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23/06/2016 | FRANCE | N°14MA04621

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 14MA04621


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Marseille la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 et des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1300199 du 16 septembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2014 et des mémoires enregistrés le 27 juillet 2015 et le 4 mai 2016, M.

C..., représenté par Me D... puis par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Marseille la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 et des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1300199 du 16 septembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2014 et des mémoires enregistrés le 27 juillet 2015 et le 4 mai 2016, M. C..., représenté par Me D... puis par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 septembre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- ses prestations de graphiste sur mangas japonais relèvent du régime applicable aux cessions de droits assimilés à des droits d'auteur, en tant qu'oeuvres de l'esprit reposant sur une démarche intellectuelle complète au sens de l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;

- il doit bénéficier de l'exonération prévue à l'article 259 B du code général des impôts pour les prestations qu'il a effectuées au profit de clients installés en Belgique ;

- le taux réduit visé au g. de l'article 279 du code général des impôts est applicable à ses prestations ;

- il est affilié au régime social des artistes-auteurs depuis le 1er novembre 1990 qui ne s'applique qu'aux auteurs de traductions, d'adaptations et illustrations ;

- l'instruction administrative référencée 3 A-15-91 du 9 octobre 1991 admet l'éligibilité au taux réduit des personnes ayant la qualité d'auteur d'oeuvres de l'esprit ;

- le tribunal administratif aurait dû appliquer un régime objectif de charge de la preuve.

Par des mémoires en défense enregistrés le 17 mars 2015, le 18 janvier 2016 et le 26 mai 2016, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli,

- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. C....

1. Considérant que M. C..., qui exerce une activité d'adaptateur, graphiste et typographiste de bandes dessinées de type mangas japonais, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 ; que l'administration fiscale a remis en cause l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée appliqué par le redevable aux prestations de services rendues aux éditeurs établis en France ainsi que l'absence de soumission à la taxe sur la valeur ajoutée en France des prestations rendues selon le redevable à des éditeurs établis en Belgique et a, par suite, taxé les opérations correspondantes au taux normal ; que M. C... relève appel du jugement du 16 septembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, à la suite de ce contrôle, et des intérêts de retard correspondants ;

Sur la territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) " ; qu'aux termes de l'article 259 du même code dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en cause : " Le lieu des prestations est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu (...) " ; que l'article 259 B du même code dans sa rédaction applicable à la même période dispose : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable : (...) 1° Cessions et concessions de droits d'auteur (...) / Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté " ; qu'aux termes de l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle : " Sont considérés notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code : (...) 8° Les oeuvres graphiques et typographiques " et qu'aux termes de l'article L. 112-3 du même code : " Les auteurs de traductions, d'adaptations, transformations ou arrangements des oeuvres de l'esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l'auteur de l'oeuvre originale (...) " ;

3. Considérant que l'administration fiscale a entendu soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée la facturation des travaux d'adaptation graphique de M. C... au motif que ces opérations ne rémunéraient pas des cessions de droits d'auteurs mais de simples prestations techniques de nature artistique ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, même si les travaux graphiques ou typographiques réalisés par M. C... se rattachent à des oeuvres originales préexistantes, ces travaux ont pour objet, dans le respect des mangas originaux, d'assurer une meilleure lisibilité de ces oeuvres pour les lecteurs francophones et supposent la création typographique d'onomatopées, image par image, phylactère par phylactère, le cas échéant avec modification de la mise en page et de certains éléments des dessins originaux ; que de tels travaux doivent être regardés, compte tenu de leur caractère personnel et original, comme comportant de la part de leur auteur une activité de création à l'origine d'oeuvres de l'esprit telles que celles désignées au 8° de l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle, l'article L. 112-3 du même code étendant aux auteurs d'adaptations la protection dont bénéficient les auteurs d'oeuvres originales ; qu'en outre, les prestations ayant été réalisées au profit de preneurs assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée en Belgique, le requérant doit être regardé comme ayant effectué des cessions de droits d'auteur au profit de preneurs assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté et comme pouvant à ce titre bénéficier des dispositions dérogatoires résultant de la combinaison du 1° et du dernier alinéa de l'article 259 B du code général des impôts ;

Sur l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 279 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période en litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne : (...) / g. Les cessions des droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs des oeuvres de l'esprit (...) " ; qu'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les recettes réalisées par un redevable entrent dans le champ d'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans celui du taux normal de cette taxe ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, comme il a été dit au point 4, les travaux graphiques réalisés par M. C... doivent être regardés, compte tenu de leur caractère personnel et original, comme comportant de la part de leur auteur une activité de création à l'origine d'oeuvres de l'esprit telles que celles désignées au 8° de l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ; que, par suite, c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée pratiqué par le redevable sur le fondement des dispositions du g. de l'article 279 du code général des impôts ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1300199 du tribunal administratif de Marseille du 16 septembre 2014 est annulé.

Article 2 : Il est accordé à M. C... la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 ainsi que des intérêts de retard correspondant.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bédier, président de chambre,

- Mme Markarian, premier conseiller,

- M. Haïli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 juin 2016.

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N° 14MA04621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA04621
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : VERMOT-DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-06-23;14ma04621 ?
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