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29/09/2017 | FRANCE | N°16MA03649

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2017, 16MA03649


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 5 août 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a ordonné son placement en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par un jugement n° 1606617 du 10 août 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision du 5 août 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 septembre 201

6, le préfet des Bouches-du-Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 5 août 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a ordonné son placement en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par un jugement n° 1606617 du 10 août 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision du 5 août 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 août 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant ce tribunal.

Il soutient que :

- il a bien pris en compte la situation familiale de M. C... avant de décider de son placement en rétention administrative ;

- le risque de fuite est caractérisé ;

- pour le surplus il s'en remet à son mémoire de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2016, M. C..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- il justifie de liens personnels et familiaux en France ;

- il est le père d'un enfant né en France et d'un enfant à naître.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2008/115/CE du 26 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guidal, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par un jugement du 10 août 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé, à la demande de M. C..., la décision du 5 août 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône le plaçant en rétention administrative ; que le préfet des Bouches-du-Rhône relève appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 2° Fait l'objet d'un arrêté d'expulsion (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ; qu'enfin, le II de l'article L. 511-1 dispose que : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. L'autorité administrative peut faire application du deuxième alinéa du présent II lorsque le motif apparaît au cours du délai accordé en application du premier alinéa. " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, intervenues pour transposer la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 et éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, transposant cette directive, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle entend mettre à exécution une des décisions d'éloignement visées à l 'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prise à l'égard d'un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français, d'apprécier, au regard des circonstances propres à l'intéressé, notamment au regard du risque que celui-ci tente de se soustraire à la mesure d'éloignement et aux garanties de représentation effectives dont il dispose, s'il peut le laisser en liberté, l'assigner à résidence, ou le placer en rétention administrative ;

4. Considérant que, pour annuler la décision du 5 août 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône plaçant M. C... en rétention administrative, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur ce qu'elle était entachée d'erreur de droit en l'absence dans la décision " de tout motif faisant référence à la situation du fils du requérant " circonstance dont il a déduit que la mesure avait été édictée sans qu'un examen particulier de la situation de l'intéressé " pour exclure une mesure moins coercitive que la rétention " ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée a été prise pour permettre l'exécution de l'arrêté d'expulsion pris le 4 août 2016 par le même préfet des Bouches-du-Rhône à l'encontre de M. C... ; que cet arrêté est intervenu après un avis du 29 avril 2016 de la commission d'expulsion rendu à la suite d'une réunion au cours de laquelle l'intéressé a pu exposer tous les éléments propres à sa situation familiale ; que l'arrêté du 4 août 2016 fait état de tels éléments et se réfère notamment à la circonstance que s'il est marié avec une ressortissante française le 1er mars 2014, il n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant de nationalité française dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; qu'ainsi, c'est au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au vu de l'ensemble de ces éléments, que l'autorité administrative a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé, et, qu'à cette occasion, la présence de son jeune fils a été prise en compte pour apprécier si le requérant pouvait être laissé en liberté ou assigné à résidence, ou si au contraire, il devait être placé en rétention administrative ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur l'erreur de droit dont la décision plaçant M. C... en rétention administrative aurait été entachée faute d'avoir été précédée d'un examen particulier de sa situation, pour l'annuler ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Marseille et devant la Cour ;

7. Considérant que la décision de placement en rétention doit être proportionnée aux buts qui lui sont assignés ; qu'elle doit, pour cela, être justifiée par la perspective d'un éloignement effectif et l'insuffisance des garanties de représentation ; qu'au sens de l'article L. 561-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notion de garanties de représentation effectives suffisantes pour prévenir un risque de fuite doit être appréciée au regard des conditions de résidence et de logement de l'étranger, et aussi au regard, notamment, de la possession ou non de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ou encore du respect ou non, par l'étranger, des décisions prises à son encontre et des obligations lui incombant ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté M. C... ne pouvait justifier être en possession d'un passeport en cours de validité ; qu'au regard des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 est à cet égard sans incidence la circonstance alléguée qu'il aurait été titulaire d'un document de voyage périmé ; qu'il est constant qu'à cette même date il avait fait l'objet de quatre mesures d'éloignement du territoire français prises entre les années 2010 et 2015 à l'exécution desquelles il s'était soustrait ; qu'incarcéré du 29 mai 2014 au 14 mars 2015, puis du 5 septembre 2015 au 7 août 2016, il n'a résidé chez son épouse que du 14 mars au 15 septembre 2015 ; que compte tenu de ces circonstances, eu égard à la nécessité de prendre les mesures qu'exigeait l'organisation matérielle du retour de l'intéressé dans son pays d'origine et faute de perspective raisonnable d'une exécution volontaire de la mesure d'expulsion prise à son encontre, le préfet des Bouches-du-Rhône, en décidant son placement en rétention administrative, le 5 août 2016, n'a ni méconnu le principe de subsidiarité de la rétention, ni commis d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant que dans la mesure où le motif qui vient d'être exposé, tiré de l'absence de garanties de représentation effectives, suffit, à lui seul, à justifier légalement la décision de placement en rétention administrative, M. C... ne saurait utilement se prévaloir de l'erreur de droit ou de l'erreur d'appréciation dont serait entaché le second motif de la décision tenant à la menace pour l'ordre public constituée par la présence de l'intéressé sur le territoire français ;

10. Considérant que, comme il a été dit au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé en vue, le cas échéant, de recourir à une mesure moins coercitive que la rétention administrative ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1 lorsque l'étranger est père ou mère d'un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 du présent code, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique, après accord de l'étranger " ;

12. Considérant, toutefois, que l'article L. 562-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile renvoie à un décret en Conseil d'État la définition des modalités d'application des dispositions relatives notamment à l'assignation à résidence avec surveillance électronique, l'article L. 562-2 du même code prévoyant en outre que le procédé utilisé est homologué par les ministres chargés de l'immigration et de la justice ; que les dispositions réglementaires prévues n'étaient pas intervenues à la date de la décision préfectorale contestée ; que les articles L. 562-1 et L. 562-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne définissent pas notamment les garanties de procédure ni les modalités matérielles de placement sous surveillance électronique, ne sont dès lors pas suffisamment précis pour servir de fondement à l'édiction de mesures individuelles ; que, dès lors, les articles L. 562-1 et L. 562-2 du code précité ne pouvaient, à la date de la décision contestée, recevoir d'application à défaut de l'intervention des dispositions réglementaires permettant leur mise en oeuvre ; que, par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il appartenait au préfet de faire usage de ces dispositions au lieu de recourir à une mesure privative de liberté ;

13. Considérant que la décision de placement de M. C... en rétention administrative pendant une durée de cinq jours, distincte de la mesure d'éloignement prise à son encontre, ne porte, par elle-même, aucune atteinte au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, ni à l'intérêt supérieur de ses enfants ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par cette décision des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de le méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision du 5 août 2016 ordonnant le placement de M. C... en rétention administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 août 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... C....

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2017, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2017.

4

N° 16MA03649

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03649
Date de la décision : 29/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Restrictions apportées au séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : ABIKHZER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-09-29;16ma03649 ?
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