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24/10/2016 | FRANCE | N°15MA02932

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 24 octobre 2016, 15MA02932


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Domoréal a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler les arrêtés de péril ordinaire pris par le maire de Cannes les 25 avril et 11 juin 2014, portant sur les immeubles lui appartenant dénommés villa 44 et garage de la villa 45 cadastrés AB 299 à 303, sis chemin des Gourguettes et, d'autre part, de suspendre lesdits arrêtés.

Par un jugement n° 1402975-1403027 du 20 mai 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur la

requête n° 1402975 et a annulé les arrêtés de péril ordinaire pris par le maire de C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Domoréal a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler les arrêtés de péril ordinaire pris par le maire de Cannes les 25 avril et 11 juin 2014, portant sur les immeubles lui appartenant dénommés villa 44 et garage de la villa 45 cadastrés AB 299 à 303, sis chemin des Gourguettes et, d'autre part, de suspendre lesdits arrêtés.

Par un jugement n° 1402975-1403027 du 20 mai 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur la requête n° 1402975 et a annulé les arrêtés de péril ordinaire pris par le maire de Cannes les 25 avril et 11 juin 2014 portant sur lesdits immeubles.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2015, la commune de Cannes, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402975 - 1403027 du 20 mai 2015 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de mettre à la charge de la SCI Domoréal le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le tribunal a commis, tout d'abord, une erreur de fait, dès lors que les causes du sinistre résultent à la fois d'une cause propre à l'immeuble et d'une cause extérieure et, par suite, une erreur de droit, dès lors, que les dispositions des articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de habitation avaient vocation à s'appliquer.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2015 la SCI Domoréal conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la commune de Cannes à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Cannes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pecchioli,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me B... représentant la commune de Cannes et celles de Me A..., représentant la SCI Domoréal.

1. Considérant qu'à la suite de la réalisation d'une entaille prononcée au pied d'une colline, en crête de laquelle se trouvaient cinq villas appartenant à la société Domoréal, des désordres constitués de fractures, de glissements de terrain et de basculements sont apparus ; que face à ces éléments le maire de la commune de Cannes a pris un arrêté de péril imminent le 10 mai 2013 prescrivant ainsi à la SCI Domoréal, propriétaire des immeubles dénommés villas 41 à 45, cadastrés AB 299 à 303, sis chemin des Gourguettes, de prendre toutes les mesures pour garantir la sécurité publique en procédant à la signalisation du péril et à toutes mesures utiles empêchant l'accès à ces propriétés ; qu'il a pris ensuite deux arrêtés de péril ordinaire les 25 avril et 11 juin 2014 ; que, par le premier arrêté, il a prescrit à cette société la démolition de la villa 44 et du garage de la villa 45, dans un délai de six semaines, prescription réitérée dans le second arrêté lequel précisait, en outre, que, faute pour la SCI d'avoir exécuté ces mesures dans le délai requis, il serait procédé d'office et à ses frais à la réalisation des travaux ; que par une requête enregistrée sous le n° 1402975, la SCI Domoréal a demandé au tribunal de suspendre lesdits arrêtés ; que, par une requête enregistrée sous le n° 1403027, la SCI Domoréal a demandé au tribunal d'annuler ces deux arrêtés des 25 avril et 11 juin 2014 ; que, par jugement du 20 mai 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer sur la requête n° 1402975 et a annulé les arrêtés de péril ordinaire pris par le maire de Cannes les 25 avril et 11 juin 2014 portant sur lesdits immeubles ; que la commune de Cannes relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé lesdits arrêtés ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2... " ; que l'article L. 511-2 du même code précise que : " I Le maire, à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'Etat, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine, (...) en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les bâtiments contigus. / Si l'état du bâtiment, ou d'une de ses parties, ne permet pas de garantir la sécurité des occupants, le maire peut assortir l'arrêté de péril d'une interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux qui peut être temporaire ou définitive... Cet arrêté précise la date d'effet de l'interdiction, qui ne peut être fixée au-delà d'un an si l'interdiction est définitive... III. Sur le rapport d'un homme de l'art, le maire constate la réalisation des travaux prescrits ainsi que leur date d'achèvement et prononce la mainlevée de l'arrêté de péril et, le cas échéant, de l'interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux. " ; qu'enfin aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate./ Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. / Si les mesures ont à la fois conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement. / Si elles n'ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit la procédure dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. ".

3. Considérant que les pouvoirs attribués au maire par les dispositions précitées du code de la construction et de l'habitation trouvent à s'appliquer lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres.

4. Considérant, en l'espèce, que s'il ressort de l'expertise judiciaire que des erreurs ont été commises sur le site de construction des villas notamment en ce qui concerne les fondations et le terrassement, l'expert a relevé que la stabilité du terrain a été quasiment assurée pendant près de huit années et n'a été compromise qu'à la suite des travaux de décaissement de la base du talus ; que précisément pour l'expert, les travaux de décaissement ont eu pour effet immédiat, de rendre précaire cette stabilité et de conduire au premier glissement de terrain le 31 janvier 2004, puis aux deux autres, à quelques jours d'intervalle, le deuxième étant dû à l'enlèvement de matériaux du premier glissement ; que l'expert estime ainsi que le facteur déclenchant de l'instabilité du terrain et des glissements subséquents résulte de ce décaissement qui n'ayant été accompagnée de la mise en place d'aucun mur de soutènement, a gravement déstabilisé le talus existant ; que l'expert souligne encore que la mise en place d'un mur de soutènement en contrebas, protégeant les bâtiments HLM, a montré son efficacité et que les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que l'état de péril aurait été évité, malgré les travaux d'entaille dans le talus, si les travaux de remblaiement et de fondation des villas en surplomb avaient été effectués selon les règles de l'art ; que, dans ces conditions, et quand bien même la fondation des villas sur colonnes ballastées constituerait une solution technique inadaptée sur le type de terrain en cause, la cause prépondérante du dommage se trouve dans les travaux de décaissement réalisés au pied de la colline, et non dans les défauts desdits immeubles ; que dès lors, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, la décision du maire, qui n'entre pas dans le champ d'application des dispositions des articles L. 511-1 à L. 511-4-1 du code de la construction et de l'habitation, est entachée d'illégalité ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCI Domoréal, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par la commune de Cannes au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

8. Considérant, en revanche, qu'il y a lieu en application des dispositions susmentionnées de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI Domoréal et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Cannes est rejetée.

Article 2 : La commune de Cannes versera une somme de 2 000 euros à la SCI Domoréal en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cannes et à la SCI Domoréal.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2016, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 octobre 2016.

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N° 15MA02932


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02932
Date de la décision : 24/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-001 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS DEPLANO - MOSCHETTI - SALOMON - SIMIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-10-24;15ma02932 ?
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