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09/05/2017 | FRANCE | N°17MA00015

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 09 mai 2017, 17MA00015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 23 novembre 2015 par lequel le préfet du Gard a ordonné de perquisitionner son domicile.

Par un jugement n° 1600282 du 4 novembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée 4 janvier 2017, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 novembre 201

6 ;

2° de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de la réparation de son préju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 23 novembre 2015 par lequel le préfet du Gard a ordonné de perquisitionner son domicile.

Par un jugement n° 1600282 du 4 novembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée 4 janvier 2017, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 novembre 2016 ;

2° de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de la réparation de son préjudice ;

3°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la mesure de perquisition n'était ni proportionnée ni justifiée,
- elle est entachée d'erreurs de fait et d'appréciation.

Vu :
- la Constitution ;
- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1478 du 14 novembre 2015 ;
- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pecchioli,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que, par un décision du 23 novembre 2015, le préfet du Gard a ordonné la perquisition du domicile de M. C... A..., en application des dispositions de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ; que M. A... relève appel du jugement en date du 4 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'en application de la loi du 3 avril 1955, l'état d'urgence a été déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015, à compter du même jour à zéro heure, sur le territoire métropolitain et en Corse ; que, s'agissant des mesures de perquisition administrative prévues à l'article 11 de cette loi, le décret n° 2015-1476 du même jour a décidé qu'elles pouvaient être mises en oeuvre sur l'ensemble des communes d'Ile-de-France ; que
l'article 1er de la loi du 20 novembre 2015 a ensuite prorogé l'état d'urgence pour une durée de trois mois, à compter du 26 novembre 2015, et a modifié, notamment, ce même article 11 de la loi du 3 avril 1955 ; que les modifications résultant de cette loi sont applicables aux mesures prises après son entrée en vigueur, qui est intervenue, immédiatement à compter de sa publication le 21 novembre 2015 ; qu'aux termes du I de l'article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 qui est applicable au litige : " Le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence peut, par une disposition expresse, conférer aux autorités administratives mentionnées à l'article 8 le pouvoir d'ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit, sauf dans un lieu affecté à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. " ;

3. Considérant qu'il appartient au juge administratif d'exercer un entier contrôle sur le respect de la condition posée par les dispositions précitées pour ordonner une perquisition, afin de s'assurer, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, que la mesure ordonnée était adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité, dans les circonstances particulières qui ont conduit à la déclaration de l'état d'urgence ; que ce contrôle est exercé au regard de la situation de fait prévalant à la date à laquelle la mesure a été prise, compte tenu des informations dont disposait alors l'autorité administrative sans que des faits intervenus postérieurement, notamment les résultats de la perquisition, n'aient d'incidence à cet égard ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la note blanche produite en appel, que la police chargée d'identifier dans la région nîmoise d'éventuels individus qui recruteraient des combattants pour la Syrie, à la suite des attentats du 13 novembre 2015, a procédé à une enquête de quartier afin de recueillir des témoignages ; que plusieurs personnes du quartier du Mas de Mingue et de la Zup Nord de Nîmes qu'ils ont interrogés ont désigné M. A... comme faisant partie d'un groupe à même d'enrôler des jeunes nîmois pour aller co mbattre en Syrie, particulièrement à la sortie des mosquées ; que les témoins ont ainsi précisé qu'à la suite du décès de deux djihadistes locaux, survenu le 15 mars 2015, M. A... aurait tenu dans la nuit du 31 mai 2015 au 1er juin 2015 des propos ouvertement de nature à encourager au djihad en Syrie ; qu'il ressort également des témoignages précis et concordants que M. A... entretient des liens privilégiés avec un islamiste radical impliqué de façon récurrente dans des tentatives de prise de contrôle de lieux de culte dans la capitale gardoise ; qu'enfin, il est constant que M. A... appartient au mouvement tabligh, lequel mène des campagnes de prédications zélées prônant une vision ultra-rigoriste et littérale de l'islam ; que si M. A... affirme respecter les lois de la République, il ne conteste ni les propos et les liens qui lui sont imputés, ni ses actions prosélytes, en marge des prêches, en direction de jeunes musulmans au sein de deux mosquées des quartiers sensibles de l'Est-nîmois ; que dans ces conditions, le préfet du Gard a pu, sans entacher sa décision d'erreur de fait ou d'erreur d'appréciation, ordonner la perquisition du domicile de M. A... ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d' aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

7. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme à M. A... ou à son conseil, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2017 où siégeaient :

- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2017.

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N° 17MA00015


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00015
Date de la décision : 09/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-06-01 Police. Aggravation exceptionnelle des pouvoirs de police. État d'urgence.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : RAPPA

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-05-09;17ma00015 ?
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