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26/06/2017 | FRANCE | N°15MA02661

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 26 juin 2017, 15MA02661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alexandre Barbosa Borges (ABB) a demandé au tribunal administratif de Nice, sur le fondement des sujétions imprévues rencontrées dans l'exécution d'un contrat de concession, de condamner la commune de Cannes à lui verser la somme de 3 080 000 euros hors taxes, et d'annuler le titre exécutoire du 28 décembre 2011 émis par la commune de Cannes.

Par un jugement n° 1201643, 1200888 du 30 janvier 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de la société ABB.

Proc

édure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 juin 2015 et 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alexandre Barbosa Borges (ABB) a demandé au tribunal administratif de Nice, sur le fondement des sujétions imprévues rencontrées dans l'exécution d'un contrat de concession, de condamner la commune de Cannes à lui verser la somme de 3 080 000 euros hors taxes, et d'annuler le titre exécutoire du 28 décembre 2011 émis par la commune de Cannes.

Par un jugement n° 1201643, 1200888 du 30 janvier 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de la société ABB.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 juin 2015 et 15 juin 2016, la société ABB, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) de condamner la commune de Cannes à lui verser la somme de 3 080 000 euros en raison des préjudices subis ;

3°) d'annuler le titre exécutoire n° 8167 d'un montant de 1 062 720 euros émis par la ville de Cannes le 28 décembre 2011 ;

4°) d'ordonner la compensation de la créance de la commune de Cannes au titre des pénalités de retard avec celle du préjudice financier de la société ;

5°) de réduire le montant des pénalités de retard à 10 % du montant total des travaux ;

6°) de mettre une somme de 10 000 euros à charge de la commune de Cannes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

Sur l'action indemnitaire :

- la livraison de l'ouvrage a été retardée par un changement de technique pour la mise en place de parois étanches, des retards de chantier imputables à la nature du terrain et aux intempéries, et par d'autres causes extérieures ;

- la date contractuelle à prendre en compte pour la mise en service de l'ouvrage est celle du 30 juillet 2010 ;

- un retard de 16 mois, imputable à la commune, a entraîné une perte de recettes ;

- le préjudice subi correspond au manque à gagner et au surcoût ;

Sur le titre exécutoire :

- il méconnaît l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;

- il n'est pas fondé dès lors que la société n'est pas responsable des retards qui lui sont imputés ;

- le montant des pénalités de retard doit être modéré ;

- le cautionnement donné au titre de la garantie de parfait achèvement n'a pas été restitué.

Par des mémoires enregistrés les 30 mars et 15 juillet 2016, la commune de Cannes, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société ABB au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le cautionnement bancaire a été libéré ;

- l'opposition comptable au prix de vente est régulière ;

Sur l'action indemnitaire :

- les sujétions techniques imprévues invoquées ne sont pas fondées ;

- le dossier de consultation comportait une étude géotechnique préliminaire et invitait à des investigations complémentaires ;

- le retard lié à la mise en service d'une grue sur le chantier, à supposer qu'il lui soit imputable, n'a pas d'incidence sur le montant et le bien-fondé du titre exécutoire à raison du plafonnement des pénalités de retard contractuelles ;

- la commune n'a commis aucune faute s'agissant des difficultés pour trouver des décharges pour l'évacuation des déblais ;

- la ville a informé le concessionnaire en temps utile des fiches descriptives du mobilier urbain et de l'éclairage ;

- la société est seule responsable des retards pris lors de l'exécution des travaux ;

- le préjudice allégué n'est pas justifié ;

Sur le titre exécutoire :

- l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales n'a pas été méconnu ;

- le montant des pénalités est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur ;

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... pour la société ABB et de Me C... pour la commune de Cannes.

1. Considérant que la commune de Cannes a conclu, le 21 janvier 2008, avec la société portugaise Alexandre Barbosa Borges (ABB), un contrat de délégation de service public, d'une durée de trente ans, ayant pour objet la construction et l'exploitation d'un parc de stationnement souterrain " Saint Nicolas " de 420 places ; que l'article 13 du contrat de concession prévoyait une mise en service de l'ouvrage dans un délai de quinze mois à compter du commencement des travaux ; que toutefois, l'ouverture au public du parc est intervenue tardivement le 27 janvier 2012 ; que la commune de Cannes a appliqué à la société ABB des pénalités de retard pour un montant de 1 066 272 euros et a émis en conséquence, le 28 décembre 2011, un titre de recettes n° 8167 ; que la société ABB fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à titre principal, d'une part, à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 3 080 000 euros en raison des préjudices subis du fait des sujétions imprévues rencontrées et, d'autre part, à l'annulation du titre exécutoire n° 8167 d'un montant de 1 062 720 euros émis par la commune le 28 décembre 2011 ;

Sur l'action indemnitaire :

S'agissant de la mise en place de parois moulées étanches :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du contrat de concession conclu entre la ville de Cannes et la société ABB : " (...) dans le cadre de l'exécution des travaux, le concessionnaire pourra envisager de prévoir un soutènement cloué en bord de voirie. Toutefois, les tirants d'ancrage devront être à une profondeur minimale de 3,00 m par rapport au fil d'eau de la voirie (...). En ce qui concerne les parcelles privées, il appartiendra au concessionnaire d'obtenir les autorisations adéquates (...). " ;

3. Considérant qu'il ressort de l'instruction qu'une étude géotechnique préliminaire, effectuée par la société Etudes et recherches géotechniques, intégrée dans le dossier de consultation, a indiqué que " l'adoption d'un mode de fondation et de soutènement par paroi moulée périphérique ancrée ou boutonnée constitue, au stade actuel des investigations, la solution la plus sûre et la mieux adaptée au contexte " et que " des techniques de soutènement autres qu'une paroi moulée pourraient éventuellement être envisagée ... " ; que la société requérante, qui a eu à sa disposition, préalablement au dépôt de son offre, l'étude géotechnique qui préconisait ce mode de fondation et de soutènement, sans toutefois l'imposer, ne peut soutenir que les stipulations contractuelles imposaient une technique de construction ; qu'il ressort par ailleurs de l'article 12 précité que l'entreprise devait obtenir l'autorisation des propriétaires des parcelles voisines dans l'hypothèse où la technique des tirants d'ancrage serait retenue pour le soutènement des parois moulées ; qu'en conséquence, la société ABB ne s'est pas trouvée confrontée à des conditions techniques imprévues et que les difficultés pour obtenir l'autorisation des propriétaires des parcelles voisines ont constitué des faits imprévisibles ;

S'agissant de la nature du sol et du sous-sol :

4. Considérant qu'il ressort de l'instruction qu'une étude géotechnique préliminaire réalisée par la société Etudes et recherches géotechniques, intégrée dans le dossier de consultation, a indiqué " la présence de circulation d'eau lors de conditions climatiques défavorables notamment, voire d'une nappe de versant ", et que des relevés piézométriques ont été annexés au contrat, permettant d'alerter l'entreprise sur la présence d'eau et la nature hétérogène du sous-sol ; que si l'étude postérieure de modélisation, réalisée le 26 juillet 2010, après définition des techniques de construction, a noté que " la présence d'une nappe entre +2 et +4m NGF au droit du projet nécessitera la mise en place d'un système de pompage permettant le rabattement de l'eau ", la société, informée de la nature des terrains concernés par les travaux, aurait dû s'enquérir avant tout projet et toute signature de la nature dudit sous-sol et réaliser, ainsi que l'étude le préconisait, des études complémentaires dès la définition du projet ; que, par suite, la société requérante ne peut dès lors demander, sur le fondement de l'imprévision, une indemnité ;

S'agissant des intempéries :

5. Considérant que les intempéries alléguées, pendant soixante-trois jours selon la société, dont le nombre de jours et l'intensité ne sont établis par aucune pièce probante du dossier, ne présentent pas un caractère anormal, rendant impossible, de manière imprévisible, la réalisation du chantier dans les délais d'exécution contractuellement prévus ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les intempéries constatées sur le chantier constituent des faits imprévisibles ;

S'agissant de causes extérieures à la société et des retards imputables à la commune :

6. Considérant d'une part, que la société disposait des plans des réseaux qui étaient annexés au contrat, et qu'elle devait faire son affaire des travaux de déviation ou de modification des ouvrages et réseaux existants sur le terrain concerné par les travaux ; que la société n'est pas fondée à soutenir qu'elle a rencontré des difficultés pour trouver des décharges dans la région pour évacuer les déblais de chantier, dès lors qu'il appartenait au concessionnaire de faire son affaire des déblais et que face aux difficultés rencontrées par la société, la commune lui a loué un terrain ; que la société n'est pas fondée à soutenir que la tenue de la manifestation du G20 a perturbé le fonctionnement du chantier, dès lors qu'il lui appartenait, la date d'une telle manifestation étant suffisamment connue à l'avance, de prendre toutes dispositions utiles ; qu'enfin, la commune a informé en temps utile la société du choix du mobilier urbain du jardin public ;

7. Considérant d'autre part, que l'imputation par erreur au concessionnaire, au lieu de la commune, d'une semaine de retard pour mise en service tardive d'une grue sur le chantier, a été en l'espèce sans incidence sur le nombre de jours de retard finalement retenu pour le calcul des pénalités qui a été plafonné ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ABB n'est pas fondée à demander à être indemnisée d'une part, des surcoûts liés aux sujétions techniques imprévues et au comportement de la commune et, d'autre part du manque à gagner lié à la perte de marge brute sur les recettes d'exploitation, dont le montant n'est au demeurant pas établi ;

Sur le titre exécutoire :

9. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) 4° Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait de titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple. (...) le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation " ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'identité et la signature de l'auteur du titre exécutoire étaient mentionnées dans le bordereau de titre de recette accompagnant l'avis des sommes à payer ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 1617-5 précité du code général des collectivités territoriales doit être rejeté ;

11. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 13 du contrat de délégation conclu : " Délai de réalisation du parc : le concessionnaire doit commencer les travaux de l'ouvrage dans un délai de neuf mois à compter de la date de notification du présent contrat. (..). Le concessionnaire s'engage à mettre en service l'ouvrage dans un délai de 15 mois à compter du commencement des travaux. Dans le cas de non respect de ce dernier délai, le concessionnaire sera soumis à des pénalités fixées pour chaque jour de retard à un montant égal à 0,10 % du coût minimum global de l'ensemble des travaux soit 10 662 720 euros hors taxes. Le montant total de ces pénalités est plafonné à 10 % de ce coût (...). " ;

12. Considérant que le montant des pénalités de retard est contractuellement fixé ; qu'il résulte de l'instruction qu'une somme de 1 066 272 euros a été mise à la charge de la société ABB, somme correspondant au plafond maximal des pénalités, et correspondant à cent jours de retard ; que, par suite, en tout état de cause, la société, dont le retard s'est élevé à 222 jours, n'est pas fondée à en demander la diminution et ne peut soutenir que le montant des pénalités de retard appliqué doit être limité à 650 000 euros, dès lors que le montant des travaux s'est élevé, selon elle, à 6 500 000 euros ;

13. Considérant, enfin, que le procès-verbal de levée des réserves précise que le cautionnement bancaire ne peut être libéré dans la mesure où des engagements financiers pèsent sur la société ; que, par suite, la commune n'a commis aucune faute en ne restituant la caution bancaire qu'après le rejet de l'opposition à titre exécutoire prononcée par les premiers juges ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ABB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que la somme réclamée par la société ABB au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la commune de Cannes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, par contre, de mettre à la charge de la société ABB une somme de 2 000 euros à verser à ce même titre à la commune de Cannes ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société A.B.B. est rejetée.

Article 2 : La société ABB versera à la commune de Cannes une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alexandre Barbosa Borges (ABB) et à la commune de Cannes.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2017, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 juin 2017.

7

N° 15MA02661


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02661
Date de la décision : 26/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-03-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Aléas du contrat. Imprévision.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : EGLIE-RICHTERS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-26;15ma02661 ?
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