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30/06/2016 | FRANCE | N°14MA00714

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 30 juin 2016, 14MA00714


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif de Gestion de dépôts d'hydrocarbures a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la société Sogea Sud, le syndicat intercommunal à vocation multiple de la mer et des étangs, la communauté d'agglomération du bassin de Thau, la commune de Sète et la société Axa Courtage Iard son assureur, la société Geom 7- cabinet Tarroux et la société Covea Risk son assureur à lui verser la somme à actualiser de 5 692 687,02 euros TTC au titre des fr

ais qu'elle a dû engager du fait de la pollution d'une zone par hydrocarbures en j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif de Gestion de dépôts d'hydrocarbures a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la société Sogea Sud, le syndicat intercommunal à vocation multiple de la mer et des étangs, la communauté d'agglomération du bassin de Thau, la commune de Sète et la société Axa Courtage Iard son assureur, la société Geom 7- cabinet Tarroux et la société Covea Risk son assureur à lui verser la somme à actualiser de 5 692 687,02 euros TTC au titre des frais qu'elle a dû engager du fait de la pollution d'une zone par hydrocarbures en janvier 2003 résultant des dégâts occasionnés sur l'oléoduc 20 qu'elle exploite à la suite de la réalisation de travaux publics.

Par un jugement n° 1105406 du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a, par son article 1er, mis hors de cause la société Axa France Iard, par son article 2, ordonné une expertise par un expert comptable et par son article 3, mis à la charge définitive de la société de Gestion de dépôts d'hydrocarbures les frais d'expertise d'un montant total de 64 402,94 euros.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 14MA00714 le 17 février 2014 et par des mémoires enregistrés les 2 septembre 2015, 25 novembre 2015 et 22 février 2016, la société de gestion de dépôts d'hydrocarbures, représentée par la Selas Exeme Environnement, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement n° 1105406 du 17 décembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a fixé sa part de responsabilité à 50 %, qu'il a limité les bases de son indemnisation et qu'il a mis la totalité des frais d'expertise à sa charge ;

2°) de condamner solidairement la société Sogea Sud, la communauté d'agglomération du bassin de Thau, la commune de Sète, la société Geom 7-cabinet Tarroux et la société Covea Risk à lui verser la somme totale de 6 841 405 euros HT assortie des intérêts au taux légal, en réparation de ses préjudices et de rejeter l'ensemble des demandes des parties ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la société Sogea Sud, de la communauté d'agglomération du bassin de Thau, de la commune de Sète, de la société Geom 7-cabinet Tarroux et de la société Covea Risk les frais de l'expertise, soit la somme de 64 402,94 euros ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la société Sogea Sud, de la communauté d'agglomération du bassin de Thau, de la commune de Sète, de la société Geom 7-cabinet Tarroux et de la société Covea Risk la somme de 151 670,53 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier pour trancher le fond du litige dans ses motifs sans en faire état dans son dispositif ;

- les premiers juges ont statué ultra petita sur le lien de causalité entre le remplacement d'une section de l'oléoduc détérioré et le dommage ;

- elle a la qualité de tiers par rapport aux travaux publics à l'origine du litige ;

- le régime de la responsabilité sans faute est applicable ;

- elle n'a pas commis de négligences à l'origine de la survenance du sinistre ;

- le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 ne lui imposait pas de fournir un plan précis du tracé de l'oléoduc ;

- aucune disposition légale n'impose aux dépôts pétroliers d'installer un système fiable de comptage des volumes en entrée et en sortie de l'oléoduc permettant de déceler rapidement une fuite ;

- en tout état de cause, les participants aux travaux publics ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité ;

- le fait générateur du dommage engage la pleine responsabilité pour faute de l'entrepreneur, la société Sogea Sud ;

- la société Sogea Sud ne lui a pas signalé les coups de godet de la pelle sur l'oléoduc ;

- la société Sogea Sud aurait dû effectuer un nouveau sondage à la suite du nouveau tracé d'implantation de l'ouvrage public ;

- le cabinet de géomètre Tarroux n'a pas contrôlé la localisation réelle du tracé de l'oléoduc lors de son relevé topographique ;

- le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage ont aussi commis des négligences à l'origine du sinistre en n'imposant pas de réaliser un nouveau sondage avant de débuter les travaux et d'accepter le tracé alternatif de l'ouvrage public ;

- sur le partage de responsabilité, la société Sogea Sud devra supporter la majeure partie de la responsabilité totale, le reste devant être partagé entre le cabinet Tarroux, la commune de Sète et la communauté d'agglomération ;

- les frais de remplacement de la portion d'une centaine de mètres détériorée de l'oléoduc présente un lien de causalité direct avec les dommages occasionnés à l'oléoduc ;

- les frais de dépollution du site entrepris depuis onze ans et le surcoût engendré par la dépollution supplémentaire des polychlorobiphényles (PCB) présents dans le sol contaminé sont en lien direct avec ce dommage ;

- l'expertise comptable ordonnée par le jugement attaqué et débutée depuis dix huit mois s'avère utile ;

- il serait contraire à une bonne administration de la justice de ne pas tenir compte de cette expertise en annulant la partie du jugement prescrivant cette expertise ;

- l'expert-comptable affirme que les 527 chefs de préjudice qu'elle invoque sont en lien avec les dégâts occasionnés à l'oléoduc ;

- le montant des dépenses engagées en lien avec le sinistre s'élève selon factures à 5 233 005,35 euros HT, soit un montant actualisé au 30 juin 2015 de 6 841 405 euros HT ;

- le complément d'expertise demandé par la société Geom7 est frustratoire ;

- eu égard au partage de responsabilité retenu, la totalité des frais de l'expertise menée entre 2003 et 2008 ne peut pas être mise à sa charge.

Par des mémoires enregistrés les 5 août 2014, 23 janvier 2015, 26 novembre 2015 et 17 février 2016, la SELARL Geom 7 venant aux droits du cabinet Tarroux et son assureur la société MMA Iard et la compagnie Iard assurances mutuelles, agissant en lieu et place de la société Covea Risk, représentés par la SCP d'avocats G...et associés, demandent à la Cour de rejeter la requête en tant qu'elle est dirigée contre Geom 7 et par la voie de l'appel incident, à titre principal, de réformer le jugement en tant qu'il ordonne une expertise, à titre subsidiaire, d'ordonner un complément limité d'expertise et, en tout état de cause, de mettre à la charge solidaire des défendeurs le versement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux entiers dépens.

Elles font valoir que :

- à titre principal, l'expertise ordonnée par le jugement avant dire droit attaqué est inutile ;

- l'expert comptable, dans son rapport du 21 septembre 2015, affirme qu'il n'est pas en mesure de déterminer le lien direct et certain entre la fuite de l'oléoduc et les opérations de dépollution ;

- le partage de responsabilité opéré par les premiers juges est incohérent au regard des rôles respectifs des parties dans la réalisation des travaux publics à l'origine du sinistre ;

- la société Geom 7 n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- la société Sogea Sud qui est à l'origine directe du sinistre doit avoir une part importante de responsabilité ;

- la société GDH a aussi commis une faute.

Par des mémoires enregistrés les 2 septembre 2015, 20 novembre 2015, la société Sogea Sud, représentée par la SCP d'avocats Scheuer-Vernhet et associés, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu une part de responsabilité de la société Sogea Sud, qu'il a ordonné une expertise et qu'il a rejeté son appel en garantie formé contre la société Geom 7 et, en tout état de cause, de mettre à la charge de la société GDH à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement est irrégulier pour avoir omis de statuer sur son appel en garantie formé à l'encontre de la société Geom 7 ;

- il est aussi irrégulier pour avoir ordonné une expertise confiée à un expert-comptable ;

- la société GDH doit être regardée comme un participant aux travaux publics ;

- sa responsabilité d'entrepreneur ne peut être engagée dès lors que les dommages sont sans lien avec les travaux publics mais résultent de l'existence de l'ouvrage public ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- l'ouvrage public a été réceptionné sans réserve ;

- ni les stipulations contractuelles, ni la loi ne lui imposaient de repérer sur site l'oléoduc existant ;

- le lien de causalité entre sa prétendue faute et les dommages invoqués par la société GDH n'est pas établi ;

- les missions confiées ne relèvent pas de la compétence d'un expert comptable ;

- l'expert comptable a dépassé le cadre de sa mission dans son rapport du 21 septembre 2015 ;

- ce rapport est entaché de contradiction ;

- elle est fondée à appeler en garantie la communauté d'agglomération du bassin de Thau maître d'ouvrage ;

- le coût de dépollution en lien exclusif avec le dommage n'est pas établi ;

- l'obstruction de la société GDH à produire les pièces demandées par l'expert justifie que soient mis à sa charge exclusive les frais d'expertise.

Par des mémoires enregistrés les 3 septembre 2015, 26 novembre 2015 et 29 janvier 2016, la commune de Sète, représentée par la SCP d'avocats CGCB et associés, conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au renvoi du litige devant le tribunal administratif de Montpellier, ou à ce que Axa assurance, la communauté d'agglomération Thau agglomération, la société Geom 7-cabinet Tarroux et la société Sogea Sud la garantissent de toute condamnation prononcée à son encontre et, en tout état de cause, à ce qu'il soit mis à la charge de la société GDH et de toute partie perdante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête de la société GDH est irrecevable en tant qu'elle conteste le partage de responsabilité et les bases de l'indemnisation ;

- en cas d'annulation du jugement avant dire droit, la Cour renverra l'affaire devant le tribunal administratif de Montpellier ;

- l'exception de prescription quadriennale est applicable pour toutes les créances nées avant le 1er janvier 2007 ;

- la société GDH a la qualité de participant aux travaux publics ;

- elle n'a pas commis de faute ;

- la société Sogea Sud a joué un rôle prépondérant dans les opérations de sondage ;

- la faute de la victime est totalement exonératoire ;

- les préjudices invoqués ne présentent pas de lien de causalité avec le dommage ;

- la demande d'actualisation du préjudice est infondée ;

- le rapport final de l'expert-comptable ne répond pas à la mission et est inutile ;

- elle devra être garantie par son assureur la compagnie Axa, par le maître d'ouvrage et par les autres participants aux travaux publics.

Par un mémoire enregistré le 25 novembre 2015, la communauté d'agglomération du bassin de Thau, représentée par la SCP d'avocats Charrel et associés, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu à son encontre une part de responsabilité, à ce que la société Sogea Sud la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre et, en tout état de cause, à mettre à la charge des parties perdantes le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la Cour se reportera à son précédent mémoire en défense enregistré le 2 septembre 2015 dans l'instance n° 14MA01086 quant aux responsabilités respectives et à l'évaluation des préjudices ;

- la réception sans réserve de l'ouvrage en novembre 2000 a été viciée et les désordres n'étaient ni apparents, ni connus ;

- l'entrepreneur doit la garantir ;

- elle n'a commis aucune faute dans le contrôle et la surveillance des travaux ;

- la mesure d'expertise n'est pas utile.

La Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions présentées par la société GDH à l'encontre de la société Covea Risk, aux droits de laquelle viennent la société MMA IARD et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles, de l'irrecevabilité des conclusions d'appel par lesquelles la communauté d'agglomération du bassin de Thau, la commune de Sète et la société Sogea Sud contestent les motifs du jugement statuant sur les appels en garantie et, enfin, de l'irrecevabilité des conclusions de la société Geom 7 et de Covea Risk tendant à l'annulation de l'ordonnance du 19 décembre 2013 de la présidente du tribunal administratif de Montpellier désignant M. D... expert-comptable en qualité d'expert.

Vu le courrier du 27 novembre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, sans information préalable ;

Vu l'ordonnance du 25 avril 2016 fixant la clôture immédiate de l'instruction, en application des articles R. 611-1-1, R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

II. Par une requête enregistrée sous le n° 14MA01086 le 6 mars 2014 et par des mémoires enregistrés les 23 janvier 2015, 26 novembre 2015 et 17 février 2016, la société Geom 7 venant aux droits du cabinet Tarroux et la société Covea Risk, représentés par la SCP d'avocats G...et associés, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement n° 1105406 du 17 décembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a retenu une part de responsabilité de la société Geom 7 et qu'il a ordonné une expertise et d'annuler l'ordonnance du 19 décembre 2013 du président du tribunal administratif de Montpellier qui a désigné l'expert ;

2°) à titre principal, de les mettre hors de cause, à titre subsidiaire, d'ordonner un complément d'expertise ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la société GDH, de la société Sogea Sud, de la communauté d'agglomération du bassin de Thau, de la commune de Sète, la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- à titre principal, l'expertise ordonnée par le jugement avant dire droit attaqué est inutile ;

- l'expert comptable n'a pas été en mesure de déterminer le lien direct et certain entre la fuite de l'oléoduc et les opérations de dépollution ;

- le partage de responsabilité opéré par les premiers juges est incohérent au regard des rôles respectifs des parties dans la réalisation des travaux publics à l'origine du sinistre ;

- la société Geom 7 n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- la société Sogea Sud à l'origine directe du sinistre doit avoir une part importante de responsabilité ;

- la société GDH a aussi commis une faute.

Par des mémoires enregistrés les 2 septembre 2015 et 25 novembre 2015, la communauté d'agglomération du bassin de Thau, représentée par la SCP d'avocats Charrel et associés, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu à son encontre une part de responsabilité et ordonné une expertise, à ce que la société Sogea Sud la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre et, en tout état de cause, à mettre à la charge des parties perdantes le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle n'a commis aucune faute dans le contrôle et la surveillance des travaux ;

- sa responsabilité de maître d'ouvrage ne peut être engagée ou à défaut, pour une part maximale de 15 % ;

- l'expertise ordonnée est infondée en droit et est inutile ;

- la société Sogea Sud devra la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Par des mémoires enregistrés les 2 septembre 2015, 25 novembre 2015 et 22 février 2016 la société de gestion de dépôts d'hydrocarbures (GDH), représentée par la Selas d'avocats EDP, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la Cour de réformer le jugement en tant qu'il a fixé sa part de responsabilité à 50 %, qu'il a limité les bases de son indemnisation et qu'il a mis la totalité des frais d'expertise à sa charge et de condamner solidairement la société Sogea Sud, la communauté d'agglomération du bassin de Thau, la commune de Sète, la société Geom 7-cabinet Tarroux et la société Covea Risk son assureur à lui verser la somme totale de 6 841 405 euros HT assortie des intérêts au taux légal, en réparation de ses préjudices et, en tout état de cause, à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de ces derniers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle n'a pas commis de négligences à l'origine de la survenance du sinistre ;

- aucune disposition du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 ne lui imposait de fournir un plan précis du tracé de son oléoduc ;

- aucune disposition légale n'impose aux dépôts pétroliers d'installer un système fiable de comptage des volumes en entrée et en sortie de l'oléoduc permettant de déceler rapidement une fuite ;

- en tout état de cause, les participants aux travaux publics ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité ;

- l'expertise comptable ordonnée par le jugement attaqué et débutée depuis 18 mois s'avère utile ;

- il serait contraire à une bonne administration de la justice de ne pas tenir compte de cette expertise en annulant la partie du jugement prescrivant cette expertise ;

- le montant des dépenses engagées en lien avec le sinistre s'élève selon factures à 5 233 005,35 euros HT, soit un montant actualisé au 30 juin 2015 de 6 841 405 euros HT ;

- le complément d'expertise demandé par la société Geom7 est frustratoire ;

- eu égard au partage de responsabilité retenu, la totalité des frais de l'expertise menée entre 2003 et 2008 ne peut pas être mise à sa charge.

Par des mémoires enregistrés les 2 septembre 2015 et 20 novembre 2015, la société Sogea Sud, représentée par la SCP d'avocats Scheuer-Vernhet et associés, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu une part de 10 % de responsabilité, a ordonné une expertise et a rejeté son appel en garantie formé contre la société Geom 7 et, en tout état de cause, à mettre à la charge de la société GDH à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement est irrégulier pour avoir omis de statuer sur son appel en garantie formé à l'encontre de la société Geom 7 ;

- la société GDH doit être regardée comme un participant aux travaux publics ;

- sa responsabilité d'entrepreneur ne peut être engagée dès lors que les dommages sont sans lien avec les travaux publics mais sont en lien avec l'existence de l'ouvrage public ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l'occasion de l'édification de l'ouvrage public, qui a été réceptionné sans réserve ;

- ni les stipulations contractuelles, ni la loi ne lui imposaient de repérer sur site l'oléoduc existant ;

- le caractère erroné des plans de relevé de l'oléoduc par le cabinet Tarroux est exclusivement à l'origine du dommage ;

- la société GDH a fourni des données inexactes au géomètre concernant l'implantation de l'ouvrage existant ;

- le lien de causalité entre sa prétendue faute et les dommages invoqués par la société GDH n'est pas établi ;

- les missions confiées ne relèvent pas de la compétence d'un expert-comptable ;

- l'expert comptable a dépassé le cadre de sa mission dans son rapport du 21 septembre 2015 ;

- elle est fondée à appeler en garantie la communauté d'agglomération du bassin de Thau maître d'ouvrage ;

- le coût de dépollution en lien exclusif avec le dommage n'est pas établi ;

- l'obstruction de la société GDH à produire les pièces demandées par l'expert justifie que soit mis à sa charge exclusive les frais d'expertise.

Par des mémoires enregistrés les 3 septembre 2015 et 26 novembre 2015, la commune de Sète, représentée par la SCP d'avocats CGCB et associés, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au renvoi du litige devant le tribunal administratif de Montpellier ou à ce que Axa assurance, la communauté d'agglomération Thau agglomération, la société Geom 7-cabinet Tarroux et la société Sogea Sud la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre et en tout état de cause, à mettre à la charge de la société GDH et de toute partie perdante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête de GDH est irrecevable en tant qu'elle conteste le partage de responsabilité et les bases de l'indemnisation qui ne figurent pas dans le dispositif du jugement attaqué ;

- l'expertise comptable ordonnée est utile ;

- en cas d'annulation du jugement avant dire droit, la Cour renverra l'affaire devant le tribunal administratif de Montpellier ;

- l'exception de prescription quadriennale est applicable pour toutes les créances nées avant le 1er janvier 2007 ;

- la société GDH a la qualité de participant aux travaux publics ;

- elle n'a pas commis de faute ;

- la faute de la victime est totalement exonératoire ;

- les préjudices invoqués ne présentent pas de lien de causalité avec le dommage ;

- la demande d'actualisation du préjudice est infondée ;

- le rapport final de l'expert comptable ne répond pas à la mission et est inutile ;

- elle devra être garantie par son assureur la compagnie Axa, par le maître d'ouvrage et par les autres participants aux travaux publics.

Par mémoire enregistré le 3 septembre 2015, la compagnie Axa France Iard, venant aux droits de la compagnie Axa, représentée par la Selarl d'avocats Abeille, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des parties perdantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle a été à bon droit mise hors de cause ;

- elle n'assure pas la commune de Sète en sa qualité de maître d'oeuvre.

La Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions présentées par la société GDH à l'encontre de la société Covea Risk, aux droits de laquelle viennent la société MMA IARD et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles, de l'irrecevabilité des conclusions d'appel par lesquelles la communauté d'agglomération du bassin de Thau, la commune de Sète et la société Sogea Sud contestent les motifs du jugement statuant sur les appels en garantie et, enfin, de l'irrecevabilité des conclusions de la société Geom 7 et de Covea Risk tendant à l'annulation de l'ordonnance du 19 décembre 2013 de la présidente du tribunal administratif de Montpellier désignant M. D... expert-comptable en qualité d'expert.

Vu le courrier du 27 novembre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, sans information préalable ;

Vu l'ordonnance du 25 avril 2016 fixant la clôture immédiate de l'instruction, en application des articles R. 611-1-1, R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code des assurances ;

- le code de l'environnement ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de :

* Me B...I...représentant la SNC Gestion de dépôts d'hydrocarbures GDH,

* MeG..., de la SCP d'avocats G...et associés représentant la SELARL Geom 7,

* MeJ..., de la SCP Scheuer-Vernhet et associés, représentant la société Sogea Sud,

* MeH..., de la SCP d'avocats Charrel et associés représentant la communauté d'agglomération du bassin de Thau,

* MeE..., de la SCP d'avocats CGCB, et associés représentant la commune de Sète,

* MeC..., de la Selarl d'avocats Abeille, représentant la société Axa France Iard.

Des notes en délibéré présentées pour la société Sogea Sud, la société GDH, la société Geom 7 et la communauté d'agglomération du bassin de Thau ont été enregistrées respectivement les 9 juin, 10 juin, 14 juin et 21 juin 2016.

1. Considérant que les requêtes n° 14MA00714 et 14MA01086 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

2. Considérant que la société de Gestion des dépôts des hydrocarbures (GDH) exploite depuis 1991 à Frontignan un centre de distribution et d'approvisionnement de produits pétroliers, notamment par un oléoduc enterré reliant un dépôt d'hydrocarbures sur le port de Sète à son centre de distribution ; que le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de la mer et des étangs, auquel s'est substitué la communauté d'agglomération du bassin de Thau, a décidé en 1997 en sa qualité de maître d'ouvrage en matière d'assainissement, la réalisation de travaux de construction d'un émissaire d'égout destiné à assurer le rejet en mer des eaux usées après traitement par la station d'épuration ; que la commune de Sète est intervenue en qualité de maître d'oeuvre dans la réalisation de ces travaux publics ; que le cabinet de géomètre Tarroux aux droits duquel vient la société Geom 7 a été chargé de la réalisation d'un relevé topographique des réseaux existants avant le début des travaux ; que ces travaux ont été exécutés suivant marché du 15 avril 1999 par l'entreprise Sogea Sud et ont été réceptionnés sans réserve le 10 novembre 2000 ; qu'à la fin du mois de janvier 2003, une pollution par hydrocarbure provenant d'une fuite de l'oléoduc a été décelée à proximité de la zone de travaux ; que, par arrêtés des 3 mars 2003 et 8 juin 2005, le préfet de l'Hérault a ordonné à la société GDH exploitante d'engager des travaux de dépollution de cette zone ; que, saisi par cette société, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, par ordonnance du 25 mars 2003, a désigné un expert pour notamment déterminer l'origine et les causes de la fuite, de préciser la part respective en cas de pluralité de cause et de déterminer la nature et le coût des travaux de nature à y remédier ; que l'expert, qui s'est adjoint deux sapiteurs, a rendu son rapport le 14 juin 2006, complété le 28 mai 2008 à la demande du juge des référés ; qu'estimant que la responsabilité de la société Sogea Sud et des autres intervenants à l'opération de travaux publics était engagée dans la survenance de la fuite d'hydrocarbures à l'origine de ses préjudices, la société GDH a demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation solidaire de la société Sogea Sud, de la communauté d'agglomération du bassin de Thau, de la commune de Sète et de son assureur la compagnie Axa courtage Iard, de la société Geom 7 et de la société Covea Risk son assureur à lui verser la somme à actualiser de 5 692 687,02 euros TTC au titre des frais qu'elle a dû engager notamment pour dépolluer le site ; que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont, sur le fondement de la responsabilité pour faute, estimé que la responsabilité de chacun des intervenants à l'opération de construction de l'émissaire d'égout était engagée et ont opéré un partage de responsabilité ; que s'agissant de l'évaluation des préjudices subis par la société GDH, ils ont ordonné, par l'article 2 du jugement, une expertise ; qu'ils ont, par l'article 3 du jugement, mis la charge définitive des frais d'expertise, d'un montant de 64 402,94 euros, à la société GDH ; que la société GDH interjette appel de ce jugement par requête n° 14MA00714 ; que la société Geom 7 et son assureur la société Covea Risk interjettent appel de ce jugement par requête n° 14MA01086 ;

Sur l'étendue du litige :

3. Considérant que la société GDH ne dirige plus en appel ses conclusions contre l'assureur de la commune de Sète, la société Axa courtage Iard, aux droits de laquelle vient la compagnie Axa France Iard ; que l'article 1er du jugement par lequel le Tribunal a mis hors de cause la société Axa France n'est, dès lors, pas en discussion devant la Cour ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

4. Considérant que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître d'une action de la victime d'un dommage de travaux publics dirigée contre l'assureur d'une société privée dont les obligations trouvent leur origine dans les clauses du contrat privé d'assurances ; que, dès lors, le tribunal administratif de Montpellier était incompétent pour se prononcer sur les conclusions présentées par la société GDH à l'encontre de la société Covea Risk aux droits de laquelle viennent la société MMA Iard et la compagnie MMA Assurances Mutuelles, assureur de la société Geom 7 ; que, par suite, le jugement doit être annulé en tant qu'il statue sur ces conclusions ;

5. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer les conclusions présentées par la société GDH à l'encontre de la société Covea Risk et de les rejeter comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur la recevabilité des conclusions d'appel de la société Geom 7 et la société Covea Risk tendant à l'annulation de l'ordonnance du 19 décembre 2013 :

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-2 du code de justice administrative dans sa version applicable à la date des faits : " Il n'est commis qu'un seul expert à moins que la juridiction n'estime nécessaire d'en désigner plusieurs. Le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel, selon le cas, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux choisit les experts et fixe le délai dans lequel ils seront tenus de déposer leur rapport au greffe. Lorsqu'il apparaît à un expert qu'il est nécessaire de faire appel au concours d'un ou plusieurs sapiteurs pour l'éclairer sur un point particulier, il doit préalablement solliciter l'autorisation du président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel ou, au Conseil d'Etat, du président de la section du contentieux. La décision est insusceptible de recours. " ;

7. Considérant que les conclusions de la société Geom 7 et de Covea Risk tendant à l'annulation de l'ordonnance du 19 décembre 2013 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Montpellier a désigné M. D..., expert-comptable, en qualité d'expert sont irrecevables, dès lors qu'en application de l'article R. 621-2 du code de justice administrative, la décision de désignation d'un expert est insusceptible de recours devant la cour administrative d'appel ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Sète à la requête d'appel de la société GDH :

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-6 du code de justice administrative : " Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-2, le délai d'appel contre un jugement avant-dire-droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige. " ; que la recevabilité d'une requête dirigée contre un jugement avant dire droit prescrivant une expertise est limitée à la contestation de l'utilité de cette expertise et à la contestation des motifs de ce jugement qui ne sont pas étrangers à la mesure d'instruction ordonnée ;

9. Considérant que le jugement attaqué a tranché au principal dans son point 14 la question du partage de responsabilité de chaque intervenant dans la survenance du dommage et a écarté dans son point 15 certains préjudices, dont la société GDH demande réparation, pour absence de lien de causalité avec les dégâts occasionnés à l'oléoduc et a ordonné un complément d'expertise pour identifier la part des seules dépenses engagées par la société GDH en lien avec les dégâts causés à l'oléoduc lors de la construction de l'émissaire et les frais de dépollution aux hydrocarbures du site ; que, par suite, la commune de Sète n'est pas fondée à soutenir que la société GDH serait irrecevable à contester ce partage de responsabilité et la nature et le chiffrage de ses préjudices dès lors que ces deux points, s'ils ne sont pas repris dans le dispositif de ce jugement avant dire droit, ne sont pas étrangers au fondement de l'expertise prescrite par ce jugement ;

Sur la recevabilité des conclusions d'appel de la communauté d'agglomération du bassin de Thau, de la commune de Sète et de la société Sogea Sud en tant qu'elles contestent les motifs du jugement statuant sur les appels en garantie :

10. Considérant que la communauté d'agglomération du bassin de Thau, la commune de Sète et la société Sogea Sud sont sans intérêt et donc irrecevables à contester les motifs par lesquels les premiers juges ont statué sur leurs appels en garantie, qui sont étrangers à la mesure d'expertise prescrite par ce jugement avant dire droit contesté ; qu'il leur appartiendra de contester ces motifs à l'occasion de l'appel qu'ils interjetteront, s'ils s'y croient autorisés, contre le jugement de fond du tribunal administratif de Montpellier ;

Sur la régularité du jugement :

11. Considérant que contrairement à ce que soutient la société GDH, le jugement avant dire droit attaqué n'est pas irrégulier au motif que son dispositif ne reprend pas les questions qu'il a tranchées au principal ;

12. Considérant qu'il appartenait aux premiers juges, ainsi qu'ils l'ont fait, de vérifier d'office le lien de causalité entre chaque chef de préjudice invoqué par la société GDH et le dommage ; que, par suite, ils n'ont pas statué ultra petita en examinant le lien de causalité entre le remplacement d'une section de l'oléoduc détérioré et le dommage, alors même que ce lien de causalité n'était pas contesté par les parties ;

13. Considérant que, dès lors que les conclusions de la société Sogea Sud d'appel en garantie formées contre la société Geom 7 sont irrecevables, ainsi qu'il a été dit au point 8 de cet arrêt, le moyen de la société Sogea Sud tiré de ce que les premiers juges auraient omis de statuer sur son appel en garantie doit être écarté ;

Sur le régime de responsabilité applicable :

14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la fuite constatée sur l'oléoduc à l'origine de la pollution de la zone a été causée par les coups de godet d'une pelle mécanique portés sur la conduite d'hydrocarbures lors de travaux de terrassement menés par la société Sogea Sud pour enfouir l'émissaire d'égout à une vingtaine de centimètres au dessus de l'oléoduc exploité par la société GDH ; que, lors de la survenue de cet accident, la société GDH ne participait pas effectivement à l'exécution des travaux publics litigieux, alors même qu'elle est intervenue, en sa qualité d'exploitant d'un ouvrage souterrain de transport et de distribution en application de l'article 9 du décret du 14 octobre 1991, avant le début de ces travaux au sondage et au repérage du site en vue de délimiter l'emprise de l'oléoduc ; que la société GDH ne retire pas d'avantages de l'exécution de ces travaux ; qu'elle doit donc être regardée comme un tiers à l'exécution de ces travaux ; que, par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa qualité de participant à l'exécution des travaux publics litigieux et qu'ils ont appliqué le régime de la responsabilité pour faute pour apprécier le partage de responsabilité individuelle de chaque intervenant dans l'exécution de ces travaux ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la condamnation solidaire :

15. Considérant qu'en cas de dommage accidentel causé à des tiers par une opération de travaux publics, la victime peut en demander réparation, même en l'absence de faute, aussi bien au maître de l'ouvrage, à l'entrepreneur, aux hommes de l'art participant à l'exécution des travaux qu'au maître d'oeuvre ; qu'elle est en droit de rechercher la responsabilité solidaire de ces différents intervenants ; que la mise en jeu de la responsabilité sans faute d'une collectivité publique pour dommages de travaux publics à l'égard d'un requérant qui est tiers par rapport à une opération de travaux publics est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial directement en lien avec cet ouvrage ou cette opération ; que les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse utilement être invoqué le fait du tiers ; que la responsabilité de l'entrepreneur Sogea Sud peut être recherchée, dès lors que, contrairement à ce qu'elle soutient, les dommages sont en lien avec les travaux publics réalisés, alors même que la fuite d'hydrocarbures, qui est apparue progressivement à la suite du choc selon l'expert, n'a été détectée que trois ans après la fin des travaux en 2000 ;

16. Considérant qu'il ressort du rapport du 14 juin 2006 de l'expert ingénieur chimiste, désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, qui s'est adjoint deux sapiteurs, un métallurgiste et un géomètre expert, que la fuite constatée sur la canalisation à l'origine du sinistre de la pollution de la zone a été causée, ainsi qu'il a été dit au point 14, par les coups de godet d'une pelle mécanique dans le sens longitudinal de l'oléoduc lors de travaux de terrassement menés par la société Sogea Sud pour le compte du syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de la mer et des étangs, auquel s'est substitué la communauté d'agglomération du bassin de Thau, pour enfouir l'émissaire d'égout à une vingtaine de centimètres au dessus de l'oléoduc par la société Sogea Sud ; que l'expert ajoute que l'erreur de relevé du tracé de l'oléoduc entre les bornes 27 et 33 sur le plan établi, dans la zone de travaux prévue, par le cabinet Tarroux en novembre 1997 à la demande du syndicat intercommunal,

est due à des données numériques inexactes des deux canalisations portées au plan de repérage du pipeline ; que ces inexactitudes ont entraîné une erreur sur le relevé topographique remis par le géomètre expert au syndicat intercommunal à la suite du projet de modification du tracé de l'émissaire d'égout ; que cette erreur a permis la superposition des deux canalisations et a provoqué lors des travaux d'affouillement l'accident à l'origine du litige ; que l'expert explique que le plan initial du tracé de l'émissaire prévoyait un franchissement du canal de La Peyrade en aérien, à 7 m de distance de l'oléoduc et que la variante du tracé proposée pour des raisons techniques par la société Sogea Sud avec franchissement du canal par microtunnel, avec une distance de séparation réduite désormais de 2 à 3 mètres de l'oléoduc, a été acceptée par le maître de l'ouvrage ; que l'enfouissement de l'émissaire a été réalisé sous la maîtrise d'oeuvre de la commune de Sète ; que, dans ces conditions, la société GDH est fondée à rechercher la responsabilité solidaire de l'entrepreneur, du cabinet de géomètres, du maître d'oeuvre et du maître d'ouvrage ; que le dommage subi par la société GDH, à l'origine de frais importants qu'elle a dû engager pour dépolluer le site, est anormal et spécial ;

En ce qui concerne la faute de la victime :

17. Considérant que les premiers juges ont retenu la faute de la société GDH à hauteur de 50 % des préjudices subis en se fondant sur trois négligences de cette société, toutes contestées en appel par la société GDH et de nature, selon les autres parties au litige, à les exonérer totalement de leur responsabilité ;

18. Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que la société GDH a fourni un plan de tracé de l'oléoduc datant de 1973 dont certaines données numériques étaient inexactes, à l'origine selon l'expert des plans erronés établis par le géomètre expert du tracé de cet ouvrage entre les bornes 27 et 33 et à un déport de la borne 33 conduisant à un tracé erroné d'implantation de l'oléoduc sur les plans utilisé par la société Sogea Sud lors de l'enfouissement de l'émissaire, concourant ainsi à la survenance du sinistre ; que l'article 9 du décret du 14 octobre 1991 impose à l'exploitant d'ouvrage d'hydrocarbures d'arrêter en accord avec l'exécutant des travaux les mesures à prendre pendant les travaux pour assurer dans l'immédiat et à terme la conservation et la stabilité des ouvrages ainsi que pour sauvegarder, compte tenu des dangers présentés par les produits transportés, la sécurité des personnes et de l'environnement ; que la société ne peut ainsi utilement soutenir qu'elle n'avait ni l'obligation légale, ni d'obligation contractuelle, de fournir des plans exacts en sa qualité d'exploitant du site ; qu'en outre, la société GDH n'a pas attiré l'attention des intervenants sur le risque présenté par le rapprochement des deux conduites proposé dans le tracé alternatif d'enfouissement de l'émissaire par l'entrepreneur et accepté par le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre, alors que le sondage préalable aux travaux n'avait pas permis de situer avec précision le tracé de l'oléoduc ; que la délivrance d'informations non fiables et l'absence de vigilance sur les risques présentés par cette modification constituent une faute de la société GDH, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges ;

19. Considérant en second lieu que la fuite d'hydrocarbures n'a été détectée que trois ans après la fin des travaux en 2000, concourant ainsi à l'aggravation de la pollution du site aux hydrocarbures ; que, si la société GDH fait valoir que son système de comptage des volumes d'hydrocarbures transportés par son oléoduc et agréé par les services de douane n'a détecté aucune anomalie sur cet ouvrage transportant 1 300 000 m3 d'hydrocarbures par an, que la fuite estimée à 3 000 m3 sur trois ans, soit 0,00077 % par an, n'était pas détectable avec ce système et que l'essai réalisé en juillet 2000 n'a pas révélé de fuite, elle ne produit aucun élément sur ses modalités d'inspection et de contrôle des possibles fuites de l'oléoduc ; que l'absence de mesures particulières pour vérifier l'intégrité de la conduite particulièrement après modification du projet initial du tracé d'implantation de l'émissaire et réalisation sur son site, en sa présence au début de l'année 2000, de sondages par tractopelle pour rechercher en vain la localisation précise de l'oléoduc, révèle une négligence fautive compte tenu de l'obligation de l'exploitant, en application de l'article 9 du décret du 14 octobre 1991, de sauvegarder la sécurité des personnes et des biens, eu égard au danger présenté par ces produits ; que, dans ces conditions, la faute de la victime doit être évaluée à 40 % du préjudice subi ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société GDH est seulement fondée à demander la condamnation solidaire de la société Sogea Sud, de la société Geom 7, de la communauté d'agglomération du bassin de Thau et de la commune de Sète à indemniser 60 % du préjudice qu'elle a subi ;

Sur le lien de causalité entre cet accident et le dommage :

21. Considérant que seuls les frais de dépollution aux hydrocarbures directement et exclusivement en lien avec la fuite de l'oléoduc causée par l'opération de travaux publics en litige peuvent être mis à la charge solidaire des coauteurs du dommage, à l'exclusion des frais de dépollution d'autres zones polluées ou d'autres polluants ;

22. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la découverte en mai 2005 de présence de polychlorobiphényles (PCB) dans la zone, l'arrêté préfectoral du 8 juin 2005 a ordonné une dépollution aux PCB par la société GDH ; que le rapport de l'expert désigné par ordonnance du 16 mai 2006 indique que les frais de dépollution des PCB ne sont pas la conséquence des dommages constatés sur l'oléoduc dès lors que les hydrocarbures transportés par l'oléoduc qui ont fui de l'ouvrage ne contiennent pas de PCB ; que la société GDH ne conteste pas utilement les conclusions de cette expertise ; qu'en l'absence de lien de causalité, la société GDH n'est pas fondée à demander le remboursement de ces frais ;

23. Considérant que le remplacement de la seule section de l'oléoduc, pour une longueur de 100 mètres, endommagée à l'occasion de l'opération de travaux publics en litige et reconnu par l'expert ingénieur, présente un lien de causalité avec le dommage, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;

Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Sète :

24. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement " ;

25. Considérant que la prescription quadriennale invoquée a été interrompue par l'ordonnance du 25 mars 2003 du président du tribunal administratif de Montpellier désignant M. A... en qualité d'expert en vue notamment de déterminer l'origine et les causes de la fuite d'hydrocarbures et la date de sa survenance et de préciser la part respective de chaque intervenant en cas de pluralité de causes ; que, par suite, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, l'exception de prescription opposée par la commune de Sète pour toutes les créances nées antérieurement au 1er janvier 2007 doit être écartée ;

Sur l'utilité de l'expertise ordonnée par le jugement avant dire droit contesté :

26. Considérant que par l'article 2 du jugement attaqué, les premiers juges ont ordonné une expertise afin notamment d'établir les dépenses engagées en lien direct et certain avec les dégâts occasionnés à l'oléoduc et la dépollution aux hydrocarbures, à savoir les frais de remise en état de la portion détériorée de l'oléoduc, de la zone polluée ainsi que le volume d'hydrocarbures à dépolluer et la part relevant de la pollution aux PCB ; qu'ils ont confié cette mission à un expert comptable ;

27. Considérant que la société Geom 7 n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ne pouvaient confier à l'expert des questions de droit et qu'ils se seraient déchargés de leur office en ne se prononçant pas eux-mêmes sur les préjudices exclusivement imputables à l'accident, dès lors que le Tribunal, ainsi qu'il a été dit aux points 21 et 22, a admis le lien de causalité direct entre les frais de remplacement de la section endommagée de l'oléoduc et les frais de dépollution des hydrocarbures disséminés dans la zone et qu'ils se sont bornés, comme ils le pouvaient et malgré une rédaction maladroite, à confier à cet expert le soin de décrire les conséquences du dommage et le montant des préjudices eu égard aux mesures de dépollution ordonnées par le préfet et à la carence des précédents rapports d'expertise sur ce point ;

28. Considérant qu'il n'appartient pas au juge d'appel de contrôler l'appréciation de la compétence technique de l'expert à laquelle les premiers juges, en le désignant, se sont livrés ; qu'ainsi, la société Sogea Sud et la société Geom 7 ne peuvent utilement soutenir qu'en désignant un expert comptable et non un pétrochimiste pour la réalisation de cette mission, les premiers juges auraient désigné un expert incompétent ;

29. Considérant que les conditions dans lesquelles cet expert s'est acquitté de sa mission ne peuvent pas être utilement invoquées à l'appui de conclusions tendant à l'annulation du jugement avant dire droit qui fixe la mission de l'expert ;

30. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les parties ne sont pas fondées à soutenir que l'expertise ordonnée par les premiers juges ne revêt pas de caractère utile ; que la société Geom 7 n'est pas fondée à demander un complément d'expertise, qui, en l'état, serait dépourvu d'utilité ;

Sur la mise à la charge des frais d'expertise :

31. Considérant que les frais de l'expertise ordonnée par ordonnance du 25 mars 2003 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier s'élèvent à la somme de 64 402,94 euros ; que 40 % de ces frais, soit la somme de 25 761,18 euros, doivent être mis à la charge de la société GDH ; que le solde, soit la somme de 38 641,76 euros doit être mis à la charge solidaire de la société Sogea Sud, de la communauté d'agglomération du bassin de Thau, de la commune de Sète et de la société Geom 7 ;

32. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société GDH est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont appliqué un régime de responsabilité pour faute, qu'ils ont fixé sa part de responsabilité à 50 % et qu'ils ont mis à sa charge la totalité des frais d'expertise ; que la société Sogea Sud, la société Geom 7, la communauté d'agglomération du bassin de Thau et la commune de Sète sont seulement fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, après partage de responsabilité, fixé leur part respective de responsabilité à 10 %, 17,5 %, 17,5 % et 10 % ;

Sur les frais présentés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

33. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser la charge des frais d'instance d'appel non compris dans les dépens à chaque partie ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 17 décembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions présentées par la société GDH à l'encontre de la société Covea Risk.

Article 2 : Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Montpellier par la société GDH à l'encontre de la société Covea Risk sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : La société Sogea Sud, la société Geom 7, la communauté d'agglomération du bassin de Thau et la commune de Sète sont condamnées solidairement à réparer 60 % du préjudice subi par la société GDH.

Article 4 : Les frais d'expertise sont mis à la charge solidaire de la société Sogea Sud, de la société Geom7, de la communauté d'agglomération du bassin de Thau et de la commune de Sète, pour la somme totale de 38 641,76 euros et de la société GDH pour la somme de 25 761,18 euros.

Article 5 : Le surplus du jugement est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société GDH, à la société Sogea Sud Sud, à la société Geom 7, à la société Covea Risk, à la compagnie Axa France Iard, à la communauté d'agglomération du bassin de Thau et à la commune de Sète.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2016, où siégeaient :

- M. Laso, président assesseur, présidant la formation du jugement en application de l'article R. 222.26 du code de justice administrative,

- Mme F..., première conseillère,

- Mme K..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 30 juin 2016.

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N° 14MA0714 - 14MA010863

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA00714
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics. Victimes autres que les usagers de l'ouvrage public. Tiers.


Composition du Tribunal
Président : M. LASO
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : ESTEVE DE PALMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-06-30;14ma00714 ?
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