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13/05/2016 | FRANCE | N°15MA01608

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 13 mai 2016, 15MA01608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, dans une instance enregistrée sous le n° 0808263, d'annuler la décision du 24 septembre 2008, par laquelle le maire de la commune d'Embrun lui a infligé la sanction de l'avertissement, et de condamner la commune d'Embrun à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi de son fait et, d'autre part, dans une instance enregistrée sous le n° 0903629, d'annuler la décision en date du 6 avril 200

9 par laquelle le maire de la commune d'Embrun lui a infligé la sanction ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, dans une instance enregistrée sous le n° 0808263, d'annuler la décision du 24 septembre 2008, par laquelle le maire de la commune d'Embrun lui a infligé la sanction de l'avertissement, et de condamner la commune d'Embrun à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi de son fait et, d'autre part, dans une instance enregistrée sous le n° 0903629, d'annuler la décision en date du 6 avril 2009 par laquelle le maire de la commune d'Embrun lui a infligé la sanction de l'avertissement, et de condamner la commune d'Embrun à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi de son fait.

Par un jugement n° 0808263-0903629 du 18 octobre 2010, le tribunal administratif de Marseille a prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... dans l'instance n° 0808263, rejeté le surplus de ses conclusions dans ladite procédure, et rejeté la demande présentée par l'intéressée dans l'instance n° 0903629.

Par un arrêt n° 10MA04458 du 10 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de Mme A... dirigée contre le jugement n° 0808263-0903629 du 18 octobre 2010 du tribunal administratif de Marseille.

Par une décision n° 375745 du 25 mars 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 10 décembre 2013 en tant qu'il rejette les conclusions de l'appel de Mme A... dirigées contre l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 octobre 2010, et renvoyé l'affaire devant la Cour, dans la mesure de la cassation prononcée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2010, et un mémoire complémentaire, enregistré le 11 mars 2013, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 18 octobre 2010 ;

2°) d'annuler la sanction dont Mme A... a fait l'objet le 6 avril 2009 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Embrun la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Marseille n'a pas suffisamment motivé son jugement pour écarter les moyens qu'elle a soulevés dans sa demande d'annulation ;

- elle n'a jamais pu s'expliquer sur le grief qui lui a été adressé d'avoir jeté par la fenêtre un courrier municipal car ce grief n'a jamais été porté à sa connaissance ;

- la procédure disciplinaire a ainsi méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en outre, le rapport disciplinaire du 4 juin 2008 a été établi de manière non contradictoire ;

- la décision attaquée a été prise en méconnaissance de la règle non bis in idem ;

- la sanction contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette sanction est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2013, et un mémoire complémentaire, enregistré le 31 octobre 2013, la commune d'Embrun, représentée par la SELARL CDMF avocats affaires publiques, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la règle non bis in idem n'a pas été méconnue ;

- les droits de la défense ont été respectés ;

- les faits reprochés à l'intéressée sont établis ;

- la circonstance que l'intéressée aurait été victime d'une agression est sans influence sur la légalité de la sanction contestée ;

Par un mémoire, enregistré le 12 juin 2015 après la décision de renvoi, la commune d'Embrun a conclu, par les mêmes motifs, aux mêmes fins que ses mémoires susvisés.

Par un mémoire, enregistré le 29 juin 2015 après la décision de renvoi, Madame A...a conclu, par les mêmes moyens, aux mêmes fins que ses précédentes écritures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Portail, président-assesseur,

- les conclusions de Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant Mme A..., et de Me E..., représentant la commune d'Embrun.

Sur l'étendue du litige :

1. Considérant que, par un arrêt du 10 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de Mme A... dirigée contre le jugement du 18 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille, d'une part, a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de l'intéressée tendant à l'annulation de la décision du maire de la commune d'Embrun du 24 septembre 2008 prononçant à son encontre la sanction de l'avertissement et rejeté les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... dans sa demande, enregistrée au greffe du tribunal sous le n° 0808263 et, d'autre part, a rejeté sa demande de première instance, enregistrée sous le n° 0903629 ; que, par une décision du 25 mars 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en ce qu'il a rejeté la requête dirigée contre l'article 3 du jugement du 18 octobre 2010 rejetant les conclusions présentées par Mme A... dans l'instance n° 0903629, et a renvoyé dans cette mesure l'affaire devant la présente Cour ; que la cour administrative d'appel de Marseille ne demeure, dès lors, saisie d'une requête d'appel qu'en tant que le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande par laquelle Mme A... demandait l'annulation de la décision du 6 avril 2009 du maire de la commune d'Embrun prononçant à son encontre la sanction de l'avertissement et la condamnation de la commune d'Embrun à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité fautive de cette décision ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'en vertu de l'article L. 9 du code de justice administrative, les jugements doivent être motivés ;

3. Considérant que le tribunal administratif de Marseille a relevé dans son jugement que Mme A... a refusé de se conformer aux obligations découlant de sa fiche de poste en refusant de donner les clés des salles municipales à leurs utilisateurs et a jeté par la fenêtre la lettre remise par un policier municipal par laquelle l'adjoint au maire de la commune d'Embrun l'avait rappelée à ses obligations ; qu'il en a déduit que de tels agissements étaient constitutifs d'un refus d'obéissance caractérisé et qu'ils étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que, par ailleurs, il a pris en compte l'agression du 16 juillet 2008 dont a été victime Mme A... et a précisé que cet évènement n'était de nature à établir l'existence ni d'un harcèlement moral imputable aux services de la commune d'Embrun envers Mme A... ni d'un détournement de pouvoir ; qu'il a ainsi suffisamment motivé son jugement ;

Sur la légalité de la décision du 6 avril 2009 portant sanction de l'avertissement :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Considérant que l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'énonce aucune règle ou aucun principe dont le champ d'application s'étendrait au-delà des procédures contentieuses suivies devant les juridictions et qui gouvernerait l'élaboration ou le prononcé de sanctions, quelle que soit la nature de celles-ci, par les autorités administratives qui en sont chargées par la loi ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation de ces stipulations doit être écarté ;

5. Considérant que, par lettre du 17 mars 2009, reçue le 18 mars 2009 par l'intéressée, le maire de la commune d'Embrun a, d'une part, informé Mme A... de l'ensemble des griefs qui lui étaient reprochés, et notamment le fait pour l'intéressée d'avoir jeté par la fenêtre, le 26 mai 2008, une lettre de l'autorité municipale qui la rappelait à ses obligations professionnelles, et, d'autre part, l'a invitée à présenter ses observations sur la sanction qui était envisagée à son encontre ; qu'à cette lettre était joint le rapport disciplinaire établi le 4 juin 2008 à l'encontre de MadameA... ; que la circonstance que cette dernière n'aurait pas été entendue avant l'établissement de ce rapport n'a pas été de nature à porter atteinte aux droits de la défense dès lors que ce rapport lui a été communiqué et qu'elle a été mise ainsi à même d'en discuter le contenu ; que le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit, dès lors, être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

6. Considérant que la règle dite " non bis in idem ", qui interdit de sanctionner deux fois un agent public à raison des mêmes faits, ne fait pas obstacle à ce que l'administration, après avoir retiré une sanction en raison du vice de forme qui l'entache, prenne, à nouveau, une sanction en se fondant sur les mêmes faits à l'origine de la première sanction ; que le maire de la commune d'Embrun a retiré le 26 février 2009 la sanction de l'avertissement infligée le 24 septembre 2008 à Mme A... ; que du fait de ce retrait, devenu définitif, cette première sanction a disparu de l'ordonnancement juridique ; que le maire de la commune d'Embrun était dès lors en droit de fonder une nouvelle sanction sur certains des faits à l'origine de la sanction du 24 septembre 2008 ;

7. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

8. Considérant que si Mme A... soutient qu'elle n'a pas refusé de remettre les clés aux utilisateurs des salles municipales, elle ne conteste pas avoir déposé les 26 et 27 mai 2008 à la mairie les clés qui lui avaient été confiées pour être remises aux utilisateurs des salles municipales, après qu'une lettre de l'adjoint au maire d'Embrun du 26 mai 2008 lui a rappelé que cette mission lui incombait ; qu'elle ne conteste pas utilement avoir jeté par la fenêtre de son bureau cette lettre, ainsi qu'en a attesté dans un rapport le policier municipal chargé de lui remettre ce pli ; que ces faits caractérisent un refus d'obéissance hiérarchique et une désinvolture de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation. Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline. Ce pouvoir est exercé dans les conditions prévues à l'article 19 du titre Ier du statut général. L'autorité territoriale peut décider, après avis du conseil de discipline, de rendre publics la décision portant sanction et ses motifs. (...) " ;

10. Considérant qu'en prenant à l'encontre de Mme A... un avertissement, sanction la plus basse dans l'échelle prévue par les dispositions précitées de l'article 89 la loi du 26 janvier 1984, le maire de la commune d'Embrun a pris une sanction proportionnée à la gravité des fautes commises par l'intéressée ;

11. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

12. Considérant que si Mme A... soutient que les salles municipales n'étaient pas occupées le 28 mai 2008 en produisant un planning de leur utilisation, et qu'il ne peut dès lors lui être reproché de ne pas avoir mis ce jour là les clés à disposition des usagers et d'avoir contraint un agent de la commune à se déplacer pour remettre ces clés aux utilisateurs des salles, le maire de la commune d'Embrun a pu légalement infliger la sanction de l'avertissement à Mme A... en se fondant sur les seuls faits qui se sont produits les 26 et 27 mai 2008 ;

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

13. Considérant que Mme A... n'établissant pas l'illégalité de la décision du 6 avril 2009 par laquelle la commune d'Embrun lui a infligé la sanction de l'avertissement, elle n'établit pas l'existence d'une faute de ladite commune de nature à engager sa responsabilité ; que ses conclusions aux fins d'indemnisation ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2009 et à la condamnation de la commune d'Embrun à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de cette décision ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la requérante demande au titre de ses frais non compris dans les dépens, soit mise à la charge de la commune d'Embrun qui n'est, dans la présente instance, ni partie perdante, ni tenue aux dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... une somme en application de ces dispositions au titre des frais exposés par la commune d'Embrun et non compris dans les

dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Embrun tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et à la commune d'Embrun.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2016, où siégeaient :

Mme Buccafurri, présidente de chambre,

M. Portail, président-assesseur,

Mme Giocanti, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mai 2016.

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N° 15MA01608


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA01608
Date de la décision : 13/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL CDMF - AVOCATS ; SELARL CDMF - AVOCATS ; ABAHRI

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-05-13;15ma01608 ?
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