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26/06/2017 | FRANCE | N°16MA00872

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 26 juin 2017, 16MA00872


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la convention de partenariat conclue le 21 mai 2013 entre le centre communal d'action sociale de Nice et la Selarl Pharmacie Simha portant sur la fourniture de produits pharmaceutiques à plusieurs établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes.

Par un jugement n° 1304459 du 4 janvier 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, en

registrés le 7 mars 2016 et le 24 mars 2017, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la convention de partenariat conclue le 21 mai 2013 entre le centre communal d'action sociale de Nice et la Selarl Pharmacie Simha portant sur la fourniture de produits pharmaceutiques à plusieurs établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes.

Par un jugement n° 1304459 du 4 janvier 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 mars 2016 et le 24 mars 2017, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 4 janvier 2016 ;

2°) d'annuler la convention conclue le 21 mai 2013 entre le centre communal d'action sociale de Nice et la SELARL Pharmacie Simha ;

3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la partie perdante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la candidature de la SELARL Pharmacie Simha aurait dû être rejetée comme irrégulière dès lors qu'elle ne respectait pas les articles 2.2.1. et 2.2.3. du règlement de la consultation ;

- cette société méconnaît les stipulations de l'article 12 de la convention ;

- les dispositions de l'article L. 5215.6 du code de la santé publique ont été violées ;

- l'annulation de la convention n'est pas susceptible de porter atteinte à l'intérêt général.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 mars 2017 et 5 avril 2017, le centre communal d'action sociale de Nice conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à la poursuite de l'exécution du contrat et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés ;

- l'annulation de la convention porterait une atteinte excessive à l'intérêt général.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 et 13 mars 2017, la Selarl Pharmacie Simha conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable comme méconnaissant les dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative et étant tardive ;

- les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la Selarl Pharmacie Simha, et de Me B..., représentant le centre communal d'action sociale de Nice.

1. Considérant que le centre communal d'action sociale (CCAS) de Nice a lancé en 2013 un appel à concurrence en vue de la conclusion d'une convention de partenariat avec une pharmacie d'officine, à charge notamment pour celle-ci d'assurer au profit des résidents de trois établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) la délivrance de médicaments et leur conditionnement en doses à administrer ; qu'à l'issue de la consultation, le CCAS de Nice a retenu la Selarl Pharmacie Simha, qui exploite à Nice une pharmacie sous l'enseigne " pharmacie Gambetta " ; que la convention de partenariat a été signée le 21 mai 2013 pour une durée d'un an, renouvelable trois fois ; que Mme D..., candidate évincée, relève appel du jugement du 4 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette convention ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la Selarl Pharmacie Simha :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... a produit à l'appui de sa requête, laquelle a été formée dans le délai de deux mois prescrit par l'article R. 811-2 du code de justice administrative, copie du jugement attaqué ; que, par suite, les fins de non-recevoir opposées par la Selarl Pharmacie Simha et tirées, d'une part, de la tardiveté de la requête et, d'autre part, du non-respect des dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative doivent être écartées ;

Sur la validité de la convention :

3. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé dans le délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ;

4. Considérant que la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé que le recours qu'elle a défini ne trouve à s'appliquer, et quelle que soit la qualité dont se prévaut le tiers, qu'à l'encontre des contrats signés à compter de la lecture de cette même décision ; qu'il en résulte que le recours formé par Mme D... contre le contrat en litige, signé antérieurement à cette décision, doit être apprécié au regard des règles applicables avant ladite décision, qui permettaient à tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure un contrat administratif d'invoquer tout moyen à l'appui de son recours contre le contrat ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5126-6-1 du code de la santé publique : " Les établissements mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles qui ne disposent pas de pharmacie à usage intérieur ou qui ne sont pas membres d'un groupement de coopération sanitaire gérant une pharmacie à usage intérieur concluent, avec un ou plusieurs pharmaciens titulaires d'officine, une ou des conventions relatives à la fourniture en médicaments des personnes hébergées en leur sein. La ou les conventions désignent un pharmacien d'officine référent pour l'établissement. Ce pharmacien concourt à la bonne gestion et au bon usage des médicaments destinés aux résidents. Il collabore également, avec les médecins traitants, à l'élaboration, par le médecin coordonnateur mentionné au V de l'article L. 313-12 du même code, de la liste des médicaments à utiliser préférentiellement dans chaque classe pharmaco-thérapeutique./ Ces conventions précisent les conditions destinées à garantir la qualité et la sécurité de la dispensation pharmaceutique ainsi que le bon usage des médicaments en lien avec le médecin coordonnateur (...). Elles sont transmises par les établissements au directeur général de l'agence régionale de santé ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie dont ils relèvent et par les pharmaciens au conseil compétent de l'ordre. Les personnes hébergées ou leurs représentants légaux conservent la faculté de demander que leur approvisionnement soit assuré par un pharmacien de leur choix./ Les conventions doivent reprendre les obligations figurant dans une convention type définie par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. " ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5125-6 du même code : " La licence fixe l'emplacement où l'officine sera exploitée (...) " ; que son article R. 5125-9 précise que les locaux de l'officine forment un ensemble d'un seul tenant, l'article R. 5125-12 de ce code disposant que " Toute modification substantielle des conditions d'installation de l'officine est déclarée au directeur général de l'agence régionale de santé et au conseil régional compétent ou au conseil central de la section D ou de la section E de l'ordre national des pharmaciens " ;

7. Considérant que le règlement de la consultation impose dans son article 2.2.3. au pharmacien référent d'effectuer la préparation des doses à administrer au local préparatoire ou, à défaut, dans un local de l'officine garantissant les conditions de sécurité sanitaire, la qualité d'exécution et le contrôle de la préparation ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'enquête effectuée le 28 novembre 2012 par l'agence régionale de santé (ARS) de Provence-Alpes-Côte d'Azur que le local de la Selarl Pharmacie Simha destiné à la préparation des doses à administrer était situé dans une annexe séparée de l'officine par une dizaine de mètres, ce local n'ayant pas fait l'objet de la déclaration prévue par l'article R. 5125-12 du code de la santé publique ; que ledit rapport mentionne que la préparation des doses à administrer s'effectue dans des conditions ne permettant pas d'assurer la traçabilité des médicaments ; que dans son rapport définitif du 29 avril 2013, l'agence régionale de santé a donné un délai d'un mois à la Selarl Pharmacie Simha pour lui transmettre un projet de mise en conformité ; qu'il ressort d'une autre correspondance de l'ARS du 2 juillet 2013, postérieure à la signature de la convention en litige, que la mise en conformité du local n'était pas effective, un délai jusqu'au 1er septembre 2013 étant accordé à la Selarl pour y remédier ; que la demande de permis de construire visant à permettre cette régularisation n'a été déposée en mairie de Nice que le 5 juillet 2013 ; qu'ainsi, la candidature de la Selarl Pharmacie Simha, dont les conditions d'exploitation étaient irrégulières, aurait dû être écartée par le CCAS de Nice, comme n'étant conforme ni au code de la santé publique ni aux dispositions précitées du règlement de la consultation ;

9. Considérant que la requérante ne peut se prévaloir utilement du non respect par la Selarl Pharmacie Simha de l'article 12 de la convention aux termes duquel : " La préparation des doses à administrer s'effectue :/ - au sein de l'officine ;/ - de manière automatisée ", un tel moyen se rapportant à l'exécution du contrat et non à sa validité ;

Sur les conséquences de l'irrégularité :

10. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer - le cas échéant, avec effet différé - la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou au droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec effet différé, le contrat ;

11. Considérant que l'irrégularité relevée au point 8 n'est pas régularisable et a entraîné un vice de consentement de la personne publique ; qu'elle est d'une gravité justifiant l'annulation de la convention ; qu'une telle annulation ne porte pas atteinte à l'intérêt général ni aux droits des cocontractants, la fin du contrat étant fixée au 21 mai 2017 ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu de mettre une somme de 2 000 euros à la charge du CCAS de Nice au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées par le CCAS de Nice et la Selarl Pharmacie Simha au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 4 janvier 2016 est annulé.

Article 2 : La convention conclue le 21 mai 2013 entre le CCAS de Nice et la Selarl Pharmacie Simha est annulée.

Article 3 : Le CCAS de Nice versera une somme de 2 000 euros à Mme D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du CCAS de Nice et de la SELARL Pharmacie Simha présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., au centre communal d'action sociale de Nice et à la SELARL Pharmacie Simha.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2017, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 juin 2017.

6

N° 16MA00872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00872
Date de la décision : 26/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-01-02-02-02 Marchés et contrats administratifs. Notion de contrat administratif. Nature du contrat. Contrats n'ayant pas un caractère administratif. Contrats ne concernant pas directement l'exécution d'un service public et ne contenant pas de clauses exorbitantes du droit commun.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : CSF JURCO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-26;16ma00872 ?
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