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18/09/2017 | FRANCE | N°16MA02436

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 18 septembre 2017, 16MA02436


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions du 11 mai 2016 par lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et l'a placé en rétention administrative pour l'exécution de cette mesure.

Par un jugement n°1604092 du 17 mai 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de la demande de M. A...dirigées contre l'obligation de quitter le territoire

français et a annulé la décision de placement en rétention de l'intéressé.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions du 11 mai 2016 par lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et l'a placé en rétention administrative pour l'exécution de cette mesure.

Par un jugement n°1604092 du 17 mai 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de la demande de M. A...dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et a annulé la décision de placement en rétention de l'intéressé.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2016, M.A..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 mai 2016 ;

2°) d'annuler l'obligation de quitter le territoire français édictée par le préfet des Bouches-du-Rhône le 11 mai 2016.

Il soutient que :

- le magistrat désigné a statué après expiration du délai de 72 heures alors qu'il était de ce fait devenu incompétent ;

- le tribunal administratif a méconnu le délai prévu par les articles L. 512-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 776-2-1 du code de justice administrative, et ainsi porté atteinte au principe d'égalité protégé par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit de mener une vie familiale normale protégé par l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ;

- il mène une vie commune avec une compatriote en séjour régulier mère de deux enfants mineurs ;

- il a fui son pays après y avoir subi une agression et des menaces ;

- il se réfère aux articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'aux stipulations de l'accord franco-algérien.

Par un mémoire enregistré le 28 avril 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués contre le jugement et la décision en litige n'est fondé, et renvoie au contenu de ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Hameline a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que par deux arrêtés du 11 mai 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a, d'une part, fait obligation à M. C...A..., ressortissant algérien, de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays à destination duquel il pouvait être éloigné, et, d'autre part, a prononcé son placement en rétention administrative ; que M. A...a formé un recours contentieux contre ces décisions devant le tribunal administratif de Marseille en application de l'article L. 512-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un jugement du 17 mai 2016, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté les conclusions présentées par l'intéressé contre l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, et a annulé l'arrêté le plaçant en rétention administrative ; que M. A...doit être regardé comme interjetant appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité des conclusions de sa demande ;

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L 512-1du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : III. - " En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d'assignation. (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. " ;

3. Considérant que si ces dispositions, reprises par celles de l'article R. 776-21 du code de justice administrative, prévoient qu'en cas de placement en rétention d'un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, le président du tribunal ou le magistrat qu'il désigne statue au plus tard soixante-douze heures après avoir été saisi, ce délai n'est toutefois prescrit ni à peine de dessaisissement ni à peine de nullité du jugement ; que le magistrat désigné se trouve en revanche dessaisi au profit de la formation collégiale du tribunal administratif statuant dans le délai prévu au I de l'article L. 512-1 lorsqu'il est mis fin, pour quelque raison que ce soit, à la rétention de l'étranger avant le jugement de son recours ;

4. Considérant que M. A...a saisi le tribunal administratif le 13 mai 2016 à 16h53 alors qu'il se trouvait en rétention administrative ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été mis fin à la rétention de l'intéressé avant l'audience du 17 mai 2016 à 9h45 ; que, par suite, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille était toujours compétent pour statuer à cette date sur le recours contentieux formé par M. A...en application du III de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français sans délai prise à son encontre, alors même que le délai de soixante-douze heures depuis l'enregistrement de la requête au greffe était alors expiré ; que cette circonstance, qui ne faisait notamment pas obstacle à ce que le juge des libertés et de la détention se prononce sur la prolongation de la rétention de M.A..., et qui n'a pas méconnu le droit au recours du requérant, demeure par ailleurs sans incidence sur la régularité du jugement contesté ; que M. A... ne peut valablement soutenir à cet égard que le seul fait que le tribunal ait statué en l'espèce peu après l'expiration du délai de soixante-douze heures emporterait violation du principe constitutionnel d'égalité devant la loi ; que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent, dès lors, être écartés ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :

5. Considérant, premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...)5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

6. Considérant que M. A...est entré en France le 27 février 2014 à l'âge de 31 ans, soit un séjour d'une durée de deux années seulement à la date de la décision en litige ; qu'il ne soutient pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, et ne démontre pas non plus d'insertion personnelle ou professionnelle particulière sur le territoire français ; que, s'il fait valoir qu'il mène une vie commune avec une compatriote titulaire d'un titre de séjour, par ailleurs mère de deux enfants mineurs, qu'il a épousée le 23 avril 2016, il n'établit ni l'ancienneté ni la stabilité de cette union en se bornant en produisant une facture d'électricité à son nom et à celui de sa compagne datant du mois de février 2015 ; que, dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour en litige n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : /1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; /2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; /3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. /Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

8. Considérant que M.A..., dont la demande d'asile a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 mars 2015, ne démontre pas davantage en appel que devant le premier juge qu'il serait exposé à un risque particulier en cas de retour en Algérie, en se bornant à alléguer de manière peu circonstanciée qu'il a subi un vol avec violences alors qu'il exerçait son activité de commerçant et aurait été menacé afin de retirer la plainte déposée pour ces faits ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet des Bouches-du-Rhône des stipulations et dispositions précitées doit être également écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de sa demande à fin d'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 11 mai 2016 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de destination ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2017, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 septembre 2017.

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N° 16MA02436


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02436
Date de la décision : 18/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS BADUEL et GAUTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-09-18;16ma02436 ?
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