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25/01/2018 | FRANCE | N°15MA02069

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 25 janvier 2018, 15MA02069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger, M. et Mme C...B...et

Mme E...A...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux à verser au syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger la somme de 200 000 euros, à M. et Mme B...la somme de 3 627,72 euros et à Mme A...la somme de 9 882,82 euros, en réparation des préjudices subis du fait de la rupture d'une canalisation d'eau.

Par un jugement n° 1302658 du 20 mars 2015, le t

ribunal administratif de Montpellier a condamné la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger, M. et Mme C...B...et

Mme E...A...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux à verser au syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger la somme de 200 000 euros, à M. et Mme B...la somme de 3 627,72 euros et à Mme A...la somme de 9 882,82 euros, en réparation des préjudices subis du fait de la rupture d'une canalisation d'eau.

Par un jugement n° 1302658 du 20 mars 2015, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux à verser au syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger la somme de 200 000 euros, à M. et Mme B...la somme de 3 627,72 euros et à MmeA..., la somme de 9 882,82 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mai 2015, la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux, représentée par la SCPA Pinet et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 mars 2015 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par le syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger, M. et Mme B...et MmeA... devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge du syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger, de M. et Mme B...et de Mme A...la somme de 2 500 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande du syndicat des copropriétaires était irrecevable en l'absence de qualité pour agir ;

- les demandes de M. et Mme B...et de Mme A...sont couvertes par la prescription quadriennale ;

- les désordres ne sont pas imputables à l'ouvrage public mais au mode de construction de l'immeuble ;

- le coût de travaux conformes de reprise en sous-oeuvre selon la méthode des plots en béton n'est pas justifié par la production d'un devis.

Par un mémoire, enregistré le 11 août 2015, le syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger, M. et Mme B...et de MmeA..., représentés par la SELARL ABvocare, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer ce jugement en ce qu'il a rejeté leur demande d'indexation du coût des travaux sur l'indice du coût de la construction ;

3°) de mettre à la charge de la SCA Véolia-Eau Compagnie Générale des Eaux la somme de 4 000 euros à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la demande du syndicat était recevable ;

- la société requérante, personne privée, ne peut leur opposer une exception de prescription quadriennale ;

- cette exception ne peut être opposée pour la première fois en appel ;

- les demandes des copropriétaires ne sont pas prescrites ;

- les dommages sont imputables à la société requérante ;

- le mode de construction de l'immeuble n'est pas fautif ;

- le montant des préjudices est justifié ;

- ils étaient dans l'impossibilité financière de réaliser les travaux dès le dépôt du rapport de l'expert.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me D...substituant ABvocare, représentant le syndicat des copropriétaires du 9 rue d'Alger, Mme A...et M. et MmeB....

1. Considérant que la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux relève appel du jugement du 20 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à indemniser le syndicat des copropriétaires du 9 rue d'Alger à Narbonne et deux copropriétaires, M. et Mme B...et MmeA..., en réparation des préjudices subis à la suite de la rupture d'une canalisation d'adduction d'eau potable, les 21 et 23 décembre 2004 ; que le syndicat des copropriétaires du 9 rue d'Alger à Narbonne, M. et Mme B...et Mme A...concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation de ce jugement en ce qu'il a rejeté leur demande d'indexation du coût des travaux sur l'indice du coût de la construction ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance du syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger :

2. Considérant qu'en vertu de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le syndic représente le syndicat des copropriétaires en justice ; qu'aux termes de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 pris pour l'application de cette loi : " Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale. / Une telle autorisation n'est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de créance, la mise en oeuvre des voies d'exécution forcée à l'exception de la saisie en vue de la vente d'un lot, les mesures conservatoires et les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés, ainsi que pour défendre aux actions intentées contre le syndicat. / Dans tous les cas, le syndic rend compte à la prochaine assemblée générale des actions introduites. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans les cas où une autorisation est requise, le syndic, agissant au nom de la copropriété, est tenu de disposer, sous peine d'irrecevabilité de sa demande, d'une autorisation formelle de l'assemblée générale des copropriétaires pour agir en justice en son nom, habilitation qui doit préciser l'objet et la finalité du contentieux engagé ; que le pouvoir ainsi donné au syndic est compris dans les limites qui ont, le cas échéant, été fixées par la décision de l'assemblée générale ;

3. Considérant que l'assemblée générale des copropriétaires de la copropriété du

9 rue d'Alger, réunie le 18 mai 2013, avait pour but "l'obtention, par le syndic bénévole du pouvoir de chaque propriétaire pour pouvoir poursuivre en leurs noms la procédure contre Véolia" ; qu'en l'absence de toute autre précision sur l'objet et la finalité de la procédure que cette décision mentionne, l'assemblée générale des copropriétaires ne justifie pas avoir donné au syndic une autorisation expresse pour agir devant le tribunal administratif de Montpellier aux fins d'obtenir l'indemnisation des préjudices consécutifs à la fuite d'une canalisation du réseau public d'eau potable exploité par la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux ; que, par suite, la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux est fondée à soutenir que la demande présentée par le syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger devant le tribunal administratif était irrecevable ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser au syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger la somme de 200 000 euros à titre d'indemnité, ainsi qu'une somme au titre de la contribution pour l'aide juridique et des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Sur les autres conclusions de la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux :

En ce qui concerne la responsabilité :

5. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ; que, dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime ; qu'en dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable ;

6. Considérant qu'il ressort de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise établi par M. F...désigné par l'ordonnance du 5 février 2008 du juge des référés du tribunal de grande instance de Narbonne, que les fissures apparues sur la façade et à l'intérieur de l'immeuble situé au 9 rue d'Alger sont imputables à la rupture, les 21 et

23 décembre 2004, d'une canalisation du réseau communal d'adduction d'eau potable, exploité par la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux, et non à la présence d'une nappe phréatique ; que cette société, qui n'établit pas l'existence d'une fragilité ou d'une vulnérabilité de l'immeuble imputable à une faute de la copropriété et des copropriétaires, ne peut utilement soutenir que les dommages préexistaient à la fuite d'eau et résulteraient de l'absence de fondation du bâtiment ; qu'elle ne produit aucun document de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert sur l'origine des désordres constatés ; qu'il suit de là que le lien de causalité entre les désordres allégués et la rupture de la canalisation du réseau public de distribution d'eau est établi ;

En ce qui concerne la personne responsable :

7. Considérant qu'en cas de délégation limitée à la seule exploitation de l'ouvrage, comme c'est le cas en matière d'affermage, si la responsabilité des dommages imputables à son fonctionnement relève du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et son dimensionnement, appartient à la personne publique délégante ;

8. Considérant que l'article 31.1 du contrat d'affermage par lequel la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux s'est vu confier l'exploitation du réseau de distribution d'eau potable de la commune de Narbonne prévoit que " le fermier est responsable, tant vis-à-vis de la collectivité que vis-à-vis des usagers et des tiers des dommages occasionnés par le fonctionnement du service affermé " ; qu'il résulte de ce qui a été indiqué au point précédent que la responsabilité de la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux est engagée en cas de dommage imputable au fonctionnement du réseau dont l'exploitation lui a été déléguée par affermage ;

9. Considérant que les dommages en litige, qui résultent de la rupture d'une canalisation du réseau d'eau potable, ont ainsi été occasionnés par le fonctionnement de l'ouvrage public et non par son existence, sa nature ou son dimensionnement ; qu'il suit de là que la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux est seule responsable, même sans faute de sa part, des dommages causés aux tiers ;

En ce qui concerne la prescription :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans le délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis./ Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public " ;

11. Considérant que les personnes morales de droit privé ne sont pas au nombre des personnes au profit desquelles sont prescrites les créances en application des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ; qu'il suit de là que la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux, alors même qu'elle est délégataire exploitant du réseau de distribution d'eau potable de la commune de Narbonne, n'est pas fondée à opposer l'exception de prescription quadriennale aux demandes présentées par M. et Mme B...et MmeA... ;

En ce qui concerne les préjudices :

12. Considérant que la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux ne conteste pas le coût des travaux de reprise de l'intérieur des appartements dont M. et Mme B...et Mme A...sont propriétaires, que les premiers juges ont mis à sa charge pour les montants, respectivement, de 3 627,72 euros et de 9 882,82 euros ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser les sommes de 3 627,72 euros à M. et Mme B...et de 9 882,82 euros à MmeA... ;

Sur l'appel incident de M. et Mme B...et de MmeA... :

14. Considérant que l'évaluation des dommages subis par les propriétaires des parties privatives doit être faite à la date où leur cause ayant pris fin et où leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à y remédier ;

15. Considérant que les travaux de reprise de l'intérieur des appartements dont M. et Mme B...et de Mme A...sont propriétaires ne pourront utilement être réalisés qu'après la stabilisation complète de l'immeuble à la suite des travaux de reprise en sous-oeuvre ; que les requérants n'établissent pas que la copropriété s'est trouvée dans l'impossibilité technique ou financière de faire effectuer les travaux sur les parties communes du bâtiment dès le dépôt du rapport d'expertise ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande tendant à ce que le montant de la réparation soit indexé sur l'indice du coût de la construction ;

Sur les frais liés au litige :

17. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties en litige la charge de ses propres frais de procédure et de rejeter les conclusions qu'elles ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 mars 2015 et l'article 4 de ce jugement, en tant qu'il fait droit aux demandes présentées par le syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative, sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par le syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de M. et Mme B...et de Mme A...présentées par la voie de l'appel incident et leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions du syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCA Véolia Eau-Compagnie Générale des Eaux, au syndicat de copropriétaires du 9 rue d'Alger, à M. et Mme C...B...et à Mme E...A....

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2018 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 25 janvier 2018.

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N° 15MA02069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02069
Date de la décision : 25/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-05-005 Procédure. Introduction de l'instance. Qualité pour agir. Représentation des personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : PINET et ASSOCIES NARBONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-01-25;15ma02069 ?
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