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02/10/2017 | FRANCE | N°16MA03913

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 02 octobre 2017, 16MA03913


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer l'annulation de l'arrêté du 4 juin 2016 par lequel le préfet de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire national pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1601811 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoi

re, enregistrés le 20 octobre 2016 et le 6 septembre 2017, M.C..., représenté par Me B...demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer l'annulation de l'arrêté du 4 juin 2016 par lequel le préfet de Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire national pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1601811 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 octobre 2016 et le 6 septembre 2017, M.C..., représenté par Me B...demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 septembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 4 juin 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour provisoire à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation au regard de l'examen des conditions relatives à l'application de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- il est fondé à se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- il remplit les conditions posées à l'article L.313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire est insuffisamment motivé et ne procède pas à un examen de la situation de l'intéressé au regard de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la décision d'interdiction de retour est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2017, le préfet conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boyer ;

- et les observations de Me B...pour M.C....

1. Considérant que M. C..., de nationalité arménienne, relève appel du jugement du 20 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juin 2016 par lequel le préfet de Vaucluse l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de revenir sur le territoire national pendant une durée de deux ans ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à chacun des arguments avancés par le requérant, n'ont pas omis de répondre au moyen tiré de ce qu'il aurait été fait une inexacte application de la circulaire du 28 novembre 2012 ; que, par suite et en tout état de cause, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant, en premier lieu, que si un étranger peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, la décision du préfet serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu, dans le cadre de la politique du Gouvernement en matière d'immigration, adresser aux préfets, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation de chaque cas particulier, pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ; que c'est par suite à bon droit que les premier juges ont estimé que M. C... ne pouvait utilement se prévaloir des orientations générales de la circulaire du 28 novembre 2012 ; qu'il en va de même des réponses ministérielles du 18 décembre 2012, interprétatives de cette circulaire ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée qui vise les textes dont elle fait application et comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ; que compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 3, la circonstance qu'elle ne comporte pas l'examen des conditions d'application de la circulaire du 28 novembre 2012 est sans incidence sur le caractère suffisant de sa motivation et ne fait pas obstacle à ce que le préfet ait procédé, comme en témoignent les termes de la décision, à un examen particulier de la situation de M. C... ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C..., né le 27 juillet 1982 selon les renseignements recueillis auprès des autorités arméniennes, marié depuis le 22 avril 2011 à une compatriote, déclare sans en justifier être entré sur le territoire national le 22 juillet 2011 et s'y maintenir depuis avec son épouse et leur deux enfants nés respectivement le 9 avril 2009 et le 9 août 2012 ; qu'il n'établit pas être dépourvu d'attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans et y a fondé sa famille ; que si M. C... se prévaut de la scolarisation de ses enfants en France, d'une bonne intégration et de la maîtrise de la langue française, il ressort des pièces du dossier que l'arrivée de la famille est récente, que les enfants sont jeunes et qu'enfin son épouse est également en situation irrégulière ; que la circonstance que M. et Mme C...disposeraient de promesses d'embauche dans une société où ils ont effectué quelques heures de travail en 2015 et 2016 n'est pas de nature à leur conférer un droit au maintien sur le territoire ; qu'enfin l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut s'interpréter comme impliquant une obligation pour les Etats membres de se conformer au choix fait par les couples, mariés ou non, de s'établir sur leur territoire d'autant que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se recompose en Arménie ; qu'il résulte de ce qui précède que, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision en litige , nonobstant les attestations versées au débat et le fait que le requérant dispose d'un appartement, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale de M. C... en violation des stipulations de l'article 8 précité de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs M. C... ne démontre pas qu'il remplirait les conditions posées à l'article L. 313-11-7° précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

8. Considérant que dès lors qu'il n'est pas soutenu que la famille ne pourrait s'établir en Arménie dont M. C... et son épouse sont ressortissants, et alors que rien n'empêche que la scolarisation des enfants se poursuive en Arménie, la décision d'éloignement prise à l'encontre de M. C... ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...). Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. (...). L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. " ;

10. Considérant que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère ;

11. Considérant qu'il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour de tenir compte des quatre critères énumérés par les dispositions ci-dessus mentionnées sans nécessairement préciser expressément les circonstances qu'elle ne retient pas après prise en compte de chacun de ces critères ; qu'en indiquant le fondement juridique de la mesure et les éléments retenus à savoir l'impossibilité de produire un document transfrontière, le maintien en situation irrégulière sans avoir accompli de démarche en vue de sa régularisation et l'inexécution d'une mesure d'éloignement toujours exécutoire prononcée par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence du 6 février 2014, le préfet de Vaucluse a suffisamment motivé sa décision au regard des principes qui viennent d'être énoncés ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Boyer, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 octobre 2017.

6

N° 16MA03913


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03913
Date de la décision : 02/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Catherine BOYER
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : MERDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-02;16ma03913 ?
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