funèbres Lévêque " ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administratif :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent la commune de La Seyne-sur-Mer et la SARL " Pompes funèbres Lévêque " au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Seyne-sur-Mer le versement à Mme C... de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes présentées par la commune de La Seyne-sur-Mer et la SARL " Pompes funèbres Lévêque " sont rejetées.

Article 2 : La commune de La Seyne-sur-Mer versera à Mme C... la somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Seyne-sur-Mer, la SARL " Pompes funèbres Lévêque " et Mme F... C....

Délibéré après l'audience du 17 mars 2016, à laquelle siégeaient :

Mme Josset, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme B..., première conseillère,

M. Gonneau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 avril 2016.

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N° 14MA01811, 14MA02039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01811
Date de la décision : 06/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-02-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation locale. POS ou PLU (voir supra : Plans d`aménagement et d`urbanisme).


Composition du Tribunal
Président : Mme JOSSET
Rapporteur ?: M. Pierre-Yves GONNEAU
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : CABINET LOTZ - SEYFRITZ ; CABINET LOTZ - SEYFRITZ ; CABINET LOTZ - SEYFRITZ

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-04-06;14ma01811 ?
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