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06/01/2017 | FRANCE | N°15MA04834

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 06 janvier 2017, 15MA04834


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 18 août 2015 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 1503537 du 11 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2015, M. A..., représenté par Me B..., demande à

la Cour :

1°) d'ordonner par arrêt avant dire droit un examen médical pour déterminer son âge et d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 18 août 2015 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 1503537 du 11 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2015, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner par arrêt avant dire droit un examen médical pour déterminer son âge et d'annuler ce jugement du 11 décembre 2015 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 août 2015 du préfet du Var ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention "salarié" ou "travailleur temporaire", à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui a omis de statuer sur sa demande d'expertise, est entaché pour ce motif d'irrégularité ;

Sur le refus de titre de séjour :

- dès lors que le préfet s'est fondé sur son âge pour lui refuser le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un examen médical confié à une unité médico-judiciaire est indispensable pour déterminer son âge réel ;

- le préfet a méconnu le principe général du secret de l'enquête et de l'instruction garanti par l'article 11 du code de procédure pénale lors de l'examen de sa situation personnelle, qui est ainsi irrégulier ;

- le préfet n'établit pas qu'il a déposé sa demande de titre de séjour sous une fausse identité ;

- l'authentification de ses documents d'état civil auprès de l'ambassade de France en Guinée est dénuée de force probante pour avoir été sollicitée par un agent de police judiciaire incompétent ;

- la consultation du fichier Visabio pour la reconnaissance de ses empreintes digitales a été aussi irrégulière et ne pouvait pas être prise en compte par le préfet ;

- sa prétendue fausse identité lors de sa demande de titre de séjour ne peut être tranchée que par le juge pénal ;

- il n'a pas dissimulé sa véritable date de naissance et remplit ainsi les conditions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour ;

- ce refus de délivrance d'un titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

Sur le délai de départ volontaire fixé au 20 mars 2016 :

- les principes du droit à un recours effectif et à un procès équitable, consacrés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, font obstacle à ce qu'il soit éloigné du territoire français avant l'intervention de la décision définitive du juge judiciaire dans le cadre des poursuites pénales engagées à son encontre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carassic,

- et les observations de Me D..., représentant M. A....

1. Considérant que M. A..., de nationalité guinéenne, a demandé au préfet du Var la délivrance d'un titre de séjour "salarié" ou "travailleur temporaire" sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 18 août 2015, le préfet du Var a rejeté sa demande ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, si le requérant a sollicité en première instance une expertise médicale afin de déterminer son âge réel lors de son admission sur le territoire français, il ressort de la motivation du jugement attaqué que les premiers juges se sont estimés suffisamment informés et ont entendu rejeter implicitement mais nécessairement la demande d'expertise comme dépourvue d'utilité pour la solution du litige ; que, dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer sur ce point ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. Considérant qu'aux termes l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " À titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;

4. Considérant que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... sur le fondement des dispositions précitées, le préfet du Var a mentionné que le requérant, âgé de 30 ans, avait déposé sa demande de titre de séjour sous une fausse identité et qu'il ne justifiait pas être entré sur le territoire français pendant sa minorité ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 11 du code de procédure pénale : " Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète. / Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. / Toutefois, afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public, le procureur de la République peut, d'office et à la demande de la juridiction d'instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause. " ;

6. Considérant que le secret de l'instruction, édicté par l'article 11 du code de procédure pénale précité, n'est pas opposable au préfet, qui ne concourt pas à la procédure pénale ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que, lors de l'examen de la situation du requérant, le préfet du Var s'est référé à des informations recueillies lors de l'enquête préliminaire diligentée, sur instruction du Procureur de la République près du tribunal de grande instance de Toulon, par la direction départementale de la police de l'air et des frontières du Var au cours de l'année 2015 dans le cadre d'une procédure engagée à l'encontre de M. A... pour escroquerie au préjudice du conseil départemental du Var qui l'a pris en charge en tant que mineur confié à l'aide sociale à l'enfance du 16 août 2013 au 16 novembre 2014, ainsi qu'aux résultats de prise d'empreintes digitales lors de la garde à vue de l'intéressé, en méconnaissance du principe général du secret de l'enquête et de l'instruction, ne peut être utilement invoqué par le requérant ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des opérations de contrôle et de retenue qui ont, le cas échéant, précédé l'intervention de mesures d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière ; que, par suite, la circonstance que les services de police judiciaire ne pouvaient, dans le cadre d'une enquête préliminaire, ni demander l'authentification des documents d'état civil du requérant auprès de l'ambassade de France en Guinée, ni procéder à la consultation biométrique du fichier Visabio n'est pas de nature à établir que le préfet se serait fondé sur des éléments irréguliers lors de l'examen de la demande de titre de séjour de M. A... ;

8. Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la vérification de tout acte civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ; que cet article 47 dispose que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; que cet article pose ainsi une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

9. Considérant qu'il ressort de l'examen des documents versés au dossier par le préfet que les pièces d'état civil produites par M. C... A..., se disant né le 17 mai 1996, à l'appui de sa demande de titre de séjour ont été estimées apocryphes par l'ambassade de France en Guinée, après vérification de ces actes auprès des autorités guinéennes ; que le requérant ne conteste pas qu'il est connu du fichier Visabio, qui recense tous les demandeurs de visa pour l'espace Schengen, pour avoir sollicité sous une autre identité, celle de Mamady A...né le 17 septembre 1985, un visa auprès du consulat de France en Guinée pour se rendre en Italie et a bénéficié d'un visa de court séjour sous cette identité ; que le relevé de ses empreintes digitales, lors de son audition, a confirmé la similitude de ces empreintes avec celles relevées sous l'identité de Mamady A...; que la photographie accompagnant cette demande de visa correspond à celle de M. C... A...; que le requérant, qui a, dans ces conditions, bénéficié des vérifications utiles prévues par l'article 47 du code civil, ne conteste pas utilement ces constatations en faisant valoir de manière générale les dysfonctionnement de l'état civil guinéen et en invoquant la circulaire du 31 mai 2013 du Garde des Sceaux adressée aux Procureurs généraux relative aux modalités de prise en charge d'un jeune étranger isolé, qui est dépourvue, en tout état de cause, de valeur réglementaire ; que, par suite, le préfet, qui pouvait se fonder sur ces éléments quand bien même la falsification d'identité n'a pas été établie par le juge pénal dans le cadre de la procédure engagée à l'encontre de M. A... pour escroquerie à l'aide sociale à l'enfance, a pu estimer à bon droit que M. A..., âgé de 30 ans, ne justifiait pas être entré sur le territoire français pendant sa minorité, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 du code précité et refuser pour ce motif de lui délivrer le titre de séjour sollicité sur le fondement de cet article ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que le requérant est célibataire sans charge de famille ; qu'il ne fait valoir aucune intégration personnelle en France ; que la circonstance qu'il a suivi la classe de seconde pour obtenir un baccalauréat professionnel et qu'il a signé une convention en qualité de joueur avec l'association sportive Cannes Football pour la période du 2 février 2015 au 30 juin 2015 ne permet pas d'établir que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;

En ce qui concerne le délai de départ volontaire :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ; que le préfet du Var a fixé dans la décision en litige du 18 août 2015 à titre exceptionnel au 20 mars 2016 la date à laquelle M. A... doit quitter le territoire français afin de tenir compte de sa convocation devant le juge pénal le 16 mars 2016 ; qu'en tout état de cause, cette décision portant obligation de quitter le territoire français au 20 mars 2016 n'a pas, par elle-même, pour effet de l'empêcher d'être représenté devant le juge d'appel en cas de recours exercé contre le jugement du tribunal correctionnel de Toulon ; qu'il peut, le cas échéant, solliciter un visa afin d'être autorisé à revenir en France pour les besoins de la cause ; que, dans ces conditions, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner un examen médical qui serait en l'espèce frustratoire, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ; que, doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles qu'il a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2016, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 janvier 2017.

2

N° 15MA04834


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04834
Date de la décision : 06/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : GAUTIER JULIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-01-06;15ma04834 ?
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