La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2016 | FRANCE | N°14MA03542

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 07 juillet 2016, 14MA03542


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Deltadis a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner, à titre principal, solidairement l'établissement public Réseau ferré de France et la Société nationale des chemins de fer français et, à titre subsidiaire, l'Etat, à lui verser la somme globale de 71 563 935 euros, à titre principal, et la somme de 60 583 935 euros, à titre subsidiaire, en réparation des préjudices subis en raison des inondations qui ont touché, entre le 1er et le 4 décembre 2003, notamment la commu

ne d'Arles.

Par un jugement n° 0708332 du 23 juin 2014, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Deltadis a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner, à titre principal, solidairement l'établissement public Réseau ferré de France et la Société nationale des chemins de fer français et, à titre subsidiaire, l'Etat, à lui verser la somme globale de 71 563 935 euros, à titre principal, et la somme de 60 583 935 euros, à titre subsidiaire, en réparation des préjudices subis en raison des inondations qui ont touché, entre le 1er et le 4 décembre 2003, notamment la commune d'Arles.

Par un jugement n° 0708332 du 23 juin 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de la société Deltadis.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 août 2014 et, le 30 octobre 2015, la société Deltadis, représentée par Me K..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708332 du tribunal administratif de Marseille du 23 juin 2014 ;

2°) à titre principal, de condamner solidairement l'établissement public Réseau ferré de France, devenu SNCF Réseau, et la Société nationale des chemins de fer français, devenue SNCF Mobilités, à lui verser la somme globale de 71 563 935 euros, à titre principal, et la somme de 60 583 935 euros à titre subsidiaire, assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2007 et des intérêts capitalisés ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 71 563 935 euros, à titre principal, et la somme de 60 583 935 euros à titre subsidiaire, assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2007 et des intérêts capitalisés ;

4°) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre la somme de 80 000 euros à la charge solidaire de l'établissement Réseau ferré de France et de la Société nationale des chemins de fer français à titre principal et à la charge de l'Etat à titre subsidiaire.

Elle soutient que :

- le jugement qui affirme que la crue aurait atteint une intensité exceptionnelle et imprévisible par sa hauteur et son débit et que la montée des eaux serait l'unique cause de la rupture des merlons de protection, est insuffisamment motivé sur ces points ;

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il refuse de déduire de la circonstance que le remblai avait assuré un rôle de protection et que la construction des trémies n'avait pas aggravé les conséquences dommageables des inondations ;

- la crue de décembre 2003 n'a pas revêtu le caractère d'un évènement de force majeure dès lors qu'elle n'était ni prévisible ni irrésistible, le Rhône n'étant pas à son débit maximal au moment de la rupture des merlons de protection des trémies par insuffisance de résistance mécanique et la SNCF ayant conscience des vices de conception des ouvrages publics dont elle avait la charge de l'entretien ;

- la responsabilité de la SNCF et de RFF doit être retenue, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité sans faute à l'égard des tiers à l'ouvrage public, à titre subsidiaire, pour défaut d'entretien normal des ouvrages ;

- les dommages subis ont été aggravés par l'existence des trémies ;

- la SNCF a commis des fautes dans la gestion des ouvrages ;

- la responsabilité de l'Etat (service de la navigation) doit être retenue du fait du mauvais dimensionnement des merlons.

Par un mémoire, enregistré le 12 février 2015, SNCF Mobilités, représentée par Me D..., et par deux mémoires, enregistrés le 26 août 2015 et le 30 octobre 2015, SNCF Réseau et SNCF Mobilités, représentés par Me C... et Me D..., demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la société Deltadis ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, de condamner solidairement l'association du dessèchement des marais d'Arles, la commune de Tarascon, la commune d'Arles, la Compagnie Nationale du Rhône, Voies Navigables de France, l'Etat, l'association des vidanges de Tarascon, le syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du Rhône et de la mer à garantir SNCF Réseau des condamnations prononcées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de la société requérante la somme de 20 000 euros à verser à SNCF Réseau et la somme de 20 000 euros à verser à SNCF Mobilités en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- SNCF Mobilités doit être mis hors de cause ;

- le jugement est suffisamment motivé ;

- l'inondation présente un caractère extérieur, imprévisible et irrésistible ;

- les conséquences dommageables de l'inondation n'ont pas été aggravées par l'ouvrage ferroviaire ;

- SNCF Réseau n'est pas propriétaire des merlons de protection qui appartiennent au domaine public routier ;

- ces ouvrages ne présentent aucun défaut de conception ni d'entretien ;

- les dommages sont aussi imputables à la commune de Tarascon, à l'association du dessèchement des marais d'Arles, à la commune d'Arles, à l'Etat, à VNF, à la CNR et au comportement des victimes ;

- l'existence et l'étendue des préjudices allégués ne sont pas démontrées.

Par un mémoire, enregistré le 4 août 2015, la société anonyme d'intérêt général Compagnie Nationale du Rhône (CNR), représentée par Me E..., conclut :

1°) au rejet de la requête et des conclusions présentées à son encontre par SNCF Mobilités et SNCF Réseau ;

2°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société requérante et de SNCF Mobilités en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les inondations de 2003 ont revêtu un caractère de force majeure ;

- sa responsabilité ne peut être recherchée au titre d'un défaut de résistance des merlons ;

- elle n'a commis aucun manquement à ses obligations de concessionnaire d'aménagement du Rhône.

Par un mémoire, enregistré le 13 août 2015, l'établissement public Voies Navigables de France (VNF), représenté par Me B..., conclut :

1°) au rejet de la requête et des conclusions d'appel en garantie présentées par SNCF Mobilités et SNCF Réseau ;

2°) à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société requérante, de SNCF Mobilités ou de toute autre partie perdante en application des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions d'appel en garantie ne sont pas recevables ;

- elles ne sont pas fondées dès lors qu'il n'a commis aucun manquement à ses missions.

Par deux mémoires, enregistrés le 8 août 2015 et le 28 octobre 2015, la commune de Tarascon, représentée par Me H..., conclut :

1°) au rejet des conclusions d'appel en garantie présentées à son encontre par SNCF Mobilités et SNCF Réseau ;

2°) à ce que la somme de 8 000 euros soit mise à la charge de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau le cas échéant avec toute autre partie perdante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions de SNCF Mobilités et SNCF Réseau sont irrecevables ;

- la créance dont SNCF Réseau, SNCF Mobilités et l'Etat entendent se prévaloir à son encontre est prescrite ;

- ces conclusions sont dépourvues de fondement juridique ;

- la commune n'est pas propriétaire des remblais de protection ;

- l'ouverture d'une brèche dans le canal des Alpines n'a eu aucun effet aggravant ;

- elle n'a commis aucune faute.

Par un mémoire, enregistré le 4 septembre 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministre de l'égalité des territoires, du logement et de la ruralité demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la société requérante la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les inondations ont revêtu un caractère de force majeure.

- l'Etat n'a commis de faute ni au titre du service de la navigation ni au titre de sa compétence en matière d'urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 31 octobre 2015, le syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du Rhône et de la mer (SYMADREM), représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête et les conclusions d'appel en garantie présentées par SNCF Mobilités et SNCF Réseau ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la société requérante ou de toute autre partie perdante la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à sa condamnation ne sont pas recevables ;

- le défaut d'entretien normal des ouvrages appartenant à SNCF Réseau résulte de ce que, mal étudiés et mal réalisés, ils n'ont fait l'objet d'aucun travail de renforcement ;

- l'Etat (service de la navigation) a commis des fautes dans la définition des prescriptions techniques destinées à garantir la protection des personnes et des biens contre les inondations ;

- il n'a commis aucune faute susceptible d'avoir provoqué les inondations ou d'en avoir aggravé les conséquences.

Par un mémoire, enregistré le 31 octobre 2015, la commune d'Arles, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête et les conclusions d'appel en garantie présentées par SNCF Mobilités et SNCF Réseau ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la société requérante ou de toute autre partie perdante la somme de 50 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à sa condamnation ne sont pas recevables ;

- le défaut d'entretien normal des ouvrages appartenant à SNCF Réseau résulte de ce que, mal étudiés et mal réalisés, ils n'ont fait l'objet d'aucun travail de renforcement ;

- l'Etat (service de la navigation) a commis des fautes dans la définition des prescriptions techniques destinées à garantir la protection des personnes et des biens contre les inondations ;

- elle n'a commis aucune faute susceptible d'avoir provoqué les inondations ou d'en avoir aggravé les conséquences.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laso,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- les observations de :

* Me L...représentant Deltadis,

* Me D...et Me C...représentant SNCF Mobilités et SNCF Réseau,

* Me F...de la SELARL Bazin et Cazelles représentant le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer,

* Me E...représentant la Compagnie Nationale du Rhône,

* Me B... représentant Voies Navigables de France,

* Me A... représentant la commune d'Arles et le syndicat mixte aménagement des digues du Rhône et de la mer,

* et de Me H...représentant la commune de Tarascon.

1. Considérant que, du 30 novembre au 3 décembre 2003, de fortes pluies faisant suite à d'exceptionnelles précipitations les jours précédents se sont abattues sur la vallée du Rhône, entraînant d'importantes crues du fleuve Rhône notamment dans le secteur de la commune d'Arles ; qu'à cet événement pluviométrique d'une particulière intensité, s'est ajoutée, dans la nuit du 3 au 4 décembre 2003, une tempête marine qui a eu pour effet de freiner le déversement des eaux du fleuve dans la mer ; que, dans la soirée du 3 décembre, les merlons latéraux de protection des trémies du remblai supportant la ligne ferroviaire Tarascon-Arles situées au " Mas Teissier " et " aux Ségonnaux " ont cédé, vraisemblablement pour les premiers entre 18 heures 15 et 21 heures 30 et, pour les seconds, vers 21 heures 30 ; qu'environ neuf heures après la rupture de ces ouvrages, les eaux s'engouffrant sous les trémies sont parvenues dans la zone nord d'Arles et ont inondé les quartiers du Trébon et de Monplaisir, occasionnant d'importants dommages ; que la commune d'Arles a fait l'objet d'un arrêté de constatation de l'état de catastrophe naturelle le 12 décembre 2003 ; que la société Deltadis a présenté une requête en réparation de son préjudice devant le tribunal administratif de Marseille, qui l'a rejetée ; que l'intéressée, qui fait appel de ce jugement, demande, à titre principal, la condamnation solidaire de l'établissement Réseau ferré de France, devenu SNCF Réseau, et de la Société nationale des chemins de fer français, devenue SNCF Mobilités et, à titre subsidiaire, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme globale de 71 563 935 euros ou, à défaut, la somme de 60 583 935 euros ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le tribunal administratif de Marseille, après avoir rappelé les éléments pluviométrique et marin exposés au point précédent, a indiqué, aux points 12 et 13 du jugement attaqué, que la crue du Rhône de décembre 2003 s'est caractérisée par un débit de 11 500 mètres cubes par seconde correspondant à une période de retour légèrement supérieure à cent ans, que la hauteur de l'eau au droit des ouvrages en cause excédait de manière significative le niveau de la crue centennale et que la hauteur d'eau atteinte à Beaucaire était sans précédent historique répertorié ; qu'ainsi, il a suffisamment motivé les raisons pour lesquelles il a estimé que la crue de décembre 2003 présentait le caractère d'un événement de force majeure ; que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments des parties, n'ont pas entaché le jugement d'une insuffisance de motivation en écartant le moyen tiré du vice de conception des ouvrages au motif, indiqué, au point 13, que la rupture de ceux-ci résidait exclusivement dans la montée des eaux ; qu'enfin, en indiquant, au point 14 du jugement attaqué, que les conséquences dommageables des inondations n'ont pas été aggravées par les merlons de protection des trémies par rapport à ce qu'elles auraient été en leur absence, les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen invoqué ; que, dès lors, les moyens tirés du défaut de motivation du jugement sur ces différents points ne peuvent qu'être écartés ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;

Sur les responsabilités :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, se fondant sur une synthèse hydrologique de la crue du Rhône de décembre 2003 réalisée par la Compagnie Nationale du Rhône en septembre 2004, qu'à la fin du mois de novembre 2003 des précipitations exceptionnelles ont saturé les sols et les ouvrages hydrauliques sur le quart sud-est de la France ; que, ainsi qu'il ressort des travaux de la conférence de consensus, initiée par le ministère de l'écologie et du développement durable et chargée d'étudier l'importance de cette crue du Rhône, dont les conclusions ont été rendues publiques le 25 octobre 2005, l'événement de décembre 2003 a été caractérisé par une situation météorologique peu courante avec une forte extension spatiale des pluies supérieures à 150 mm et qu'il est sans précédent pluviométrique historique connu ; que cet événement, qui est au nombre des trois plus grands des deux derniers siècles, a été qualifié de plus important depuis deux cents ans, pour un phénomène météorologique dit " méditerranéen extensif ", par le rapport relatif à " la sécurité des digues du delta du Rhône - politique de constructibilité derrière les digues " établi en octobre 2004 par le même ministère ; qu'à cet événement météorologique d'une particulière intensité, s'est ajouté, comme indiqué au point 1, un phénomène marin freinant le déversement des eaux du Rhône résultant d'une tempête marine ayant débuté dans la nuit du 3 au 4 décembre 2003 ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions, non sérieusement contestées , de la conférence de consensus auxquelles fait directement référence le collège d'experts désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, que le débit de cette crue du Rhône, alors même qu'il est resté inférieur à celui des crues de 1840 et de 1856, était particulièrement fort, ayant été estimé à Beaucaire, à 11 500 mètres cubes par seconde correspondant à une période de retour légèrement supérieure à cent ans ; qu'en outre la hauteur de la crue observée au droit des ouvrages en cause, soit 10 mètres NGF aux Ségonnaux et 10,34 mètres NGF au " Mas Teissier ", a été nettement supérieure à celle mesurée lors de la crue de référence de 1856 à 9,66 mètres NGF au Mas Teissier, au droit du PK Rhône 271,800, soit 68 centimètres au-dessous du niveau d'eau atteint en décembre 2003 ;

4. Considérant que si la crue de 2003 a fait suite à six crues fortes en dix ans, il n'est pas établi ni même allégué que celles-ci, dont l'occurrence était décennale, auraient été similaires, par leurs caractéristiques, leurs effets et leur localisation, à la crue centennale de 2003 ; que dans ces conditions, et alors même que la SNCF avait exprimé au mois de mars 2003 l'intention d'élaborer un projet de confortement des merlons, cette crue a présenté, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Marseille, qui pouvait valablement se fonder sur l'ensemble des pièces soumises au débat contradictoire, à raison de son intensité exceptionnelle et imprévisible par rapport à tous les précédents connus, un caractère irrésistible constituant un cas de force majeure ;

5. Considérant que les merlons de protection des trémies du remblai supportant la ligne ferroviaire, situés au " Mas Teissier " et aux " Ségonnaux " ont, de fait, comme le remblai

lui-même dont ils assurent la continuité, une fonction de défense contre les inondations causées par les crues du Rhône sans pouvoir pour autant être qualifiés de digues ; que la responsabilité du maître de ces ouvrages ou de la personne chargée de leur entretien ne peut être retenue que pour autant que les conséquences dommageables de l'événement de force majeure retenu au point 4 ont été aggravées par le défaut de conception ou le mauvais état d'entretien de l'ouvrage ; qu'en outre, la responsabilité de l'Etat n'est susceptible d'être engagée que dans le cas où ses services ont commis des fautes ayant pu avoir pour conséquence d'aggraver les dommages subis par les victimes ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des plans d'ensemble des ouvrages que la SNCF a conçu et réalisé ces ouvrages selon les cotes altimétriques de

10,10 mètres NGF " aux Ségonnaux " et 10,30 mètres NGF au " Mas Teissier ", conformément à l'étude d'impact réalisée par la société du canal de Provence en décembre 1979, qui fixait les cotes altimétriques théoriques de protection à 10, 10 mètres NGF " aux Ségonnaux " et à

10,36 mètres NGF au " PN 450 ", correspondant au point kilométrique 766,965 et non précisément au point kilométrique 766,899 qui situe le Mas Tessier ; que ces cotes altimétriques, ainsi d'ailleurs que les cotes d'efficacité des merlons, sont supérieures aux hauteurs d'eau des crues centennales estimées à 9,32 mètres NGF " aux Ségonnaux " et à 9,64 mètres NGF au " Mas Teissier " et à la hauteur d'eau relevée lors de la crue de 1856 estimée à 9,66 mètres NGF au " Mas Teissier " ; que si les experts désignés par le juge des référés du tribunal administratif ont retenu que les merlons avaient cédé en raison d'insuffisances de dimensionnement et de conception mécanique, ces conclusions techniquement peu étayées sont fondées sur les dimensions du remblai ferroviaire et sur des prescriptions applicables aux digues et alors que ni le remblai ni les merlons latéraux de protection n'ont été conçus ni aménagés comme des digues ; qu'en outre, ces conclusions sont remises en cause par les rapports des expertises techniques du cabinet Sogreah et de MM. I... et J...qui, s'ils ont été commandés par la SNCF et par RFF, sont particulièrement argumentés et indiquent que la rupture des merlons est intervenue par surverse, les ouvrages ayant été submergés par une lame d'eau après plusieurs heures de chargement des talus extérieurs des ouvrages ; que, dès lors, les circonstances que les merlons n'aient été conçus ni comme des digues ni pour résister à un événement d'une telle ampleur et qu'ils n'aient pas été arasés à la cote de la plateforme ferroviaire ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à révéler un défaut de conception des ouvrages ; que par ailleurs, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille que, contrairement à ce qui est allégué, la rupture des merlons n'est pas consécutive à un défaut d'entretien ; qu'il ne saurait davantage être déduit de la seule circonstance que la SNCF ait envisagé, en mars 2003, d'élaborer un projet de confortement des merlons que ceux-ci auraient présenté un manque d'entretien qui serait à l'origine des brèches ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que les conséquences dommageables de la crue de décembre 2003 ont été provoquées ou aggravées par une insuffisance de conception ou un défaut d'entretien des merlons latéraux de protection des trémies situées au " Mas Teissier " et " aux Ségonnaux " ;

7. Considérant que si la société requérante persiste à soutenir que le service de la navigation Rhône-Saône, consulté par la SNCF lors de la conception des merlons, a émis le 20 novembre 1979 un avis relatif au dimensionnement des ouvrages à la cote d'efficacité de

9,90 mètres NGF lequel serait entaché d'une erreur de diagnostic technique au regard des conclusions de l'étude d'impact effectuée en décembre 1979 par la société du canal de Provence, dans le cadre de l'enquête publique, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point précédent, qu'en tout état de cause les plans d'ensemble des ouvrages ont été conçus en prenant en compte des hauteurs d'eau correspondants à une crue centennale ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le service de la navigation n'avait pas commis de faute ayant pu avoir pour conséquence de provoquer ou d'aggraver les dommages subis par les victimes de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de faire produire les justificatifs des contrats d'assurance de la SNCF au titre des dommages causés aux tiers, la société Deltadis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de RFF et de la SNCF et, subsidiairement, de l'Etat, à lui verser une indemnité ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau et de l'Etat qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes ;

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société CNR, VNF, SNCF Réseau, SNCF Mobilités, l'Etat, la commune de Tarascon, la commune d'Arles et le SYMADREM au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Deltadis est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société CNR, VNF, SNCF Réseau, SNCF Mobilités, l'Etat, la commune de Tarascon, la commune d'Arles et le SYMADREM tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Deltadis, au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, au ministre du logement et de l'habitat durable , à SNCF Réseau, à SNCF Mobilités, à la société Compagnie Nationale du Rhône, à l'établissement public Voies Navigables de France, à la commune de Tarascon, à la commune d'Arles et au Syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du Rhône et de la mer, à l'association de desséchement des marais d'Arles et à l'association des vidanges de Tarascon.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2016, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- M. Laso, président-assesseur,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2016.

''

''

''

''

3

N°14MA03542

tr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA03542
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Jean-Michel LASO
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : CLAUZADE ; SCP SCAPEL et ASSOCIES ; BURAVAN ; CLAUZADE ; ALAIN GALISSARD et BENEDICTE CHABROL ; BURAVAN ; BURAVAN ; TLJ et ASSOCIES ; TLJ et ASSOCIES ; SCP SCAPEL et ASSOCIES ; BURAVAN ; SCP SCAPEL et ASSOCIES ; CLAISSE et ASSOCIÉS ; CLAISSE et ASSOCIÉS ; GUIN ; GUIN ; GUIN ; GUIN ; GUIN ; GUIN ; GUIN ; GUIN ; GUIN ; GUIN ; GUIN ; GUIN ; GUIN ; GUIN ; BURAVAN ; GUIN ; GUIN ; JUAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-07;14ma03542 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award