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26/06/2017 | FRANCE | N°16MA04308

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 26 juin 2017, 16MA04308


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 15 avril 2016 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1601903 du 15 septembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2016, M. A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 15 septembre 2016 ;

2°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 15 avril 2016 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1601903 du 15 septembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2016, M. A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 15 septembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 avril 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de réexaminer sa situation aux fins de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", " raisons humanitaires " ou tout autre titre auquel il serait admissible, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, lequel renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;

Sur la décision portant refus de séjour :

- le préfet a méconnu l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le tribunal a ajouté une condition à l'appréciation de la réalité et de la stabilité de sa vie privée et familiale ;

- il aurait dû bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale par suite de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2016, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Steinmetz-Schies, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. A..., né le 17 août 1972, de nationalité russe, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 11 septembre 2012 accompagné de sa femme et de ses enfants ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) le 28 août 2015 et par la Cour nationale du droit d'asile (Cnda) le 18 mars 2016 ; que M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 avril 2016 par lequel le préfet du Gard lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet a rejeté la demande de titre de séjour, présentée par le requérant sur le seul fondement des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'à la suite des décisions, mentionnées au point 1, par lesquelles l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis la Cour nationale du droit d'asile, ont refusé à M. A... la reconnaissance de qualité de réfugié, le préfet, saisi d'une demande de titre de séjour sur ce seul fondement, était tenu de lui refuser le titre de séjour sollicité, en application des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur le refus de titre de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, que sont inopérants, devant le juge de l'excès de pouvoir, les moyens de légalité interne qui, sans rapport avec la teneur de la décision, ne contestent pas utilement la légalité des motifs et du dispositif de la décision administrative attaquée ; que dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile, sans examiner d'office si d'autres motifs sont susceptibles de justifier la délivrance d'un titre à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement invoquer de tels motifs devant le juge de l'excès de pouvoir ;

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre des dispositions précitées ; que, comme il a été dit au point 3, le préfet, saisi d'une demande de titre de séjour uniquement sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par le requérant débouté de sa demande d'asile, était tenu de lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité ; que, par suite, le moyen tiré de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l' étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ;

8. Considérant que M. A..., qui déclare être entré en France en septembre 2012, accompagné de son épouse et de ses enfants, fait valoir qu'il réside en France depuis septembre 2012 avec son épouse et ses cinq enfants qui sont scolarisés sur le territoire français, et qu'il s'investit dans des activités bénévoles ; que toutefois le requérant, qui a vécu pendant plus de quarante ans dans son pays d'origine, est arrivé récemment en France avec son épouse qui fait elle aussi l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'en tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit au point 3, que le moyen tiré de l'article L. 313-11 7°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;

9. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ni d'ailleurs qu'il aurait été mis dans l'impossibilité de présenter une telle demande ; que le préfet, par courrier du 22 juin 2016, a notamment rappelé à son conseil les formalités inhérentes à la délivrance d'un tel titre ; qu'en tout état de cause, les pièces du dossier ne sont pas de nature à établir l'absence de tout traitement dans son pays d'origine pour la prise en charge de ses douleurs aux jambes ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

11. Considérant que M. A..., qui déclare être entré en France en septembre 2012, accompagné de son épouse et de ses enfants, fait valoir qu'il réside en France depuis septembre 2012 avec son épouse et ses cinq enfants qui sont scolarisés sur le territoire français, et qu'il s'investit dans des activités bénévoles ; que toutefois, le requérant, qui a vécu pendant plus de quarante ans dans son pays d'origine, est arrivé récemment en France avec son épouse qui fait elle-aussi l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine, ni y être dépourvu d'attaches ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que pour l'ensemble des motifs qui viennent d'être énoncés, le préfet du Gard n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de M. A... ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) : 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. " ;

14. Considérant que le requérant soutient que son état de santé fait obstacle à son retour en Tchétchénie, eu égard à l'absence de traitement ou à l'inefficacité de la prise en charge de ses douleurs aux jambes ; que, toutefois, les pièces du dossier ne sont pas de nature à établir l'absence de tout traitement dans son pays d'origine pour la prise en charge de ses douleurs aux jambes ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

15. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

16. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants." ; qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

17. Considérant que M. A... soutient, d'une part, qu'il est menacé dans son pays d'origine qu'il a dû fuir dès lors qu'il a été combattant durant les deux guerres de Tchétchénie, qu'il a fait l'objet de représailles, qu'il a été arrêté et enlevé et que son frère est décédé, et d'autre part, qu'il ne pourra suivre son traitement médical ; que toutefois, le requérant, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'établit pas, par la production du certificat de décès de son frère, ainsi que des rapports des organismes internationaux sur la situation en Tchétchénie, qu'il serait exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ou dans tout autre où il serait légalement admissible ; que, par ailleurs, comme il a déjà été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas recevoir les soins appropriés à son état ; que dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;

18. Considérant, en troisième lieu, que pour l'ensemble des motifs qui viennent d'être énoncés, le préfet du Gard n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A... ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ou 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2017, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 juin 2017.

6

N° 16MA04308


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04308
Date de la décision : 26/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-26;16ma04308 ?
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