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19/12/2016 | FRANCE | N°15MA00157

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 19 décembre 2016, 15MA00157


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Cabinet d'architecture Guy Bianconi a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le titre de recette d'un montant de 5 323,36 euros TTC émis par le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Nice-Toulon le 13 mars 2012.

Par un jugement n° 1201350 du 7 novembre 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

L'EURL Cabinet d'architecture Guy Bianconi et la SARL EGE Delta ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le CROUS

de Nice-Toulon à leur verser, d'une part, les sommes, respectivement, de 11 053,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL Cabinet d'architecture Guy Bianconi a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le titre de recette d'un montant de 5 323,36 euros TTC émis par le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Nice-Toulon le 13 mars 2012.

Par un jugement n° 1201350 du 7 novembre 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

L'EURL Cabinet d'architecture Guy Bianconi et la SARL EGE Delta ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le CROUS de Nice-Toulon à leur verser, d'une part, les sommes, respectivement, de 11 053,08 euros et 6 668,87 euros assorties des intérêts moratoires depuis le 31 octobre 2006, au titre de la situation n° 18, correspondant à la différence entre leur créance sur le CROUS et la somme qui leur a été accordée par provision par la Cour administrative d'appel de Marseille, d'autre part, les sommes, respectivement de 10 470,88 euros et 6 668,84 euros, au titre des intérêts moratoires dus, enfin, de leur verser la somme de 5 000 euros chacun au titre de la rétention abusive des honoraires de maîtrise d'oeuvre et la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait du comportement déloyal du CROUS.

Par un jugement n° 1201558 du 7 novembre 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de l'EURL Cabinet d'architecture Guy Bianconi et de la SARL EGE Delta.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2015 sous le n° 15MA00157, MeB..., agissant en qualité de liquidateur de l'EURL Cabinet d'architecture Guy Bianconi, représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201350 du tribunal administratif de Toulon du 7 novembre 2014;

2°) d'annuler le certificat de recette du 13 mars 2012 d'un montant de 5 323,36 euros TTC ;

3°) de mettre à la charge du CROUS une somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande était recevable dès lors que le titre de recette contesté a été produit le 26 avril 2013 ;

- la contestation n'est pas tardive ;

- l'autorité de la chose jugée s'attache à l'ordonnance de référé-provision ;

- les situations n°17 et n°18 n'ont pas été réglées ;

- les demandes du CROUS ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2016, le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS), représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 5 000 euros lui soit versée par l'EURL cabinet d'architecture Bianconi au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société Bianconi n'a pas contesté dans les délais le décompte général et définitif sur lequel repose le titre de recette contesté ;

- les honoraires des maîtres d'oeuvre, fixés par avenant du 3 juillet 2007, n'étaient pas définitifs ;

- la situation n° 17 a été réglée ;

- la situation n° 18 constitue une demande de solde définitif qui n'a pas été acceptée par le CROUS en raison de pénalités mises à la charge de la société Bianconi ;

- les travaux de réhabilitation de la résidence du Coudon sont distincts du marché en cause et n'ont pas été réalisés par elle.

II. Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2015 sous le n° 15MA00170, MeB..., agissant en qualité de liquidateur de l'EURL Cabinet d'architecture Guy Bianconi, représenté par Me C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201558 du tribunal administratif de Toulon du 7 novembre 2014, en tant qu'il rejette sa demande;

2°) de condamner le CROUS Nice-Toulon à lui verser, d'une part, la somme de 11 053,08 euros assortie des intérêts moratoires depuis le 31 octobre 2006, au titre de la situation n° 18, correspondant à la différence entre leur créance sur le CROUS et la somme qui leur a été accordée par provision par la Cour administrative d'appel de Marseille, d'autre part, la somme de 10 470,88 euros, au titre des intérêts moratoires dus, enfin, de lui verser la somme de 5 000 euros au titre de la rétention abusive des honoraires de maîtrise d'oeuvre et la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait du comportement déloyal du CROUS.

3°) de mettre à la charge du CROUS une somme de 5 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le décompte général a été notifié à la société postérieurement à la saisine du tribunal et le requérant ne pouvait se voir opposer les dispositions des articles 12.3 et 50 du CCAG ;

- aucun différend entre les parties n'était né à la suite de la notification du décompte dans la mesure où les actions étaient pendantes aux fins d'obtenir le solde de la situation n° 18 ;

- le CROUS a méconnu l'ensemble de ses obligations contractuelles, fixées en dernier par l'article 3 de l'avenant n° 1 du 3 juillet 2007 ;

- le CROUS a renoncé à appliquer les pénalités de retard dès lors qu'il a signé l'avenant du 3 juillet 2007 ;

- la situation n° 18 valait décompte général et définitif ;

- le décompte général et définitif émis en 2011 lui est inopposable ;

- les demandes du CROUS sont prescrites dès lors que la réception des travaux est intervenue le 29 septembre 2005 ;

- les sommes en litige sont dues par le CROUS ;

- le CROUS a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité à raison des retards de notification des avenants et ordres de service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2016, le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS), représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 5 000 euros lui soit versée par l'EURL cabinet d'architecture Bianconi au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société Bianconi n'a pas contesté dans les délais le décompte général et définitif, et la situation n°18 lui est inopposable ;

- la déchéance quadriennale lui est inopposable et le délai pendant lequel le CROUS pouvait faire valoir sa créance expirait le 18 juin 2013 ;

- la maîtrise d'oeuvre a manqué à ses obligations contractuelles ;

- la situation n° 17 a été réglée et la situation n° 18, qui constitue le projet de décompte général, n'a pas été acceptée par le CROUS ;

- le CROUS n'est pas responsable des difficultés financières de la société ;

- les intérêts moratoires et les demandes complémentaires indemnitaires demandés ne sont pas dus.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur ;

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public ;

et les observations de Me A...pour le CROUS Nice-Toulon.

1. Considérant que les requêtes susvisées concernent des jugements dont le bien-fondé dépend d'éléments de droit et de fait communs, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;

2. Considérant que dans le cadre de la réhabilitation de la résidence universitaire " Le Coudon " sise à La Garde, le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) a, par acte d'engagement en date du 9 janvier 2003, confié la maîtrise d'oeuvre des travaux de restructuration et de mise en sécurité des bâtiments F et G, ainsi que des halls communs, au groupement composé du cabinet d'architecture Bianconi, mandataire, et de la société EGE Delta, pour un prix global et forfaitaire de 418 460 euros hors taxes ; qu'au cours de l'exécution des travaux, début 2005, un différend est apparu entre le maître d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre quant au montant des honoraires de cette dernière ; que la réception des travaux a eu lieu le 19 mai 2006 ; que le 3 juillet 2007, un avenant n°1 a été signé, portant la rémunération forfaitaire des sociétés Bianconi et EGE Delta à la somme de 485 647,45 euros hors taxes ;

3. Considérant que par une ordonnance du 9 juin 2010, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille a condamné le CROUS de Nice-Toulon à verser, à titre de provision, une somme de 10 000 euros à l'EURL cabinet d'architecture Guy Bianconi et une somme de 5 000 euros à la société EGE Delta au titre de la situation n° 18 ; que par un arrêt du 10 janvier 2011, la cour, saisie d'une demande de rectification d'erreur matérielle, a complété ladite ordonnance pour assortir ces deux sommes des intérêts moratoires à compter du 12 septembre 2008 ;

4. Considérant que MeB..., agissant en qualité de liquidateur de la société EURL Cabinet d'architecture Guy Bianconi, relève appel des jugements du 7 novembre 2014 par lesquels le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, sous le n° 1201350, rejeté la demande de la société Bianconi tendant à l'annulation du titre de recette d'un montant de 5 323,36 euros TTC émis par le CROUS Nice-Toulon le 13 mars 2012, d'autre part, sous le n° 1201558, rejeté la demande de la société Bianconi tendant à la condamnation du CROUS Toulon à lui verser, d'une part, la somme de 11 053,08 euros assortie des intérêts moratoires depuis le 31 octobre 2006, au titre de la situation n° 18, correspondant à la différence entre leur créance sur le CROUS et la somme qui leur a été accordée par provision par la cour administrative d'appel de Marseille, d'autre part, la somme de 10 470,88 euros, au titre des intérêts moratoires dus, enfin, de lui verser la somme de 5 000 euros au titre de la rétention abusive des honoraires de maîtrise d'oeuvre et la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait du comportement déloyal du CROUS ;

Sur l'exception de prescription :

5. Considérant que le requérant, société de droit privée, ne peut invoquer l'exception de prescription quadriennale, qui n'est applicable qu'aux créances détenues par les collectivités publiques ;

Sur le décompte général et définitif :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 12.31 du cahier des clauses administratives générales, applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles dans sa version alors en vigueur : " Après réception, selon les stipulations du chapitre V, des prestations faisant l'objet du marché ou, si le marché est fractionné, d'une phase assortie d'un paiement partiel définitif, le titulaire doit adresser à la personne responsable du marché le projet de décompte correspondant aux prestations fournies. Le montant du décompte est arrêté par la personne responsable du marché ; si celle-ci modifie le projet de décompte présenté par le titulaire, elle lui notifie le décompte retenu (...) " ; qu'aux termes de son article 12.32 : " Toute réclamation sur un décompte doit être présentée par le titulaire à la personne publique dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte. Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté le décompte. A l'occasion de la notification du montant du solde et des paiements partiels définitifs, le titulaire n'est admis à présenter aucune réclamation sur les pénalités, sur les révisions ou actualisations de prix pour lesquelles il a donné son acceptation ou qu'il est réputé avoir acceptées à l'occasion de la notification de décomptes " ; qu'il résulte de ces stipulations que l'expiration du délai de réclamation confère au décompte son caractère définitif et intangible, lequel a notamment pour effet d'interdire aux parties toute contestation ultérieure sur les éléments de ce décompte ;

7. Considérant en premier lieu, que la réception des travaux demeure sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif ;

8. Considérant en deuxième lieu, qu'aucune disposition du cahier des clauses administratives générales, approuvé par le décret du 21 janvier 1976, ne prévoit que le silence gardé par le maître de l'ouvrage sur le projet de décompte final établi par l'entrepreneur vaudrait acceptation tacite de ce projet ; que si l'EURL cabinet d'architecture Bianconi a notifié au CROUS de Nice-Toulon son projet de décompte final le 20 novembre 2007 sous la dénomination " situation n° 18 - DGD ", le maître d'ouvrage lui a notifié, le 1er août 2011, le décompte général modifié, établi le 29 juillet 2011, faisant application de pénalités de retard et état d'un solde dû en sa faveur par la société Bianconi de 5 323,36 euros TTC ; que d'une part, la société Bianconi n'a pas contesté ledit décompte général par un mémoire en réclamation dans le délai de quarante cinq jours prévu par le cahier des clauses administratives générales; que, d'autre part, faute d'avoir contesté ou adressé en temps utile un mémoire en réclamation, l'EURL cabinet d'architecture Bianconi ne peut contester le titre de recette émis le 13 mars 2012, en exécution du décompte général établi le 29 juillet 2011 et devenu définitif ; que, par suite, les moyens tendant à contester les pénalités de retard ainsi que l'absence de solde du marché par le règlement de la situation n°18 ne peuvent qu'être écartés ;

9. Considérant en troisième lieu, que pour contester la somme mise à sa charge par le titre de recettes contesté, la société fait valoir l'autorité de la chose jugée par le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille qui a, le 9 juin 2010, accordé à ladite société une provision ; que toutefois, si une ordonnance est exécutoire et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires, les décisions du juge des référés n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée ;

10. Considérant en quatrième lieu, qu'il résulte du dernier alinéa de l'article 1153 du code civil qu'une entreprise peut demander l'indemnisation du préjudice résultant du refus de l'administration d'acquitter les factures de travaux réalisés pour son compte, si ce refus lui est opposé de mauvaise foi et qu'il lui a causé un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts moratoires ; que toutefois, le requérant ne fait état d'aucun préjudice distinct de celui qui devait être réparé par le versement des intérêts moratoires et n'assortit pas ses conclusions, tendant au versement d'une somme de cinq mille euros au titre de la rétention abusive des honoraires de maîtrise d'oeuvre et la somme de dix mille euros au titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait du comportement déloyal du CROUS, de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MeB..., agissant en qualité de liquidateur de la société cabinet d'architecte Bianconi n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CROUS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Me B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Me B...le versement au CROUS de la somme demandée au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de MeB..., agissant en qualité de liquidateur de la société EURL cabinet d'architecture Guy Bianconi, sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions du CROUS tendant au versement d'une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MeB..., agissant en qualité de liquidateur de la société EURL cabinet d'architecture Guy Bianconi, et au CROUS Nice-Toulon.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2016, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 décembre 2016.

7

Nos 15MA00157 et 15MA00170


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00157
Date de la décision : 19/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés. Décompte général et définitif. Effets du caractère définitif.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : LENCHANTIN DE GUBERNATIS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-12-19;15ma00157 ?
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