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29/12/2016 | FRANCE | N°14MA01612

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 29 décembre 2016, 14MA01612


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bédier,

- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite d'un examen contradictoire d'ensemble de sa situation

fiscale personnelle, Mme B..., qui exerçait les fonctions de gérante salariée de la SARL B... Immobilier, a été ass...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bédier,

- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite d'un examen contradictoire d'ensemble de sa situation fiscale personnelle, Mme B..., qui exerçait les fonctions de gérante salariée de la SARL B... Immobilier, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 1998 à 2000 à raison de rectifications portant sur des revenus fonciers et sur des revenus regardés comme d'origine indéterminée ; que, par un jugement du 2 février 2009, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge des impositions supplémentaires résultant des rectifications apportées aux revenus fonciers ; que l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement de la totalité des impositions restant en litige le 18 novembre 2009 dans le cadre de l'appel porté par Mme B... devant la cour administrative d'appel de Marseille contre le jugement précédent ; que le non-lieu à statuer résultant de ce dégrèvement a été constaté par une ordonnance du 6 mai 2010 du président de la 2ème chambre de la Cour qui a également mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ; que Mme B... a demandé en 2011 au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 120 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des fautes qu'aurait commises l'administration fiscale ; qu'elle relève appel du jugement du 21 janvier 2014 par lequel le tribunal a rejeté sa demande et ramène ses prétentions en appel à la somme de 116 000 euros ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir partielle opposée par l'administration fiscale aux prétentions de Mme B... ;

2. Considérant qu'une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable si elle lui a directement causé un préjudice ; qu'un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie ; que le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition ; qu'enfin, l'administration peut invoquer le fait du contribuable comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité ;

Sur la responsabilité des services chargés de l'établissement de l'impôt :

En ce qui concerne l'engagement de l'examen contradictoire d'ensemble de la situation fiscale personnelle de Mme B... :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu (...) lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. / A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal " ;

4. Considérant qu'il ne résulte ni des dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ni d'aucune autre disposition légale ou réglementaire que l'engagement d'un examen de situation fiscale personnelle soit conditionné, en cas de procédure conjointe ou antérieure de vérification de comptabilité de la société dont le contribuable est associé et gérant, par la notification de rectifications résultant de cette procédure ; que, par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en engageant un examen de sa situation fiscale personnelle alors que la vérification de comptabilité de la SARL B...Immobilier n'avait donné lieu à aucune rectification ;

En ce qui concerne la demande de justification du solde inexpliqué des balances d'espèces établies pour les années 1998 à 2000 :

5. Considérant que l'administration peut adresser au contribuable une demande de justifications au titre d'un solde inexpliqué de la balance des espèces à condition que ce solde soit suffisamment significatif et qu'il ne résulte pas pour l'essentiel d'une évaluation du train de vie du contribuable ;

6. Considérant que, dans le cadre de " l'examen de trésorerie espèces " auquel il s'est livré dans la demande de justifications du 17 août 2001, le vérificateur a déterminé des soldes inexpliqués d'espèces au titre des années 1998, 1999 et 2000 s'élevant respectivement à 132 134 francs, 79 697 francs et 138 863 francs ; que, pour déterminer ces montants que Mme B... devait justifier, le vérificateur a systématiquement retenu que devaient être réputées payées en espèces les dépenses pour lesquelles il n'était pas en mesure de retrouver la trace de paiements effectués selon d'autres modalités ; qu'ont ainsi été réputés payés en espèces des frais de véhicules à hauteur de 18 000 francs par an, des frais d'assurance à hauteur de 15 000 francs par an, des dépenses d'entretien d'immeubles à hauteur de 10 000 francs par an, des dépenses de chauffage, d'électricité et de téléphone à hauteur de 20 000 francs par an, des dépenses de train de vie à hauteur de 17 000 francs par an et des paiements d'impôt à concurrence des sommes de 25 959 francs, 3 986 francs et 6 004 francs au titre respectivement des années 1998, 1999 et 2000 alors que les seules utilisations d'espèces par Mme B... dûment recensées s'élevaient à 23 000 francs en 1998 et à 5 000 francs en 1999 ; que l'intégralité de ce chef de redressement a d'ailleurs été abandonné dès la réponse aux observations du contribuable du 4 février 2003 au vu des réponses apportées par Mme B... après que celle-ci eut été obligée d'engager de longues et nombreuses recherches ; que, dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que la méthode suivie par le vérificateur présentait un caractère arbitraire et que le fait de lui demander des justifications sur les soldes ainsi déterminés est constitutif d'une faute de l'administration fiscale de nature à engager sa responsabilité ;

En ce qui concerne le refus de l'administration d'accorder à Mme B... une prorogation de délai pour répondre à la demande de justifications :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite " ; qu'il résulte du premier alinéa de cet article que, lorsqu'un contribuable, qui a reçu une demande de justifications, sollicite la prorogation du délai imparti pour répondre, il appartient à l'administration, afin de déterminer si un délai supplémentaire est ou non nécessaire, de prendre notamment en compte le nombre et la difficulté des questions posées, dans le cadre d'une appréciation globale si la demande porte sur plusieurs années ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme B... a apporté des réponses précises aux questions que comportait la demande de justifications du 17 août 2001 au sujet des balances d'espèces en adressant à l'administration, dans sa réponse du 19 octobre 2001, des explications relatives à environ six cent soixante-cinq opérations ; qu'elle a demandé dans cette même réponse un délai supplémentaire d'un mois pour fournir des explications relatives à environ trois cents sommes portées au crédit de dix comptes bancaires dont deux comptes dont elle était co-titulaire avec sa mère ; que même si la réponse du 19 octobre 2011 ne comportait aucune réponse relative à ces trois cents opérations, l'administration fiscale, compte tenu du grand nombre de justificatifs demandés à la contribuable et du fait que celle-ci avait apporté de très nombreuses réponses relatives aux balances d'espèces, a commis, en refusant le délai supplémentaire de réponse sollicité alors que la demande n'était pas dilatoire, une irrégularité fautive susceptible d'engager sa responsabilité, laquelle lui interdisait de recourir à la procédure de taxation d'office ; que l'administration ne saurait utilement contester cette faute aux motifs que le tribunal administratif aurait admis de façon définitive la régularité de la procédure suivie, dans son jugement du 2 février 2009, alors que celui-ci était frappé d'appel ou que Mme B... aurait sollicité tardivement un délai de supplémentaire de réponse alors que cette demande a été formulée en temps utile avant le terme du délai de deux mois qui lui était imparti ;

9. Considérant, en second lieu, que si l'administration rappelle qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites en ce qui concerne le rattachement à la catégorie des revenus fonciers des sommes, que Mme B... n'avait pas déclarées, de 5 856 euros au titre de l'année 1998, de 25 761 euros au titre de l'année 1999 et de 24 309 euros au titre de l'année 2000, elle ne soutient pas que les impositions qui ont fait l'objet d'un dégrèvement le 18 novembre 2009 dans le cadre de l'appel porté par Mme B... devant la cour administrative d'appel de Marseille auraient pu être maintenues si elle avait respecté la procédure applicable ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir, en ce qui concerne cette partie des impositions, que l'irrégularité fautive identifiée au point précédent serait restée sans conséquence au motif que la décision d'imposer aurait été néanmoins justifiée ;

En ce qui concerne la durée de la procédure mise en oeuvre par l'administration fiscale :

10. Considérant que les impositions mises à la charge de Mme B... ont été mises en recouvrement le 30 novembre 2003 ; que Mme B... a présenté une réclamation le 30 décembre 2003 ; que si cette réclamation n'a fait l'objet d'une décision expresse de rejet que le 19 juin 2006, il était loisible à la requérante, en application du deuxième alinéa de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, de saisir le tribunal administratif dans un délai de six mois à compter du dépôt de sa réclamation ; qu'elle n'a saisi le tribunal administratif que le 7 août 2006 ; qu'en outre, le fait que le jugement du tribunal administratif décidant la réduction des impositions ne soit intervenu que le 2 février 2009 n'est pas imputable à l'administration fiscale, à laquelle ne saurait être reprochée la durée de huit ans de la procédure mise en oeuvre en 2001 ; que l'administration n'a commis, de ce chef, aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur la responsabilité des services chargés du recouvrement de l'impôt :

11. Considérant, en premier lieu, que les services chargés du recouvrement de l'impôt n'ont commis aucune faute de nature à engager leur responsabilité en recherchant Mme B... en paiement d'impositions alors légalement dues par un commandement de payer du 22 mars 2004 d'ailleurs annulé dès le 7 avril suivant ou en lui demandant de constituer des garanties dans le cadre d'une demande de sursis de paiement ;

12. Considérant, en second lieu, que le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 février 2009 a mis fin au sursis de paiement et rendu de nouveau exigibles les impositions maintenues à la charge de Mme B... ; qu'en émettant un commandement de payer le 6 novembre 2009 et un avis à tiers détenteur le 17 novembre 2009, qui a fait l'objet d'une mainlevée dès le 23 novembre suivant, pour tenir compte du dégrèvement intervenu le 18 novembre 2009, les services chargés du recouvrement de l'impôt n'ont pas davantage commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que seules les irrégularités fautives commises par l'administration du fait de l'envoi d'une demande de justifications reposant sur l'établissement arbitraire de balances d'espèces et du refus d'octroyer à Mme B... un délai supplémentaire pour répondre à la demande de justifications du 17 août 2001 sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat ;

Sur les manquements de Mme B... à ses obligations déclaratives :

14. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des termes de la réponse aux observations du contribuable du 4 février 2003, dont la teneur n'a pas été contestée par Mme B... dans la suite des procédures suivies avec l'administration fiscale et devant le juge de l'impôt, que l'intéressée avait omis de déclarer dans la catégorie des revenus fonciers les sommes de 5 856 euros au titre de l'année 1998, de 25 761 euros au titre de l'année 1999 et de 24 309 euros au titre de l'année 2000 ; que ces manquements de Mme B... à ses obligations déclaratives, qui ont amené l'administration à lui demander des justifications au sujet des sommes en cause et à compliquer les opérations de contrôle, sont, dans les circonstances de l'espèce, de nature à exonérer l'administration fiscale de la moitié de sa responsabilité ;

Sur l'évaluation des préjudices indemnisables :

15. Considérant que Mme B... justifie avoir engagé des frais d'avocat pour un montant de 25 056 euros après déduction de la somme de 1 500 euros mise à la charge de l'Etat par l'ordonnance du 6 mai 2010, mentionnée au point 1, depuis le 28 septembre 2001, au titre de l'assistance fiscale à laquelle elle s'est trouvée obligée de recourir du fait des agissements fautifs de l'administration au cours des opérations d'examen contradictoire d'ensemble de sa situation fiscale personnelle jusqu'au 18 novembre 2009, dans le cadre de la défense de ses intérêts devant le tribunal administratif de Marseille et la Cour ; que le manque à gagner consécutif au temps consacré par Mme B... à organiser, en plus des prestations de son conseil, personnellement sa défense et ses troubles dans les conditions d'existence justifient une indemnisation dont il sera fait une juste appréciation en la fixant à un montant total de 2 500 euros ; que l'indemnisation totale à laquelle peut prétendre Mme B... doit être chiffrée à la somme de 27 556 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité décidé au point 14, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Mme B... la somme de 13 778 euros ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser cette somme ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 janvier 2014 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme B... la somme de 13 778 euros.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bédier, président,

- Mme Paix, président assesseur,

- M. Ouillon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 décembre 2016.

7

N° 14MA01612


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01612
Date de la décision : 29/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit et fraude à la loi.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : SELARL MD AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-12-29;14ma01612 ?
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